April Wine, le groupe rock de Myles Goodwyn, a vendu des millions de disques à travers le monde. Lauréat de six Classiques de la SOCAN, de son Prix National en 2002 et du Prix Dr. Helen Creighton pour l’œuvre d’une vie au gala des East Coast Music Awards (ECMA) de 2003, Myles Goodwyn a vu introniser son groupe au Panthéon de la musique canadienne au gala des Prix Juno de 2010 . En 2009, dans le cadre du Canadian Music Week, April Wine recevait le Lifetime Achievement Award en plus d’être admis au Temple de la renommée de l’industrie canadienne de la musique. Voici un extrait de Just Between You and Me (2016), mémoires dans lesquelles Myles Goodwyn rappelle les raisons pour lesquelles son groupe a pris dès le début la décision de ne pas interpréter de reprises.
Avec April Wine, l’idée de jouer uniquement notre matériel original et pas les chansons des autres groupes a été formée plus ou moins dès le départ… en tout cas, c’est ce que je pense. Jim [Henman, bassiste] se souvient que nous ne voulions jouer que des chansons originales. Il était convaincu que je n’aurais pas souhaité me joindre au nouveau groupe autrement. Je crois que Ritchie [Henman, batteur] est lui aussi d’avis qu’on avait décidé de ne faire que des chansons originales et pas de reprises. Mais les souvenirs de David [Henman, guitariste] sont un peu différents.
David se rappelle que nous avons fait notre première répétition dans le sous-sol de la maison de ses parents à Lower Sackville [Nouvelle-Écosse] et que nous nous proposions alors de ne chanter que nos propres chansons, mais qu’on pourrait interpréter des reprises au besoin. La décision de ne faire que des chansons originales a été prise — ou du moins proposée — lorsqu’ils m’ont entendu jouer un riff de guitare pour une chanson sur laquelle je travaillais. David dit qu’ils ont été renversés par le son heavy rock que ça produisait et que ça a été l’inspiration pour notre déclaration commune que, à partir de ce moment-là, nous serions un groupe qui ferait des chansons originales à 100 pour cent.
« On s’est assis et Myles a commencé à jouer un riff de guitare qu’il était en train d’écrire, et on s’est tout de suite regardés tous les quatre en disant : “OK, c’est ça… pas de reprises ! C’est ça qu’on veut faire.” On était tellement excités par ce riff : il nous ouvrait toutes les portes. »
C’est mon propre souvenir de l’événement — la version de David. Comme nouveau groupe, April Wine devait se construire un répertoire à partir de rien, et un mélange de chansons originales et non originales n’aurait eu aucun bon sens. C’était ce qu’on avait prévu au départ, mais ça a changé au moment où j’ai fait entendre au groupe une idée que j’avais pour une nouvelle chanson lors d’une de nos premières répétitions.
Essentiellement, April Wine a décidé de n’interpréter que du matériel original, ce qui fait que, au début, nous n’avions pas à notre disposition les 90 minutes de musique originale nécessaires pour un concert, ni même assez de musique pour une soirée dans un club. Il nous fallait des tas de chansons pour pouvoir gagner notre vie en spectacle. Nous n’avions pas beaucoup de chansons au départ, mais nous en avions quelques-unes.
Ritchie Henman dit que le groupe avait été défini avec suffisamment de clarté dès le départ. « David et moi allions assurer l’avant-garde, Jimmy s’occuperait de l’aspect folk et Myles maintiendrait notre implantation dans le rock and roll. »
Je voyais April Wine comme un groupe rock. Je tenais à jouer une musique avec un son rock, et peu m’importait à l’époque qu’il s’agisse d’une toune rapide ou lente, heavy ou autrement, du moment que c’était dans la veine rock. Mais je pense que j’étais le seul à entrevoir une orientation aussi simple.
Je trouvais que ce nouveau groupe méritait une chance et je ne voulais absolument pas faire partie d’un groupe de reprises. Dans toute ma carrière jusqu’ici, je n’ai passé qu’environ un an à jouer professionnellement dans un groupe de reprises, ce que je ne considère un exploit en soi. Je n’ai jamais été bon pour apprendre le matériel des autres, j’imagine. Je présentais volontiers une chanson que j’aimais dans un nouvel arrangement, mais recréer une pièce note par note, ça n’a jamais été ma tasse de java.
April Wine jouait du matériel original d’un bout à l’autre de la soirée, et le nouveau matériel était le résultat des influences diverses et des styles d’écriture particuliers de David, Jim et moi. Ritchie s’est plus tard souvenu dans une entrevue avec le magazine Music Express que « le son du groupe était alors très heavy, très complexe, un son hybride composé d’une douzaine de styles filtrés par trois auteurs-compositeurs très différents les uns des autres. Décidément un groupe sans orientation. »
Je ne suis pas d’accord sur l’aspect vraiment heavy d’April Wine à l’époque, mais j’admets avec Ritchie que nous n’avions pas de direction claire. Nous n’avons jamais vraiment trouvé de base commune durant le peu de temps que nous avons passé ensemble.
Les Maisons SOCAN : un chez-soi inspirant à l’étranger
Article par Eric Parazelli | mardi 17 janvier 2017
Les membres SOCAN auteurs, compositeurs et éditeurs de musique le savent bien ; l’environnement influence de façon significative la création musicale. Écrire loin de chez soi peut parfois être le déclencheur de nouvelles avenues, de nouvelles collaborations et influences inattendues et rafraichissantes. De la même manière, les rêves d’exportation peuvent difficilement se concrétiser sans s’investir physiquement dans les territoires ciblés. C’est essentiellement pour faciliter ces deux objectifs (stimuler la création et l’exportation) que la SOCAN, depuis plusieurs années, met gratuitement à la disposition de ses membres des Maisons SOCAN à Los Angeles, Nashville et, depuis tout récemment, à Paris, trois plaques tournantes incontournables de l’industrie musicale mondiale.
Pour le directeur A&R de la SOCAN Rodney Murphy, la capacité de la SOCAN à offrir l’hébergement à ses membres auteurs, compositeurs et éditeurs à Los Angeles, Nashville et Paris lui permet d’influencer positivement la carrière de ses membres sur les marchés nationaux et internationaux. « Les membres de la SOCAN de partout au Canada utilisent nos maisons internationales pour le développement créatif de leur métier, explique Rodney, ce qui leur permet de communiquer directement avec les créateurs et les intervenants de l’industrie musicale dans ces marchés, souvent avec l’aide et l’important réseau de contacts des responsables A&R de la SOCAN. En fin de compte, notre objectif c’est de faire notre part pour stimuler l’écosystème de la musique canadienne et pour aider à développer la carrière et les affaires de nos membres à travers le monde. »
Paroles & Musique a interrogé quelques membres SOCAN ayant bénéficié de l’une ou l’autre des Maisons SOCAN au cours de la dernière année, question de récolter leurs impressions et de savoir quels étaient leurs objectifs et comment ceux-ci se sont concrétisés grâce à leur présence sur ces territoires étrangers.
PIERRE LAPOINTE
L’auteur-compositeur-interprète Pierre Lapointe, est l’un des premiers à avoir bénéficié de la nouvelle Maison SOCAN à Paris, un appartement privé dans le 9e arrondissement, métro Pigalle, à quelques pas du Moulin Rouge, de La Cigale, des Trois Baudets et de la « rue des guitares ». « Étant habitué aux séjours parisiens, je sais que le logement est ce qu’il y a de plus coûteux, explique Pierre Lapointe. Les revenus ne sont pas toujours la première raison qui nous pousse à aller passer quelque temps à Paris. Donc, de savoir qu’on peut oublier la portion « logement » du budget rattaché à un voyage parisien, c’est déjà extraordinaire. »
« L’objectif de ce voyage était à la fois du réseautage et de la création. J’ai rencontré les responsables d’une maison de disque parisienne avec qui je risque fort de travailler dans les mois à venir. J’ai également rencontré les membres de mon équipe de production de spectacle. Mais j’ai aussi travaillé à l’écriture et à la recherche d’arrangements pour de nouvelles chansons avec David François Moreau. J’ai également travaillé avec Matali Crasset qui est responsable de la conception du décor de mon prochain projet scénique à la maison Symphonique (Amours, Délices et Orgues). Donc, la création de nouvelles chansons qui paraîtront sur mon prochain disque, et mon prochain spectacle auront profité de mon passage à la maison SOCAN de Paris. »
ROYAL WOOD
L’auteur-compositeur-interprète torontois Royal Woods, de son côté, a pu bénéficier des Maisons SOCAN de Nashville et Los Angeles en 2016. Pour lui, rien n’est plus important pour le développement rapide d’une carrière que la création constante et le réseautage : « Vous avez besoin d’être hautement créatif pour réussir dans l’industrie de la musique. Mais il faut aussi que votre musique atterrisse dans les bonnes mains, et être entouré d’une équipe en laquelle vous croyez. Avoir de la musique, sans avoir d’équipe n’aidera malheureusement pas à payer les factures. Mon père aurait dit : « Ce serait comme faire un clin d’œil à une fille dans l’obscurité. Vous savez que vous l’avez fait, mais elle ne le sait pas. »
« Rien ne m’inspire plus qu’un changement d’environnement ou de paysage. Par exemple, regarder à travers la fenêtre de la Maison SOCAN dans les rues de Los Angeles avec le coucher de soleil sur les collines qui donnent sur Silver Lake avec ses palmiers bordant l’étendue. L’énergie de la ville et le son des voitures passant par la fenêtre. L’odeur de l’air sec du désert. Résider à la Maison SOCAN m’a permis de créer des chansons qui ont capturé ses moments qui, autrement, n’auraient jamais pu l’être. »
« Mon séjour le plus récent était à Nashville. Après avoir signé mon contrat d’édition avec Peermusic, j’ai pu rester pendant deux semaines à la Maison SOCAN de Nashville. Pendant ce séjour, j’ai pu écrire de la nouvelle musique tous les jours, en plus d’être disponible pour des réunions avec mon manager et mon équipe. Les résultats ont été très fructueux. Je retourne d’ailleurs à Nashville en début d’année, inspiré par le succès de ce dernier voyage. »
LE COULEUR
Pour la formation montréalaise électro-pop Le Couleur, un séjour à la Maison SOCAN de Los Angeles était l’occasion de collaborer avec Eric Broucek, mixeur réputé ayant travaillé, entre autres, avec plusieurs artistes de l’étiquette DFA Records (LCD Soundsystem, Shit Robot, Juan Mclean). Julien Manaud, de l’étiquette Lisbon Lux et manager de Le Couleur, explique : « Le but était à la fois de terminer le mixage de l’album Pop en studio tout en développant un début de réseau sur place. J’ai assisté au party SOCAN de Los Angeles ou j’ai pu rencontrer pas mal de monde. J’y d’ailleurs rencontré l’agent américain Pete Anderson. Nous avons ensuite gardé contact pendant plusieurs mois. Il a beaucoup apprécié l’album Sun Machine de Beat Market et nous a organisé deux showcases à Los Angeles qui auront lieu en janvier 2017. »
BOBBY JOHN
L’auteur-compositeur-interprète Bobby John, représenté par Les Éditions Bloc-Notes Musique, en plus de travailler à sa carrière solo, a mis beaucoup d’énergie dans la co-écriture pour d’autres artistes, dont Serena Ryder, Olivier Dion et Maxime Proulx, entre autres. En 2016, il a eu la chance de résider aux Maisons SOCAN de Nashville et Paris, avec pour objectifs de développer des contacts aux États-Unis et en France, et d’explorer ces scènes musicales. « Lorsque je me suis rendu à Nashville et à Paris, j’ai pu découvrir l’univers musical des deux villes, et faire des rencontres incroyables desquelles sont ressorties plusieurs chansons. Les nouvelles technologies sont de bons outils de communication, mais ils ne remplaceront jamais l’énergie créative entre deux auteurs-compositeurs travaillant dans le même studio. À mon avis, c’est ce qui bâtit les meilleures collaborations et les solides relations. »
« Pour mon voyage à Nashville, le réalisateur et compositeur Éric Collard m’a accompagné. Avec l’aide de mon équipe Bloc-Notes Musique, nous avons planifié une semaine d’écriture et de rencontres. À notre retour, nous avions six chansons potentielles pour l’album, des nouvelles idées pour la réalisation et les méthodes d’enregistrement, et des co-auteurs-compositeurs pour nos futures visites. Vraiment, la semaine à la Maison SOCAN de Nashville nous a été très profitable. »
« Nous avons par la suite reçu une invitation pour co-écrire avec plusieurs auteurs-compositeurs à Paris. J’ai eu la chance de travailler avec des artistes qui ont un talent phénoménal. Neuf chansons ont été écrites lors de ma semaine à Paris, et encore une fois, ma liste de contacts s’est agrandie. Cette semaine où j’ai pu rester à la Maison SOCAN de Paris n’aurait pu être plus productive et positive. »
« Dans les deux villes, les locations étaient idéales. À Nashville, l’emplacement de la Maison SOCAN, située dans un secteur tranquille, nous a permis d’installer nos équipements d’enregistrement et de faire du bruit sans déranger les voisins. Bien sûr, les compositeurs avec lesquels nous travaillions n’avaient pas tous un studio. Nous nous sommes donc servis de la Maison SOCAN comme lieu de rassemblement et d’enregistrement plus d’une fois. C’était super ! Pour la Maison SOCAN à Paris, la location était magnifique ! L’appartement était dans un petit bloc situé dans un secteur vraiment intéressant et musical, à deux pas du métro. Encore une fois, ma semaine était remplie de sessions d’écriture et de rencontres. D’être aussi proche de mes points de rendez-vous était l’idéal. Je remercie la SOCAN qui offre à ses membres l’opportunité d’utiliser les Maisons SOCAN, car sans ces lieux idéaux, nous n’aurions pu performer autant ! »
PAUL-ÉTIENNE CÔTÉ Récipiendaire de plusieurs Prix SOCAN des catégories Musique de télévision nationale et internationale et fondateur de l’agence musicale Circonflex, le prolifique compositeur audiovisuel Paul-Étienne Côté, quant à lui, a profité de la Maison SOCAN de Paris principalement dans un but de réseautage : « La Maison SOCAN est idéale : c’est Pigalle – c’est central. C’est comme habiter en plein Mile End, mais exposant 3000. Parfaitement située entre les tops salles de concert, terrasses et bistro, la maison est à deux pas du 9e, du 2e et du 10e arrondissement. Le Tout-Paris music business est très accessible. Je prenais un Vélib (vélo en libre-service) pour aller partout depuis la Maison SOCAN. Je me suis même rendu jusqu’à Clichy à vélo parce la maison SOCAN est près de tout (mais aussi, un peu parce qu’il fallait bruler les calories des charcuteries, du foie gras, des baguettes, des escargots et des babas au rhum). »
« Et le fait d’avoir la chance de pouvoir se loger à peu de frais est inouï. Ça permet notamment d’inviter les clients potentiels au restaurant et de boire du CHAMPAGNE plutôt que de la CITRONNADE. Pendant mon séjour, j’ai fait la connaissance de plusieurs nouveaux producteurs avec qui j’ai travaillé pas plus tard que la semaine dernière sur quatre fabuleux projets ! »
« Une anecdote reliée à mon séjour à la Maison SOCAN? Le 9 octobre 1871, Victor Hugo s’installait rue de La Rochefoucauld. Il y résida de 1871 à 1873. En 2016, c’est la maison SOCAN qui est située rue de La Rochefoucauld et ce sont ses membres qui y résident. #bigcheese »
Pour plus d’informations sur la Maison SOCAN de Los Angeles, cliquez ici.
Pour plus d’informations sur la Maison SOCAN de Nashville, cliquez ici.
Pour plus d’informations sur la Maison SOCAN de Paris, cliquez ici.
Dans cette entrevue vidéo accordée en 2015 via Skype au rédacteur en chef du magazine Paroles & Musique de la SOCAN, Eric Parazelli, Carole Facal, alias Caracol, nous fait visiter la Maison SOCAN à Los Angeles qu’elle a eu la chance d’investir pendant une semaine pour se concentrer sur l’écriture de nouvelles chansons. Elle en a aussi profité pour développer son réseau de contacts avec l’aide de son équipe des Disques Indica.
Photo par Marc de Guerre
Rose Bolton : aller-retour
Article par Jennie Punter | vendredi 13 janvier 2017
Parmi les nombreuses œuvres présentées lors de l’édition 2016 du festival Luminato de Toronto, Song of Extinction a frappé ses auditeurs par sa profondeur et sa justesse, et cela en grande partie grâce à l’émouvant voyage musical à travers le temps géologique composé par Rose Bolton.
L’œuvre a été décrite comme une exploration visuelle et sonore immersive de l’anthropocène, le terme en voie d’être accepté pour décrire l’ère qui a commencé avec l’apparition des humains. La production multimédia d’une cinquantaine de minutes incorporait de nombreuses formes d’expression auxquelles Bolton a déjà touché durant son impressionnante carrière : musique de chambre (interprétée par l’ensemble de chambre Music in the Barns), musique pour voix (pour les membres de la chorale de l’orchestre de chambre Tafelmusik ainsi que les VIVA ! Youth Singers) ; musique pop (« j’ai utilisé le format des chansons populaires et mis les paroles et la voix tout en avant », comme elle l’explique) ; et musique électronique « live » (jouée par Bolton).
Song of Extinction est né d’un processus collaboratif entre le documentariste Marc de Guerre, le poète et membre de l’Ordre du Canada Don McKay, la directrice de Music in the Barns Carol Gimbel et Rose Bolton. Ce processus s’inscrit entièrement dans la méthode exploratoire qui anime Bolton depuis l’âge de neuf ans, une époque où elle jouait de tous les instruments qu’elle trouvait (du piano au violon en passant par les cuivres) et où elle a commencé à composer.
« Je souhaitais être plus comme les peintres qui créent une œuvre qui existe, une œuvre qu’ils n’ont pas besoin de donner à quelqu’un pour l’exécuter. »
Les distinctions et autres commandes d’œuvres se sont concrétisées très tôt dans la carrière de Bolton, qui a reçu son diplôme en musique de la University of Western Ontario au début des années 90 et qui a ensuite étudié en privé pendant quelques années avec la compositrice torontoise Alexina Louie en plus de composer elle-même. Elle a ensuite obtenu sa maîtrise en composition à l’université McGill en 1998. Bolton avait adoré ses aventures créatives dans les studios de musique électronique de Western et McGill, mais elle recevait continuellement des commandes pour de la musique instrumentale fréquemment récompensée, notamment par le Toronto Emerging Composer Award en 2001.
Puis, en 2005, après une année très chargée qui avait notamment vu la première mondiale d’une importante commande pour l’Esprit Orchestra, elle a pris un peu de recul. « J’ai regardé mon œuvre jusqu’à ce jour, et j’ai réalisé que je souhaitais avoir le contrôle sur l’avenir de ma propre composition », se souvient-elle. « Au début de ma carrière, je laissais ces commandes me guider. J’ai également commencé à m’intéresser à la musique traditionnelle irlandaise et aux “violoneux”, je jouais dans un groupe country et avec des ensembles folk, et j’écrivais des arrangements pour des groupes pop. Je voulais faire partie d’une scène, jouer, puis composer. C’était génial, ça me tenait occupée. Je n’avais pas à réfléchir sur ce que je devrais être en train de faire. »
« Je souhaitais être plus comme les peintres qui créent une œuvre qui existe, une œuvre qu’ils n’ont pas besoin de donner à quelqu’un pour l’exécuter », poursuit-elle. « C’est donc en 2005 que j’ai décidé de prendre ça au sérieux et que j’ai commencé à construire mon studio. Reaktor [un logiciel modulaire de studio virtuel] venait d’arriver sur le marché, alors tout ce dont j’avais besoin était un meilleur ordinateur. J’ai acheté une des premières versions de Logic ainsi qu’un enregistreur numérique pour partir à la chasse aux échantillonnages. En 2007 j’ai reçu une première commande. »
Rose Bolton passe désormais la moitié de son temps à composer pour les documentaires de Marc de Guerre, dont notamment Who’s Sorry Now (CBC, 2012) et Life After Digital (TVO, 2014), et l’autre moitié à composer de la musique de concert (commandes et œuvres personnelles). En d’autres mots, il y a presque toujours de la lumière dans son studio.
Lorsqu’elle a commencé à travailler dans le domaine cinématographique il y a huit ans, elle esquissait d’abord des ébauches. « Mais souvent, on ne connaît pas l’ambiance du film tant que le montage n’est pas commencé, alors on n’a accès qu’à quelques minutes de film », explique-t-elle. « Pour ses documentaires, Marc aime la musique électronique, et je finis souvent par y ajouter de vrais instruments. J’ai beaucoup développé mon talent de production et de mixage — tout le processus a réellement changé ma façon d’aborder la musique. »
« En tant que compositrice de musique de concert, lorsqu’on vous passe une commande pour un quatuor à cordes, une fois que vous savez pour qui vous composez… c’est ça qui est ça », rigole-t-elle. « Mais lorsque je crée la trame sonore d’un documentaire, il y a parfois un instrument qui ne cadre pas, alors j’essaie différents sons – un cuivre, un synthé, un échantillonnage, pourquoi pas des cloches ! Mais dans le cas d’une commande, je ne peux pas simplement virer le joueur de cuivre ! »
Rose Bolton explique ensuite que c’est de Guerre, qui évoluait dans les arts visuels avant de se tourner vers le cinéma, qui a eu l’idée de Song of Extinction quelques années avant leur rencontre. Au fil de leurs discussions au sujet de ses idées, Bolton était de plus en plus convaincue de vouloir utiliser un chœur d’orchestre de chambre et des instruments, mais la musique n’a toutefois commencé à prendre forme que lorsqu’elle a commencé à travailler avec Don McKay. « J’avais des ébauches, il écrivait ensuite un poème et me l’envoyait — la poésie et la musique arrivaient simultanément », se souvient-elle. « Don disait “Fais ce que tu veux avec les mots”, alors je transformais son poème en paroles de chanson, je les réduisais à leur plus simple expression, et il n’avait aucun problème avec cette approche. »
Les idées concernant l’instrumentation changeaient continuellement, jusqu’à l’entrée en scène de Music In The Barns, mais Bolton n’avait pas abandonné l’idée d’utiliser un chœur de chambre. « Je tenais à ce que des humains chantent au sujet de l’extinction », dit-elle. « En fin de compte, nous avons utilisé les chanteurs de Tafelmusik ainsi que 30 chanteurs d’une chorale de jeunes. Ils chantaient tous en chœur, pas de soliste, et les deux chœurs se répondaient tour à tour, un peu comme une discussion entre amis ou aux nouvelles. »
« Il y a un va-et-vient continuel », poursuit l’artiste. « C’est ainsi que les idées prennent forme. »