PaupiereIl y a des êtres qui se savent condamnés à vivre une existence conjointe, mais qui en ignorent la nature aux premiers abords parce qu’il est en fait si facile de confondre une complicité créative inouïe avec de l’amour romantique. C’est le cas de Julia Daigle et Pierre-Luc Bégin de Paupière, deux ex qui ont raté leur couple, mais qui mènent à bien leur projet musical entre le Québec, l’Europe et l’Asie.

On les croirait sortis d’une autre époque, tirés de ces mises en contexte biographiques qu’on lit aux murs des grands musées lorsque vient le temps de dédier une exposition rétrospective à l’un de ses grands peintres disparus depuis longtemps. Il y a, chez Julia Daigle et Pierre-Luc Bégin, une espèce d’aura artistique qu’on imagine imprégnée jusque dans la moindre parcelle de leurs quotidiens. Rien que leurs tenues sont des œuvres d’art.

À la base, justement, Julia était peintre et chapelière à Québec. Pierre-Luc, lui, avait fait ses dents avec Polipe (formidable trio presque oublié), mais il était de passage en ville parce qu’il s’était récemment joint à We Are Wolves et que le groupe était en tournée. « Je connaissais Vincent Lévesque et Alex Ortiz de We Are Wolves. Quand ils ont changé de drummer, c’était Pierre-Luc. On s’est super bien entendus. À vrai dire, on était devenus un couple quand j’ai déménagé à Montréal, confie Julia avec un petit rire étouffé. On a été ensemble pendant trois ans. En fait, on faisait de la peinture ensemble au début et un moment donné, il m’a proposé d’écrire un texte de chanson parce que ça m’avait toujours attiré. Après ça, il m’a demandé si j’avais envie de le chanter. C’est comme ça qu’est né Cinq heures et c’est devenu notre premier single. Pour moi, c’est plus nourrissant le monde de la musique parce que ça touche à tout, finalement. De pouvoir collaborer sur la pochette, avec les réalisateurs des vidéoclips… J’y trouve aussi beaucoup de satisfaction dans ce qui est visuel. »

Le titre de l’album qu’ils sortent ces jours-ci fait justement référence à la rencontre entre Julia et Pierre-Luc, au temps qui les lie l’un à l’autre et presque malgré eux. Sade Sati, ce n’est pas du latin. C’est le nom donné à un principe d’astrologie indienne, à un cycle de sept ans et demi. Ça correspond à l’âge total du groupe, à leurs débuts. Entre-temps, Éliane Préfontaine, actrice au regard solaire, s’est jointe à eux en ses qualités de claviériste et de vocaliste. Une troisième joueuse qui sera restée à leurs côtés jusqu’à tout récemment et avant de faire le choix de donner la vie. L’aventure Paupière, après un long-jeu et deux EP, était pour elle venue à terme.  « C’est pas une rupture de chicane, rassure Julia. On est toujours amis, c’est qu’elle a eu un enfant. C’est pas une histoire triste d’un groupe qui se sépare. On est très heureux pour elle. »

On a beaucoup écrit dans la presse que Paupière ravive ou émule le son des années 1980, un commentaire qui par ailleurs agace les principaux intéressés et à juste titre. « C’est vraiment le choix des instruments qui a donné la couleur parce que Pierre-Luc et Éliane jouaient du piano, des synthés. Finalement, on s’inspire beaucoup de la chanson française, de la musique des années 1970, on adore le prog tous les deux, mais je comprends la comparaison à cause des synthétiseurs et des lignes de basse. Ceci dit, je ne pense pas que nos compositions sont nécessairement datées. »

Sinon, Pierre-Luc et Julia ont souvent dit en entrevue qu’ils se perçoivent, s’identifient comme des punks dans l’âme. Mais comment se fait-il que ces mêmes punks fassent une musique si accrocheuse, si mélodique et séduisante ? Julia répète la question, elle réfléchit : « Je pense que c’est l’énergie brute, c’est ce qu’on dégage en live. C’est assez désinvolte. On ne se fie pas nécessairement aux codes. Pierre-Luc finit quasiment toujours à moitié tout nu. On sait jamais trop à quoi s’attendre. Je pense que notre côté punk, c’est dans l’attitude.