Son œuvre lui a valu un Grammy, un JUNO et un prix Emmy, et il a été en nomination pour un Oscar. C’est un artiste solo adulé, qui a souvent collaboré avec Arcade Fire, composé des œuvres pour ballets et des symphonies, et réalisé de prodigieux arrangements orchestraux pour de nombreux intervenants de l’industrie musicale. Pour couronner le tout, Brian Eno est l’un de ses plus grands admirateurs.

Et pourtant, Owen Pallett est encore tiraillé par le doute. « Je sens que j’ai toujours quelque chose à prouver, » reconnaît cet auteur pop indépendant de 34 ans. « Je suis constamment en train d’essayer de me prouver que mes chansons sont dignes d’être écrites. Je ne vois pas cela comme une mauvaise chose, ajoute t-il. De nombreux auteurs-compositeurs ne se sentent pas toujours confiants et rassurés. »

Owen Pallett a grandi dans une petite ferme à l’extérieur de Toronto et a commencé à étudier la musique à l’âge de trois ans. Il a joué du violon dans l’orchestre des jeunes à 12 ans, a écrit des chansons à 14 ans et a été admis à l’Université de Toronto pour étudier la composition grâce à une bourse, obtenant son diplôme avec mention en 2002. Il a au départ enregistré dans le groupe Les Mouches avec le batteur Rob Gordon et le guitariste Matt Smith, avant d’écrire et d’enregistrer sous le pseudonyme de Final Fantasy, un nom emprunté à son jeu vidéo favori.

Jouant seul toute une section de cordes avec du violon en boucle, des chœurs et des synthétiseurs, Owen Pallett fut qualifié de virtuose. Pendant qu’il réalisait les arrangements de cordes pour les albums Funeral et Neon Bible d’Arcade Fire, il trouvait le moyen d’enregistrer sous son pseudonyme de Final Fantasy ses propres disques Has a Good Home et He Poos Clouds. Ce dernier a même remporté le premier prix Polaris de la musique en 2006.

Pourtant, Owen Pallett a sombré dans le désespoir. « La plupart de mes creux ont été des débâcles privées, avoue-t-il. Je devenais trop accaparé mentalement par la musique que je composais et ça brisait ma santé. » Son pire moment est survenu au début de 2007, après s’être séparé de Leon Taheny, son principal collaborateur sur He Poos Clouds. « Je devais faire quelque chose de différent, alors je suis allé dans la maison de mes parents et j’ai essayé d’enregistrer, se rappelle-t-il. Je n’avais aucune expérience en matière d’enregistrement maison. J’en ai été tellement déprimé que je suis resté au lit durant cinq semaines. »

« Lorsque je compose mes disques, je suis avant tout intéressé à réaliser quelque chose de beau. »

Le revirement s’est produit quand il a laissé tomber le surnom de Final Fantasy, après avoir été menacé de poursuites de la part du propriétaire du jeu vidéo japonais, et a commencé à enregistrer sous son propre nom. Son premier opus sous le nom d’Owen Pallett a été Heartland, en 2010, un disque concept avec orchestration qui a reçu de nombreux éloges. Le magazine Pitchfork en a dit « c’est le genre d’album pop que Brian Wilson aurait pu réaliser s’il n’avait pas grandi infatué par Sondheim [le compositeur de musical de Broadway Stephen Sondheim] au lieu de The Four Freshmen [le groupe pop vocal]. »

Simultanément, Owen Pallett travaillait sur l’album The Suburbs d’Arcade Fire, qui a remporté des prix Grammy, JUNO et Polaris. Soudainement, le voici réclamé par les artistes pop les plus en vogue, prêtant ses cordes et ses arrangements orchestraux à l’enregistrement de Pet Shop Boys, Duran Duran et R.E.M. Plus récemment, des artistes comme Taylor Swift et Franz Ferdinand ont eu recours à ses services.

L’industrie du cinéma a aussi fait appel à lui, y compris pour le film The Box avec Cameron Diaz, le suspense The Wait avec Chloë Sevigny et la comédie romantique de science-fiction Her de Spike Jonze en nomination aux Oscars, mettant en vedette Joaquin Phoenix. Étonnamment, composer de la musique de film ne l’emballe pas tellement. « C’est habituellement l’acte de création musicale le moins collaboratif, dit Owen Pallett. Votre composition est souvent esclave de l’image, et non l’inverse. De plus, vous devez prendre en considération le caractère commercial du film et manipuler les émotions du public. »

Owen Pallett ne s’inquiète-t-il pas de la qualité marchande de ses albums ou de leur effet sur les émotions des auditeurs? « Absolument, je m’efforce toujours d’écouter mes disques avec les oreilles de mon public éventuel, réplique-t-il. Mais lorsque je compose mes disques, je suis avant tout intéressé à réaliser quelque chose de beau. »

Le nouvel album d’Owen Pallett, In Conflict, comporte certainement quelques-unes de ses plus belles – et troublantes – musiques jusqu’à présent. « Je pense que je suis plus proche d’un équilibre entre l’épouvante, le comique et l’optimisme, » admet-il. Cet album pourrait être aussi l’un de ses plus accessibles jusqu’à présent. Brian Eno, l’une de ses idoles, joue de la guitare sur la pièce titre, du synthétiseur sur la chanson « The Riverbed » et chante en arrière fond des chœurs tout au long de l’album. Owen Pallett le surnomme son « amulette magique ».

Owen Pallett est-il prêt à présent à se produire devant de plus grandes foules? « Pas vraiment, dit-il en riant. Avec Heartland, j’ai senti que j’avais touché mon plus grand public – et j’ai adoré ça. Si je peux continuer à jouer dans des salles de même taille pour ce disque et les suivants, je serai extrêmement heureux, ajoute-t-il. Je sens que j’ai un modèle d’affaires durable. »



Serge Fiori est détendu, souriant. Campé dans un fauteuil dans sa résidence de Longueuil, l’homme se livre et revisite l’ère d’Harmonium, celle de Fiori-Séguin et de son premier album solo, paru en 1986, en passant par la création du désormais célèbre thème de Juste pour rire et sa contribution à l’album de Nanette Workman, Changement d’adresse. Mais on revient toujours à son nouvel album homonyme. Il en est fier. Ça se lit dans ses yeux. Ça s’entend dans sa voix.

« Ça ne m’intéressait pas de faire un autre album. Je faisais de la musique de films. J’étais investi là-dedans. J’adorais ça et je pensais que c’est ce que je ferais pour le reste de ma vie. Après avoir travaillé sur le film de Luc Picard (Babine), je sentais que je venais de finir une étape. J’ai discuté avec Normand Corbeil et j’étais supposé développer un projet avec lui, mais il est parti avant qu’on puisse se mettre au travail. Son départ m’a sonné un peu, je dois l’avouer, » raconte Fiori, la voix vibrante.

C’est son producteur Pierre Lachance qui lui recommande le réalisateur Marc Pérusse (Luc De Larochellière, Daniel Boucher). Dès le premier contact, le courant passe entre les deux hommes. « Ce disque, c’est vraiment le résultat de notre rencontre. Une moitié Marc et l’autre moitié moi. Ce sont nos sons qui se marient. Et ce n’est pas fini. On veut continuer à faire de la musique ensemble, » avance le grand fan de Joni Mitchell et de Steely Dan.

Sur ce premier opus en 28 ans, le blues est bien présent (« Démanché », « Zéro à dix »), la voix intacte et l’émotion à fleur de peau. Sans oublier la fameuse guitare à 12 cordes de l’homme. Appuyé par la réalisation aérée, toute en finesse, et les riches arrangements de cordes et de cuivres du tandem Fiori/Pérusse, l’album recèle des mélodies accrocheuses au possible (« Seule ») et de clins d’œil à Harmonium (envolées à L’Heptade de « Si bien » et son épilogue ainsi que la présence de Monique Fauteux sur « Jamais »). Si Fiori a toujours eu de la difficulté à réécouter ses vieux albums, cette fois-ci il se repasse les 11 nouveaux titres avec bonheur. Encore et encore. « C’est la première fois que ça m’arrive. C’est étrange, j’ai l’impression que ce n’est pas moi qui a fait ce disque. On dirait qu’il s’est fait tout seul et que je n’étais pas là. Il me réconforte et me prend dans ses bras. Ce n’est pas une question d’ego. Je n’ai rien à défendre ou à prouver. Je l’écoute simplement avec grand plaisir et je trippe! Cet album, il est bien vivant. » 

« Je n’ai aucun contrôle sur mon canal créatif. Et c’est frustrant. Lorsque ça sort, c’est une bourrée. Et le reste du temps, je me prépare. Et j’attends. »

Et moderne sur le plan thématique. Une chanson telle que « Le monde est virtuel » n’aurait pas pu voir le jour à l’époque d’Harmonium. « Depuis quatre ans, sur Facebook, je fais un effort pour créer des phrases rassembleuses. Y’a du monde en détresse qui m’a écrit. De grandes solitudes. La toune vient de là, » soutient-il.

Composée en dix jours à peine (« une chanson par jour »), la galette se veut le résultat d’une période de création particulièrement foisonnante. Fiori explique : « Le canal s’ouvre et ça part. Ça dure le temps que ça dure et j’écris tout d’un coup, paroles et musique. Je ne comprends pas encore comment ça fonctionne. Je suis toujours sous le choc lorsque ça m’arrive. Je ne peux pas écrire des tounes comme un artisan. C’est une énergie que je ressens. Je n’ai pas le choix de faire comme ça. Il faut aussi que la démarche soit honnête. Je ne peux pas me censurer et viser un public. Je n’ai aucun contrôle sur mon canal créatif. Et c’est frustrant. Lorsque ça sort, c’est une bourrée. Et le reste du temps, je me prépare. Et j’attends. »

À quoi se résume son regard sur l’industrie musicale actuelle? « Il y a tellement de talent, mais pas de gens pour consommer. Je viens d’une époque où c’était direct. On créait notre propre industrie, on allait à contre-courant de ce qui se faisait. La différence est que le monde était là pour nous suivre. Aujourd’hui, t’as beau faire n’importe quoi, les gens ne sont pas intéressés. C’est devenu un marché de singles. De plus, la nouvelle génération a tendance à négliger les racines de notre musique. À l’époque, j’achetais un disque, je m’assoyais, j’ouvrais une bouteille de vin, je me mettais la tête entre les speakers et c’était un grand moment. On ne fait plus ça aujourd’hui. »

Lorsqu’on l’interroge à propos de ses projets, l’homme esquisse un sourire et soutient que, pour le moment, il a surtout besoin de repos. « Au bout de cette démarche, j’ai crashé. J’ai tout donné sans le savoir. Cet album m’a pris par surprise et je ne sais pas trop où je m’en vais maintenant. Je prends ça un jour à la fois. Tout ce que je sais, c’est que j’aimerais aller voir ailleurs : une collaboration à un spectacle visuel, un show 3D, le Cirque du Soleil… J’ai pas mal fait le tour avec la musique de films et je ne pense plus en refaire. Je suis prêt à relever de nouveaux défis. Si ça fonctionne tant mieux, sinon ce disque sera ma signature, mon épilogue. »

Ceux qui rêvent de voir une prestation live de Fiori seront heureux d’apprendre que l’homme souhaite éventuellement faire paraître un DVD des chansons de l’album dans un cadre intime. Il mijote soigneusement le projet dans sa tête. « Je suis en train de développer le tout. J’y pense beaucoup. J’aimerais qu’il y ait plein de moods particuliers. Ça me tente tellement de chanter les tounes à nouveau. Ça me manque. Et je veux qu’il y ait un bon band. Parce que je veux qu’on se paye une traite! » Parions que le public aussi se paiera une traite.



Kiesza (prononcé KIE-zuh, l’alias de Kiesa Rae Ellestad) est une artiste native de Calgary qui possède plusieurs facettes. Elle a débuté une carrière de ballerine professionnelle. Adolescente, elle a navigué sur des voiliers, décrypté des codes pour la marine et failli entrer dans l’armée comme tireuse d’élite, avant de retourner à sa passion, la musique. Elle a étudié à l’aide d’une bourse au Berklee College of Music de Boston, puis déménagé à New York, à la recherche d’un son house club.

Elle enregistre ensuite une chanson électro/dance/pop, « Hideaway », et filme une vidéo au style des années 80, comprenant de la danse urbaine, qui récoltera six millions de visionnements sur YouTube en deux mois. Au moment de mettre sous presse, la chanson avait atteint le No 1 sur les palmarès iTunes, Shazam et BBC 1 au Royaume-Uni et elle lui a valu un contrat de disque avec Universal Music.

Kiesza vit maintenant à Londres et se produira cet été dans les festivals britanniques Glastonbury, Great Escape et Wireless. Un album complet devrait être lancé cet automne.