Aujourd’hui, Pierre Kwenders a passé autant d’années dans son Kinshasa, Congo, natal que dans son Montréal d’adoption. « C’est difficile de me détacher de ma ville natale qui m’a vu grandir, encore plus difficile d’ignorer que c’est elle qui a fait de moi un homme », soutient le musicien. Il promet ainsi, notamment avec son deuxième album, MAKANDA at the End of Space, the Beginning of Time, paru au début du mois, de ne jamais être très loin de Kinshasa, ni de Montréal : « Je rends hommage à l’une et je participe à la culture de l’autre. »

Quatre langues et des styles multiples arrivent à un consensus dans la musique et les mots de José Louis Modabi, alias Pierre Kwenders. On ne donne pas de recette, pas d’ingrédient et aucun moule. L’artiste est le digne représentant d’une musique qui se veut sans étiquette, sinon celle porteuse d’un message général : « L’amour, le partage et la joie de vivre. Parce qu’il faut savoir aimer pour partager et dans le partage, on transmet la joie. Cette joie-là même nous permet d’affronter la vie », soutient-il.

C’est avec Tendai Maraire, un des membres du duo hip-hop Shabazz Palaces, que MAKANDA a été réalisé à Seattle. Pour Kwenders, c’est là que se trouve toute l’unicité du projet, le réalisateur lui ayant permis d’embrasser davantage la chute des conventions. « Il est le grand génie derrière la composition musicale du projet. Je crois qu’en studio nous voulions tous que cet album soit meilleur que nos propres attentes, se rappelle-t-il. Les différentes couches musicales sont une forme de voyage vers différents mondes, mais autour d’un seul astre. » Les voyages s’entendent dans la multiplicité des couches musicales qui se superposent de façon symbiotique sans jamais détonner. Et si on avait connu PK grâce à son appartenance au hip-hop, on demeure interpelé par ce qu’il qualifie maintenant de hip-hop modérée. « En ce qui me concerne, je m’attarde à faire du pseudo-rap dans les chansons comme Rendezvous et Woods of Solitude. »

Les rythmes électros, eux, ne sont pas sans rappeler les expériences Moonshine, soirées dansantes montréalaises qui surviennent chaque samedi suivant la pleine lune et dont PK est l’un des fondateurs. « L’identité de Moonshine repose beaucoup sur la fraternité, la communauté, la persévérance et le partage du bonheur. C’est un peu ce que je veux transmettre avec MAKANDA. »

Même si le musicien supprime les catégories et est rebuté par le terme « musique du monde », plusieurs tenteront de lui donner un micro précis. Or, pour lui, la particularité de la musique c’est qu’à la base, elle est la même dans toutes cultures : elle réconforte. « Elle nous accompagne dans la joie et la douleur, dit-il. Le contexte peut être différent lorsqu’on s’attarde à la géographie ou à son ethnomusicologie, mais ce que nous ressentons reste pareil dans tout contexte. Lorsque nous comprendrons cela, je crois que toutes les barrières tomberont d’elles-mêmes. »

MAKANDA est ce qui permettra à Pierre Kwenders d’en dire davantage à son sujet. Il a d’ailleurs désormais plongé de tout son être dans sa passion musicale, délaissant aujourd’hui la carrière de comptable qu’il avait auparavant choisi de mener en parallèle. Dans les rythmes, la langue et les thèmes, MAKANDA nous parle du Congo, bien sûr, mais de l’identité aussi. Et, bien que le Québec soit confronté à de plus en plus de questions concernant l’immigration et l’arrivée de cultures nouvelles ici, Pierre Kwenders croit que la musique sera toujours l’expression la plus personnelle de l’identité. « Il y en a qui diront que la peur de l’étranger est un sentiment humain, mais moi, je crois plutôt au dicton qui dit que lorsqu’on est seul, on court plus vite, mais qu’ensemble on va plus loin. Essayons plutôt de s’unir et de faire du Québec une grande nation fière de sa diversité que de prétendre au contraire. »

MAKANDA semble délivrer l’humain derrière l’artiste. Pierre Kwenders nous révèle un album volontairement sans catégorie dont la complexité contient pourtant un message simple, celui du partage de la joie : « Je me sens un peu comme ce jeune garçon ou cette jeune fille qui atteint l’âge adulte, quitte la maison des parents et décide d’affronter la vie de plein fouet. Je pense qu’avec MAKANDA, je suis prêt. »