Pierre Lapointe

« Au début de ma carrière, j’écrivais ce que j’appelais de la « poésie vaporeuse », explique Pierre Lapointe durant ce long entretien, l’un des premiers qu’il accorde pour annoncer la parution de son nouvel album, La science du cœur. « Je voulais alors comprendre comment écrire sans tomber dans la dictature des idées. Ça donnait des textes qui avaient leurs qualités… et leurs défauts. Or, je disais que quand je comprendrai vraiment l’art de toucher les gens en sachant qu’ils comprendront directement de quoi je parle, j’ajoutais, un peu à la blague : attachez vos tuques parce que vous allez avoir mal ! »

C’est la première chose qui frappe en découvrant La science du cœur, le cinquième album studio original (si l’on exclut l’album de relectures studio Paris Tristesse paru en 2014) de Pierre Lapointe : lyriquement, il va droit au but. Message reçu. On mesure alors le chemin accompli depuis les sibyllines rimes du premier album (éponyme, 2004) et de l’ambitieux et exceptionnel exercice de fabulation chansonnière La Forêt des mal-aimés (2006) : Pierre est limpide, vulnérable même, dans les textes de ce nouvel album né d’un « coup de foudre professionnel » avec le compositeur et arrangeur français David François Moreau.

Connu pour son travail en musique de film et pour le théâtre, ainsi que par ses collaborations auprès des artisans de la chanson Cali et Patrick Bruel (accessoirement son demi-frère), entre autres, Moreau avait écrit une longue lettre à Lapointe après avoir assisté à l’un de ses concerts.

« C’était presque une lettre d’amour – j’étais un peu mal à l’aise, en fait, raconte Pierre. Michel, mon gérant, l’a ensuite rencontré : « Il est assez cool, le gars, sérieux », m’a dit Michel. Il n’a pas l’air d’un fou… Puis j’ai appelé mon ami Albin de la Simone, qui m’a dit en fait que David était l’un de ses grands amis, aussi que son frère est un batteur de jazz assez réputé avec qui il avait joué, etc. Albin m’a dit : J’organise un souper la prochaine fois que tu seras à Paris, et vous vous rencontrerez. »

Après un bon premier contact, Lapointe s’est accordé quelques semaines de vacances au Japon, séjour ayant notamment inspiré le texte de la chanson Naoshima. Il a tout écouté du travail de Moreau, réalisant qu’il avait peut-être bien trouvé le partenaire idéal pour mener à terme ce nouvel album, un disque au dessein déjà bien tracé dans la tête de l’auteur-compositeur-interprète : « Je lui ai dit : Je veux faire le pont entre la chanson d’expression francophone classique – donc, piger dans les gros classiques, Ferré, Barbara, Brel et compagnie –, la musique contemporaine, principalement Philip Glass, les minimalistes, tout en faisant un lien avec la musique orchestrale. Es-tu game ? »

« L’écriture est très contemporaine : on n’aurait pas pu écrire comme ça il y a quarante ans, et moi-même n’aurais pas pu écrire comme ça il y a dix ans non plus. »

Game, il fut. La paire a d’abord testé l’idée pendant deux semaines à Paris (Lapointe ayant bénéficié de la Maison SOCAN à Paris pour se loger), à partir de trois des chansons les plus costaudes de l’album : Alphabet (« Tout le monde me disait qu’elle n’avait pas sa place sur l’album, j’insistais pour qu’elle y soit »), Qu’il est honteux d’être humain, puis la chanson-titre, le premier extrait, qui ouvre l’album. « On a essayé un « mash-up » de ces idées pour essayer de faire ce que j’appelais « mon disque intello », pigeant autant dans les sonorités pop que dans les sonorités [de musiques] modernes, des années 50 à aujourd’hui. Je n’avais qu’un critère : pas de synthétiseurs. Que des instruments acoustiques, orchestraux. »

Et ça fonctionne. Les musiques sont riches, les textes à vif, mais l’arche chansonnier qui supporte l’expérience ramène les émotions sur terre, quand les orchestrations et les structures visent la stratosphère. « On a réussi, je crois, à faire un album sans aucune concession qui finit par être uni, estime Lapointe. C’est le résultat d’une démarche intellectuelle, mais qui demeure très très digeste. Les chansons « sonnent » comme des classiques qui semblent avoir existé depuis toujours, mais qui sont nouvelles. L’écriture est très contemporaine : on n’aurait pas pu écrire comme ça il y a quarante ans, et moi-même n’aurais pas pu écrire comme ça il y a dix ans non plus. »

La science du cœur, c’est quinze ans de métier qui s’expriment, c’est le fruit de l’expérience de celui qui se décrit d’abord comme un artisan qui peaufine son art « et qui travaille, en studio, sur scène, sur l’image et le graphisme, avec des collaborateurs qui m’apprennent beaucoup. » Qui le poussent à explorer, à ouvrir ses horizons, et à constamment créer. D’ailleurs, cet album, mixé, matricé, bouclé depuis mars dernier et « déjà très intégré à ma vie », semble pourtant presque vieux pour Pierre, qui confie avoir déjà trois autres albums d’enregistrés ! « Je ne sais pas s’ils sortiront ou quand ils sortiront, mais ils existent. »

En plus de Moreau, qui assure la réalisation du disque et signe les arrangements interprétés par l’orchestre dirigé par Simon Leclerc – complice de toujours, Philippe Brault est crédité comme codirecteur artistique -, on retrouve la collaboration des auteurs-compositeurs-interprètes Félix Dyotte, sur la chanson Zopiclone, et Daniel Bélanger, sur la touchante et somptueuse ballade Une Lettre, qui clôt La science du cœur.

« Daniel Bélanger et moi, ça fait longtemps qu’on se côtoie et qu’on essaie d’écrire de la musique ensemble, indique Pierre Lapointe. C’est drôle parce qu’on avait écrit une musique ensemble qui n’est jamais sortie, je ne sais plus où elle est rendue, d’ailleurs. »

« Or, Daniel a une façon d’écrire des chansons qui n’est pas du tout comme la mienne : moi, par exemple, je peux me retrouver avec un ami, Philippe B ou Philippe Brault, Dyotte, peu importe, et là on part, donne-moi un accord, je trouve un mot, et là on rebondit avec la chanson pour arriver à quelque chose. Quand j’ai essayé de travailler comme ça avec Daniel, il a paralysé. J’ai bien vu que ça ne fonctionnait pas, alors je lui ai dit que je lui enverrais le texte, puis qu’il travaille de son côté. Daniel m’a dit comme ça en riant : c’est comme si t’avais sorti ta queue et que tu commençais à te branler devant moi – je peux pas, je suis trop timide pour ça ! Ça m’a amusé parce que j’avais vraiment le sentiment que de travailler ainsi aller chercher beaucoup de gêne chez lui. De cette manière, on a écrit quelques chansons ensemble. Daniel, je l’appelle mon « doyen » – lui, et Jean Leloup. Les Insomniaques s’amusent et L’Amour est sans pitié, ce sont les deux disques que j’ai appris par cœur. »

Durant ses premières années de métier, l’excitation du regard des autres sur son travail et sur lui-même était très présente. « Aujourd’hui, je me vois davantage comme un artisan. Écrire des chansons est devenu un exercice plus naturel qu’auparavant, ce qui ne veut pas dire que c’est plus facile d’écrire. Simplement que j’ai plus de connaissances, d’expérience. Puis, faire des spectacles est moins un événement, davantage un plaisir, notamment celui de choisir les collaborateurs avec qui je veux monter un projet en fonction de l’admiration que j’ai pour leur travail et la facilité humaine à communiquer avec eux. »

« Pour le disque, c’est la même chose, poursuit Lapointe. Or, le disque est devenu une façon de me comprendre. Y’a toujours eu quelque chose de quasi thérapeutique, quelque chose me poussant à l’introspection, pour devenir un meilleur humain – c’est un peu gros dit comme ça, mais j’ai toujours utilisé les arts pour me réconcilier avec ce que l’humain peut être. Plus j’avance dans ma vie, plus mes projets musicaux aspirent à atteindre quelque chose d’universel, en tous cas selon ma conception de ce qui est universel. Ensuite, si ça touche les gens, tant mieux, je serai le plus heureux des hommes. Mais mon intérêt premier [avec chaque nouvel album], c’est de me positionner par rapport à où j’étais avant et où je veux aller. À la fin du projet, ce qui m’intéresse, c’est : Ai-je réussi à atteindre cet objectif ? Avec La science du cœur, je crois que oui. »

La science du cœur, disponible dès le 6 octobre 2017.



Ils remontent la barre, c’est le cas de le dire. Comme on peut le constater en écoutant leur troisième album, Queens of The Breakers, qui vient de sortir, le trio montréalais des Barr Brothers n’a pas vraiment de signature identifiable. C’est un amalgame libre et éclectique de styles allant du rock au folk en passant par le blues et la musique du monde.

Pour l’auteur-compositeur-guitariste Brad Barr, principal architecte du son du groupe, « ces éléments sont tous filtrés par ma lentille kaléidoscopique, et c’est ce qui les relie les uns aux autres. C’est un fil conducteur ou un point centre qui est plus abstrait que ce avec quoi les Ramones travaillaient, par exemple.

« Dans mon apprentissage de musicien », explique-t-il, « je me suis ouvert à tout, qu’il s’agisse de straight-ahead bebop, de musique classique hindoustanie ou de punk rock.

« Pour moi, il y a un fil conducteur à travers la plus grande partie de cette démarche que bien des gens appelleraient le blues », continue-t-il. « J’utilise rarement ce mot vu qu’il renvoie à un style lié à l’Afrique et au Sud des États-Unis. Pour moi, c’est une sensibilité interculturelle qui existe dans de nombreuses musiques allant de la japonaise à la malienne en passant par la marocaine. C’est une sorte de transe pentatonique, un bourdon, et je sens que c’est là que bat le cœur de ma musique.

« Tout le monde a besoin de se centrer, quelque part. Je n’ai jamais été friand de musique vraiment progressive ou compliquée. Je suis toujours revenu à une forme réduite qui permet à l’improvisateur ou à l’auteur-compositeur de développer quelque chose en temps réel. »

Les autres membres du groupe sont son frère Andrew (à la batterie) et Sarah Page (à la harpe), et son musique est editée par Secret City Publishing. Leur premier album éponyme de 2011 et celui de 2014, Secret Operator, leur ont valu un succès critique international, le second opus ayant été une révélation avec plus de 60 millions d’écoutes, toutes diffusions confondues.

« Tu continues de la fredonner dans l’espoir qu’un bout de texte vienne orienter ta chanson. » – Brad Barr, des Barr Brothers

Brad explique que, en préparant Queens of the Breakers, « notre seul vrai objectif esthétique était de faire quelque chose d’un peu plus flottant que nos deux derniers albums, quelque chose qui donnerait moins l’impression d’être lesté ou trop contemplatif. »

Une démarche différente a été adoptée pour l’écriture du dernier album. « Pour les disques précédents, je me présentais toujours devant le band avec des chansons plus ou moins terminées », explique Barr. « Il s’agissait ensuite pour chacun d’appliquer ses impulsions à ces chansons-là. »

« Ici, nous nous y sommes vraiment pris en groupe, simplement en improvisant pendant un mois », poursuit-il. «  On avait trouvé un petit studio dans une cabane québécoise isolée et on improvisait pendant des semaines entières, 24 heures sur 24. Une bonne partie des sons de base de l’ADN des chansons en est sortie, et je m’en suis servi pour essayer de les présenter sous forme de chansons. »

« Cette démarche était plus ou moins l’inverse de celle de nos autres enregistrements. Je l’ai trouvée difficile parce j’étais habitué à commencer une chanson seul avec moi-même, en vase clos. Cette fois-ci, c’était ‘Bon, on a ce riff ou cette vibe, et il faut que je la décortique et qu’on arrive à chanter dessus.’ Ça peut être une mélodie qui te trotte dans la tête tandis que tu vaques à tes occupations quotidiennes. Tu continues de la fredonner dans l’espoir qu’un bout de texte vienne orienter ta chanson. »

Comme d’habitude, le groupe a invité d’autres interprètes et des choristes pour enrichir le son de l’enregistrement, mais Barr souligne que le gros du travail a été fait par le trio lui-même dans son studio.

« On voulait vérifier le son de cette musique », explique Barr. « Il était également important pour Sarah de redéfinir sa place. Depuis le dernier enregistrement, elle avait fait un immense pas en avant à la harpe au plan sonore, surtout grâce à la découverte de certaines techniques d’amplification du son. Elle était intéressée à voir ce que ça pourrait donner dans le contexte d’un trio. »

Il y a maintenant 12 ans que Brad et Andrew Barr sont venus s’installer à Montréal à partir des États-Unis. Ayant grandi au Rhode Island, ils vivaient à Boston au moment de la création de leur premier band, The Slip. Ils sont depuis devenus des membres populaires de la communauté musicale de Montréal et y ont planté de solides racines personnelles.

« Je sens maintenant que je peux dire que je suis de Montréal », affirme Barr. « Je suis allé encore plus loin en achetant une maison ici avec mon frère. On a tous les deux épousé une Canadienne et on a des enfants, donc je ne risque pas de retourner chez nous de sitôt! »

Ce qui ne l’empêche pas de songer plus souvent ces temps-ci aux troubles qui sévissent dans son pays d’origine. « C’est un sentiment qui commence à s’installer », explique-t-il. « Ça n’a pas été le cas pendant un certain temps alors que je baignais dans mon amour pour Montréal, pour la communauté dans laquelle je commençais à m’inscrire et pour la liberté de cette ville. »

Pour décrire l’impact de Montréal sur sa musique, Barr explique que « ça revient aux gens qu’on a rencontrés et aux musiciens avec qui on a joué. Des gens comme Patrick Watson et les membres de Plants and Animals. Il y a d’excellents alliés ici, des gens qui vous encouragent, et aussi des choses qui vous aident à aller de l’avant, à travailler, à rester motivés, à bien vous sentir et à vous épanouir en tant qu’artistes.

« Le vocabulaire et les œuvres de Leonard Cohen n’auraient probablement pas eu l’influence qu’ils ont sur moi si je n’étais pas venu m’installer à Montréal. C’est une majesté qui m’a profondément inspiré. »

Brad Barr mentionne également une autre inspiration, sa défunte amie Lhasa de Sela. « Pendant que j’écrivais la deuxième piste du nouvel album, ‘Look Before It Changes’, j’ai clairement ressenti l’effet qu’elle a sur moi. »

 



Hommage Richard Desjardins

Hommage Richard Desjardins

« Every song that I’ve ever heard / Is playing at the same time, it’s absurd » Ces paroles de la chanson « Everything Now » d’Arcade Fire représentent parfaitement l’état d’esprit du festivalier au lendemain des multiples concerts (officiels et surprises) de la 15e édition du Festival de musique émergente en Abitibi-Témiscamingue qui se déroulait du 31 août au 3 septembre 2017 à Rouyn-Noranda (42 000 habitants), situé à 630 km au nord-ouest de Montréal. Mais commençons par la fin, si vous le voulez bien. Qui est en fait aussi le début. Vous comprendrez.

Au dernier jour du festival, la grande soirée de clôture était dédiée à un hommage au plus grand poète de la place, Richard Desjardins. À tour de rôle, la majorité des participants de l’album « Desjardins » sont venus sur l’immense scène installée carrément dans l’eau au bord de la plage Kiwanis pour interpréter ses classiques devant 12 000 de ses concitoyens… et devant Desjardins lui-même qui a transformé cette soirée déjà forte en émotion en moment mémorable par sa participation non annoncée à trois chansons à la fin du spectacle.

L’apothéose d’un hommage par la jeune génération (Klô Pelgag, Les sœurs Boulay, Fred Fortin, Safia Nolin, Émile Bilodeau, Bernard Adamus, Stéphane Lafleur d’Avec pas d’casque, Yann Perreau, Philippe B, Saratoga et Matiu), dans la ville natale du poète, en sa présence. Les précédentes représentations du spectacle intitulé « Desjardins, on l’aime-tu ? » aux FrancoFolies de Montréal et au Festival d’été de Québec n’auront finalement été que des répétitions générales avant la « vraie affaire ». Un grand moment.

 

Antoine Corriveau

Antoine Corriveau

Mais ce qui n’a pas tellement été souligné, c’est que la finale de cette 15e édition du FME renvoyait au spectacle de clôture de la toute première édition, en 2003, alors que Desjardins, fidèle à son imprévisibilité légendaire, avait manifesté le désir de se produire dans ce nouveau festival de « jeunes », créer par une poignée de passionnés de la région désirant faire découvrir aux leurs et aux amateurs de musique et professionnels d’ici et de l’extérieur du pays, la crème de l’émergence musicale. La fin qui nous ramenait au début, donc. La boucle était bouclée. Les festivaliers (incluant l’auteur de ces lignes), repus de musique et épuisés par les (très) courtes nuits légendaires du FME, pouvaient revenir tranquillement à la réalité, avec toutes ces mélodies entendues se confondant en boucles dans leurs esprits.

Mais comment un événement aux débuts modestes, s’est-il imposé, en si peu de temps ? Comment est-il devenu le centre d’attraction de la découverte musicale d’ici et d’ailleurs vers lequel non seulement les mélomanes des grands centres, mais aussi les artistes eux-mêmes veulent à tout prix converger chaque longue fin de semaine du congé de la fête du Travail ? Il n’y a qu’à demander à quelqu’un comme Antoine Corriveau, qui en était à sa 3e participation et qui a donné un spectacle particulièrement incarné et intense à l’Agora des Arts en plus d’une performance plus intime le lendemain midi au Parc Botanique À Fleur d’eau dans une ambiance champêtre parfaite pour des festivaliers en lendemains de veille…

Bien sûr, il y a l’accueil chaleureux des gens de l’Abitibi, il y a la fête, le charme d’une ville à échelle humaine, les fins de nuits au Bar des Chums (endroit pittoresque et authentique où la bière s’achète en gros format et où le Karaoké règne en roi). Mais il y a surtout une énergie positive palpable, résultante d’une implication généreuse de la communauté et du milieu des affaires de la région. Évidemment, il y a des commanditaires nationaux majeurs sans qui bien des ambitions du FME resteraient à l’état de fantasme (la SOCAN contribue également depuis plusieurs années), mais ce qui fait la différence, c’est le sentiment d’appartenance de toute une communauté pour un événement qui accumule les reconnaissances (plusieurs fois récipiendaire du Félix de l’événement de l’année à l’ADISQ) et fait rayonner leur coin de pays.

Ce qui fait qu’un auteur-compositeur-interprète originaire de Rouyn-Noranda comme Louis-Philippe Gingras ne fait pas qu’y présenter ses chansons, mais met la main à la pâte et joue de ses outils des jours avant l’événement pour que toutes les infrastructures soient prêtes à temps. Cette année, Gingras a performé dans la salle des Chevaliers de Colomb dans un des multiples 5 à 7 gratuits qui se déroulaient simultanément, mais il avait aussi, le matin même, offert un concert dans une résidence pour personnes âgées qui, elles aussi, voulaient profiter du FME. Difficile de faire plus communautaire…

Les shows-surprises sont un autre des éléments qui fait le charme du FME et qui vient pimenter une programmation déjà bien garnie. Réellement improvisés il y a quelques années déjà, les shows-surprises sont aujourd’hui attendus avec fébrilité par les festivaliers qui doivent rester à l’affût des notifications de dernière minute sur l’application mobile du FME.

Et, la plupart du temps, ces performances à la bonne franquette dans des lieux incongrus provoquent des moments carrément magiques qui surpassent parfois les spectacles officiels dans les anecdotes post-festival. Gageons que ce sera le cas de cette courte prestation offerte par le duo montréalais Heartstreets qui mêle rap, électropop, soul et R&B… et qui avaient le sourire fendu jusqu’aux oreilles, tout comme les spectateurs de ce moment privilégié d’adoption collective spontanée dans le stationnement de la Scène Paramount, où venait de se conclure un show rap impliquant des pointures comme Alaclair Ensemble, Lary Kidd, Eman & Vlooper et Mathew James, un gars de la place. Impressions récoltées auprès des deux filles de Heartstreets, tout de suite après le coup d’éclat :

Barry Paquin Roberge

Barry Paquin Roberge,

Le cas de Heartstreets illustre à merveille la capacité du FME à propager le buzz à propos d’artistes encore méconnus du public et des gens des médias et de l’industrie accrédités en grand nombre par un festival qui prend son rôle de développeur à cœur. La groupe rock de la Rive-Sud de Montréal Zen Bamboo, la formation Le Bleu, les originaux de Barry Paquin Roberge, et les finalistes des Francouvertes 2016 Mon Doux Saigneur, ont aussi su profiter de la rumeur positive les concernant.

À travers ce défilé de jeunes pousses, il était d’autant plus étonnant de repérer un vétéran de la trempe de Pierre Flynn, programmé en 5 à 7 au Club Chimo, qui est en réalité la salle de repos du 9e Escadron de génie de l’armée canadienne ! Mais quand on y regarde plus près, à presque chacune des éditions du FME, un « vétéran » reconnu pour sa démarche artistique inspirante est invité. Pour Pierre Flynn, qui a lui-même fait part de son intérêt à se produire au FME cette année, l’esprit « émergent » ne devrait pas être l’apanage des seuls jeunes artistes, mais plutôt accompagner la route sinueuse de la création de tout artiste désirant se renouveler constamment. Entrevue à quelques heures de son spectacle :

S’il y avait une évidence qui frappait lors de cette 15e édition, c’était la saturation dans la capacité des salles et des options d’hébergement. Difficile d’imaginer comment le FME pourrait accueillir davantage d’artistes et de festivalier (92 concerts, 31 lieux différents et 37 000 entrées cette année !). Selon son président et cofondateur visionnaire Sandy Boutin, la prochaine étape développement de l’événement se fera du côté de la création. Il chérit un projet de résidence d’artistes qui auraient carte blanche et les moyens de créer une proposition musicale inédite présentée au cours du festival. Rencontré au cours de la dernière journée de ce marathon, il jette un regard sur le passé, tente d’expliquer la recette du succès du FME et se projette dans l’avenir de ce qu’il est maintenant convenu de qualifier de « du plus grand des petits festivals au Québec ».

Visionnez le résumé du FME 2017 produit par l’équipe du festival: