« Il m’a fallu longtemps pour trouver le courage d’aller en studio avec un grand orchestre et de le mettre en marche [pour Habitat], admet-elle. Il m’a fallu aussi beaucoup de temps en post-production pour décider du son, parce qu’on peut prendre une foule de directions quand on est avec autant de musiciens.  J’ai fini par rassembler quatre compositions assez longues, puis j’en ai ajouté quelques-unes de mon ancien répertoire qui n’avaient pas été encore enregistrées. »

Christine Jensen dit que le jazz représente sa forme d’expression idéale. « Que je joue seule ou accompagnée de vingt autres personnes, tout est affaire de communication, dit-elle. L’objectif est d’imposer sa propre sonorité à partir d’une esquisse, d’une partition ou d’une idée avec la perspective d’un compositeur. C’est tout aussi important de m’exprimer avec un saxophone, en tant qu’improvisatrice sur le moment. C’est pourquoi tout le monde dit que le jazz est la musique de la liberté. »

« Il m’a fallu longtemps pour trouver le courage d’aller en studio avec un grand orchestre et de le mettre en marche. » – Christine Jensen

Pour Ann Arbor, née au Michigan, et le multi-instrumentiste établi à Montréal Colin Stetson, cette liberté est aussi physique. Sa trilogie d’albums solo New History Warfare s’inspire de la sueur qu’il a dû verser à souffler dans son immense saxophone basse.

Recourant à des techniques telles que la respiration circulaire et le souffle forcé, Stetson – qui a été aussi musicien de studio pour Tom Waits, Arcade Fire et Bon Iver, entre autres – repousse les limites, créant des sonorités fascinantes  comme des bourdons et des motifs d’ostinato à la Philip Glass, entre autres.

« L’écriture solo, mais pas exclusivement celle-ci, tend à découler de la forme physique de l’instrument, dit Stetson. Elle doit toujours émerger de là car, en fin de compte, je peux en tirer une certaine palette.

« J’ai parfois des idées qui conduisent à des thèmes plus désincarnés pour des chansons. Je les essaie sur un instrument et je les contextualise. À la fin, tout est filtré par l’intermédiaire de mon instrument et la façon dont je peux les jouer. »

Saxophoniste et flûtiste, Jane Bunnett, la marraine canadienne de nombreux musiciens et musiciennes de Cuba, brise les frontières entre les genres et les sonorités. Son dernier album, Maqueque, réunit les nombreux talents de jeunes musiciennes cubaines, un net contraste sur la scène musicale cubaine, largement masculine.

Elles les a découvertes lors de ses allées et venues annuelles à Cuba pour le compte de la fondation The Spirit of Music, mise sur pied par Jane Bennett et son mari, le trompettiste Larry Cramer, qui depuis 25 ans vise à apporter des instruments dans ce pays.

« Nous sommes allés dans les écoles et près de 60 à 70 pour cent du public est composé de jeunes filles, dit Mme Bunnett. J’ai trouvé ça très surprenant qu’il n’y ait pas plus d’instrumentistes parmi elles sur scène. »

Mme Bunnett raconte qu’elle a rencontré la chanteuse et percussionniste Daymé Arceno, qui avait 18 ans à cette époque, lors d’un séjour du couple à Cuba et qu’elle a été aussitôt impressionnée. « Elle défendait sa place aux côtés de certains des musiciens cubains les plus célèbres et j’ai été très impressionnée par son chutzpah (son audace), se rappelle-elle. Elle chantait comme une véritable artiste d’expérience et j’ai découvert qu’elle adorait composer. »

Formé de Daymé Arceno et de ses consœurs cubaines Yissy García à la batterie, de Yusa à la guitare et à la basse sans frette, de Danae Olano au piano et de Magdelys Savigne aux percussions – toutes dans la jeune vingtaine, à part Yusa – avec Bunnett elle-même au sax soprano et à la flûte, Maqueque tire son nom d’un mot qui signifie « esprit de fillette ».

« On a obtenu cette formidable combinaison d’instruments et de voix que je continue d’utiliser, dit Jane Bunnett à propos de Maqueque, qui a mérité des éloges enthousiastes tant pour son album que ses tournées sur scène au Canada.

Dans le véritable esprit du jazz et de celui d’être Canadien, les frontières de l’aventure vous attendent.

Compte tenu des contraintes d’espace, il était impossible de mentionner tous les membres de la SOCAN qui explorent de nouvelles avenues en jazz.