Un an après Couvre-feu, une première mixtape à la violence latente, MB ouvre ses horizons à un rap plus pop destiné au grand public. Un changement d’approche aussi surprenant que réfléchi.

« Le vrai MB, vous ne l’aviez pas encore connu », proclame le rappeur de 24 ans, quand on lui fait part des différences marquées entre son sombre Couvre-feu et son accrocheuse Pour la vie, chanson aux teintes rai et latines propulsée par un clip qui a dépassé le seuil enviable des 1,4 million de visionnements depuis sa sortie en janvier.

« En fait, je voulais changer, poursuit-il. J’ai eu un déclic quand j’ai vu ma mère danser sur la version instrumentale de Pour la vie lorsqu’elle l’a entendue la première fois. C’est là que j’ai compris que le rap n’est pas juste une musique pour la jeunesse. On est capables d’aller toucher n’importe qui. »

Avec un flow mélodieux au croisement du rap et du R&B, le Montréalais évoque ses relations difficiles avec les femmes sur cette chanson, revendiquant son célibat et son indépendance financière. « Tu m’auras que pour une nuit / Après, je pars faire des dollars », lance-t-il, comme pour signaler qu’il a d’autres choses de plus important à faire que d’entretenir une histoire de couple

« Les gens vont dire que je suis un macho, mais c’est pas ça, explique-t-il.  C’est juste qu’en ce moment, je sais que je ne peux pas avoir de relation stable, car je mets toutes mes énergies dans ma carrière. Ça m’a pris cinq ans pour comprendre ce que j’étais en train de faire… alors je n’imagine pas quelqu’un d’autre ! »

Remplies de défis et de remises en question, ces cinq dernières années se sont avérées bénéfiques pour MB. D’abord repéré par le rappeur Lost (alias JBZ), qui l’a encouragé à publier ses chansons au lieu de garder ses textes pour lui, l’Algérien d’origine s’est construit un public en multipliant les sessions de freestyle avec ses amis dans les cours d’école et sur les terrains de soccer du nord de la ville (notamment dans les quartiers Ahuntsic, Villeray, Parc-Extension et Cartierville). Au fil des soirées et des rencontres, MB a rejoint le collectif 5sang14 avec, à ses côtés, ses indéfectibles alliés Lost, White-B, Gaza et Random.

« C’est un mouvement de rap de jeunes et non une gang de rue, contrairement à ce que bien des gens pensent », nuance-t-il, en faisant référence au système judiciaire qui a déjà empêché Lost de s’associer au collectif après un séjour en prison. « En fait, c’est la musique qui nous a poussés hors de la rue. En tant que musicien, je ne vais pas aller braquer quelqu’un ! »

MBFan de rap arabe et de canons du rap français comme Youssoupha à l’adolescence, MB a d’abord misé sur un rap très technique, appuyé par des structures de textes très rigoureuses. En grande partie écrit et enregistré en 2016, Couvre-feu témoigne de cette époque houleuse marquée par son amour du rap pur, sombre et rigide. « Ma vie était comme ça. J’étais très renfermé sur moi-même », dit-il.

Une session d’enregistrement a toutefois changé son approche de la musique : celle de Vamos, chanson aux influences tropicales prononcées qui marque un changement de cap sur Couvre-feu « J’ai découvert que j’avais une voix et que j’étais capable de la maitriser. C’est Alex Papineau, le réalisateur de l’album, qui m’a donné la confiance de la mettre de l’avant. Il m’a ouvert l’esprit. »

Cette ouverture artistique s’est traduite par un changement complet de mentalité. Au lieu de continuer à évoluer en parallèle de l’industrie musicale québécoise, MB s’est entouré d’une équipe fiable et stable, notamment d’un gérant et d’un attaché de presse. « La mentalité street, c’est d’être méfiant face à l’industrie. Les gens qui ont grandi dans la rue ne connaissent qu’un seul modèle : celui de s’enrichir au détriment des autres et de ne faire confiance à personne. Souvent, les rappeurs sont tellement marginalisés qu’ils ne comprennent pas qu’ils ont besoin de la société. Moi, j’ai changé ma façon de voir tout ça, en trainant avec des gens plus vieux, en lisant des livres, en apprenant à comprendre le système… J’ai cherché à bâtir un chemin de fer et, là, je suis prêt à lancer le train. »

Et jusqu’à maintenant, les résultats sont au rendez-vous. En plus de l’engouement qu’il génère sur YouTube et les plateformes d’écoute en continu, le rappeur reçoit certaines des plus belles offres de spectacles de sa jeune carrière. De passage au Club Soda avec 5sang14 le 23 juin prochain, il sera aussi de la 30e édition des Francos de Montréal, à l’invitation de la SOCAN, dans le cadre d’un plateau double avec la chanteuse pop AMÉ le 13 juin.

« Ça, c’est quelque chose que je voulais depuis longtemps. Et, encore une fois, c’est grâce au travail qu’on a fait. C’est toujours à nous de faire un pas vers les programmateurs et les gens de l’industrie, car ce n’est pas en restant chez toi à rien faire que des occasions comme ça vont se présenter. »

Avec la sortie d’un EP ce mois-ci et d’une deuxième mixtape à l’automne, le reste de l’année sera tout aussi excitant pour le rappeur. Et contrairement à beaucoup de ses pairs, MB garde ses objectifs réalistes et désire percer le marché local avant d’en faire de même avec celui de la France, eldorado hautement convoité dans le milieu hip-hop québécois.

« Souvent, les gens me disent que j’aurais plus de chances de percer là-bas, alors que, proportionnellement, il y a autant de rappeurs français qui ont du talent. Moi, mon public est en grande partie montréalais pour l’instant, alors ma vision et ma stratégie sont axées [vers ce public] La France, ce n’est vraiment pas un but personnel… En fait, l’Algérie reste beaucoup plus importante pour moi. »