Ambitieux, Loud assume ses envies de grandeur sur Une année record, premier album solo réalisé par ses deux acolytes de longue date Ajust et Ruffsound. LoudVariant les tons et les flows avec une polyvalence à toute épreuve, le rappeur qu’on a connu au sein de Loud Lary Ajust y expose ses réussites, ses espérances et ses angoisses. À quelques semaines de sa première escapade en France, là où son album paraîtra en magasin grâce à un partenariat avec une filiale de Universal, le Montréalais de 29 ans replonge dans le processus de création de ses 10 nouvelles chansons.

So Far So Good
« On voulait commencer avec un petit choc, une mise en garde qui met la table pour ce qui s’en vient. Il y a beaucoup de chansons mélodieuses sur l’album, mais je trouvais ça important de débuter le tout avec un truc plus brut et assumé afin que, dès les premières secondes, on comprenne qu’on niaise pas. Le ton est autoritaire, y’a rien de chancelant. Je laisse de côté les réflexions personnelles. »

Nouveaux riches
« Là, on va complètement dans l’autre sens avec quelque chose de beaucoup plus catchy. Je vois cette chanson-là comme la suite symbolique de 56K (NDLR : chanson vedette de son EP New Phone), car l’approche de l’écriture reste la même. Le but ici, c’est de profiter du beat lent en arrière-plan pour enchainer les quotables, des phrases bien construites qui restent en tête et qu’on peut facilement citer. À travers ça, y’a des pointes d’humour, ce que je considère assez tricky comme exercice. J’aime pas vraiment le joke rap, donc il fallait que je fasse attention de pas tomber dans le personnage. Je devais trouver l’équilibre. »

Il était moins une
« C’est un retour clair sur mon adolescence, qui fait aussi état de mon parcours musical. Le principe, c’était d’écrire un très long couplet avec, comme début, mes ambitions de jeunesse et, comme fin,  une certaine consécration. La conclusion est un peu plus abstraite, mais en gros, ça veut dire qu’on a trimé dur et qu’on a réussi, de justesse, à s’infiltrer vers le succès. La phrase « Il était moins une » symbolise le fait que tout ça aurait très bien pu aussi ne pas fonctionner… Pour moi, c’était évident que cette histoire-là, je devais la raconter sur un beat rap classique à 90 BPM, et pas sur un beat trap ou R&B moderne. Je peux imaginer un Nas ou un Prodigy rapper là-dessus. »

TTTTT
« C’est une chanson qui parle de patience et qui me ressemble beaucoup, car je suis pas quelqu’un de pressé. Quand j’ai réécouté l’album une première fois après le mixage et le mastering, c’est celle-là qui m’a le plus frappé. Elle est appuyée par un principe de songwriting assez classique, qui allie forme et fond. L’exemple le plus cheesy de ça serait un chanteur qui dit « My heart stops » au moment même où la musique arrête. Sans m’en rendre compte au départ, j’avais un flow très chargé dans les couplets, et la phrase « These things they take time » venait me permettre de ralentir mon débit et de relâcher mon angoisse. Ce format m’a permis de rassembler toutes sortes d’idées disparates et de dire que, même si on perd le fil dans une vie un peu fucked up, on doit laisser le temps faire son œuvre. »

Loud

Devenir immortel (et puis mourir)
« L’inspiration vient du film À bout de souffle de Jean-Luc Godard, écrit par François Truffaut. J’ai été voir ça il y a deux ou trois mois au Théâtre Outremont, et il y a une phrase qui m’a shook et que j’ai tout de suite notée sur mon cellulaire : « Devenir immortel, et puis, mourir… » Ce soir-là, j’étais avec Will (NDLR : réalisateur de ses vidéoclips), et la première chose dont il m’a parlé en sortant du cinéma, c’est de cette citation-là. Ça s’est donc imposé comme titre de chanson, avant même que j’aie écrit quoi que ce soit. C’est une façon un peu prétentieuse de dire que j’aimerais me dépasser et laisser ma marque à travers mon œuvre. Je crois qu’au fond, cette volonté d’immortalité est présente chez tous les créateurs, mais que le rap permet de le dire plus honnêtement que d’autres styles musicaux. »

Toutes les femmes savent danser
« C’est ma première chanson pop en format radio. Manque juste le bridge et le troisième refrain pour que je me rende à 3:20. (rires) Sérieusement, je suis un fan assumé de pop, notamment de Taylor Swift que je considère comme une influence réelle. Plusieurs chansons de 1989 comme Blank Space ou Wildest Dreams sont, à mon sens, des chefs d’œuvre de la pop. Pour nous aider à composer la chanson, on a invité le guitariste Pierre-Luc Rioux, qui a déjà travaillé avec David Guetta. Il est arrivé avec plusieurs loops, que Ruffsound et Ajust ont ensuite arrangés. De mon côté, c’est encore une fois le titre qui m’est arrivé en premier. L’idée de base, c’était surtout de dire que personne n’est irremplaçable et que, même si ça foire avec quelqu’un ou que tu t’emballes dans une histoire d’amour qui fonctionne pas, it’s all good, y’en aura d’autres. Ça veut pas dire que je dévalue les femmes en disant qu’elles sont toutes pareilles, mais plutôt que la relation n’est pas une fin en soi. »

SWG (avec Lary Kidd)
« C’est une réflexion sur ce que les hommes sont prêts à faire pour impressionner ou conquérir les femmes. Ce sont des observations faites sans angle moraliste. À la base, j’ai pas montré à Lary ce que j’avais écrit, car je voulais qu’il fasse ce qu’il veut, sans se censurer. Je lui ai simplement dit le titre de la chanson, Sleeping With Girls, et il est allé dans une tout autre direction. À une autre époque, il aurait sans doute été plus vulgaire, mais là, il a choisi d’y aller avec un angle plus social. »

Hell, What a View
Tout part du refrain que j’avais en tête depuis longtemps : « Cancelle tous mes rendez-vous / J’prends plus d’entrevue, vous parlerez entre vous / I finally found a place where I see none of you / And I’m been thinkin’ to myself… Hell, what a view » À partir de là, tous les couplets viennent justifier cette volonté d’exil-là et appuyer ma volonté de dire « fuck vous autres ». Le principe de création est le même que Nouveaux riches, car le beat lent m’amène à écrire uniquement des phrases fortes. C’est le genre de chansons qui me prend beaucoup de temps à écrire. »

On My Life (avec Lary Kidd et 20some)
« Ça faisait longtemps que je voulais collaborer avec 20some, l’un des rappeurs les plus méticuleux du hip-hop québécois. C’est un gars très précis et efficace, mais assez sous-évalué par rapport aux autres membres de Dead Obies. Je lui ai donné carte blanche, et finalement, il a fait un verse de deux minutes! J’avais sincèrement envie qu’il fasse de quoi dans le genre, un peu comme Rick Ross qui signe un très long couplet à la fin de Devil in a New Dress de Kanye West. C’est vraiment une chanson brag rap classique, sans sujet précis. Cette liberté-là permet à tout le monde de dire ce qu’il veut. »

Une année record
« À la base, c’est une vieille composition de NeoMaestro, à laquelle on a ajouté des arrangements live de guitare, de saxophone, de piano…. Vu que c’est la dernière chanson, je profite de l’occasion pour faire une conclusion, en reprenant tous les thèmes de l’album. Ça donne le genre de chansons soul que j’aime vraiment, à la manière de certains classiques de Jay-Z sur The Blueprint ou The Black Album. »

Une année record – disponible en magasin et sur la plupart des plateformes d’écoute en continu dès maintenant.