Animés par le même amour inconditionnel de la langue française, Biz et Batlam fondent Loco Locass en 1995. À la suite d’une rencontre déterminante avec DJ Chafiik, le trio fait paraître une poignée de maquettes bricolées à la maison, puis un premier album complet voit le jour en 2000 (Manifestif). Suivent le projet musical interactif In Vivo en 2002 et, deux ans plus tard, le populaire Amour Oral.

 

Après avoir rudement mis à l’épreuve la patience des amateurs en repoussant la date de parution de leur troisième album à plusieurs reprises, les gars franchiront bientôt (enfin !) la ligne d’arrivée. Mais qu’on se donne le mot : il faudra sans doute patienter encore jusqu’en 2011 pour se mettre le nouvel opus du groupe dans les oreilles. « L’album n’est pas encore prêt, » lance d’emblée Chafiik. On est à deux ou trois chansons d’avoir un disque complet, mais il manque un certain équilibre dans les textes. » Biz poursuit : « On n’a pas toujours le contrôle sur ces choses-là. Personnellement, j’aurais été prêt avant, mais Batlam, en tant que comédien, a été très occupé avec le film Dédé à travers les brumes. Inévitablement, ça nous a retardés, mais ça l’a enrichi en tant qu’être humain. Il s’est immergé dans la musique des Colocs et a trouvé une grande force mélodique. Ça lui a donné de nouvelles idées. Ainsi, le nouveau compact sera teinté de ces expériences. »

 

ET C’EST LE BUT !

Derrière la console de ce très attend disque (toujours sans titre), Chafiik balance quelques titres qui se retrouveront sur cette nouvelle production du trio : « Les géants », « Un conte social de Kevin et Gaétan », « La trahison des marchands », « M’accrocher ? » et… « Le but ». Complétée au printemps 2008, la chanson s’est sournoisement glissée sur les ondes d’une station AM avant d’être entendue lors des séries éliminatoires de 2009. Mais le succès fut tout sauf instantané. « L’an dernier, on a sorti la chanson, mais les séries n’ont duré que quatre matchs et la pièce a tourné pendant trois jours ! C’est un morceau qui a beaucoup d’ambition. On a voulu écrire l’ultime chanson sur le Canadien de Montréal. Rien de moins.

 

On connait l’histoire du club et on connait aussi l’importance du hockey en tant que peuple. La structure même de la chanson est reliée à l’histoire du club, à une saison de hockey, à la vie d’un joueur, » affirme Chafiik. Il reprend son souffle et enchaîne : « La récompense ultime ? Que les gens finissent par oublier que Loco Locass l’a composée et qu’elle devienne un chant de ralliement. Qu’elle appartienne au peuple. » Biz renchérit : « C’est la chanson qui nous a pris le plus de temps à compléter : deux ans et demi ! Ce fut un travail colossal au niveau de la structure car c’est une chanson remplie de symboles. On peut l’interpréter de plusieurs façons, » estime-t-il.

 

MUSICIENS POPULAIRES

Ironiquement, c’est au cours des dernières années, alors que le groupe n’avait aucun album à défendre, qu’il s’est le plus souvent retrouvé sous les projecteurs. En plus d’avoir travaillé avec un orchestre symphonique (pour le film Symphonie Locass ainsi que lors de leur prestation aux FrancoFolies 2007), la bande a signé le thème de la série Montréal/Québec (« Hymne à Québec »). Puis, le tandem Biz/Batlam s’est fait remarquer avec le projet du Moulin à paroles, présenté sur les Plaines d’Abraham. Toutes ces experiences ont contribué à modifier quelque peu l’approche musicale du trio. Biz : « Je pense qu’on a goûté au Plaisir d’être entendus par le plus grand nombre. On est de meilleurs constructeurs de chansons qu’avant. On comprend comment une chanson est bâtie.

 

Aujourd’hui, on est capables de faire de la musique populaire, dans le bon sens du terme, appréciée et destinée au plus grand nombre d’individus, mais tenant compte de notre pensée et de nos convictions. On a appris que dans un discours, moins c’est plus. » S’occupant des charpentes musicales ainsi que des rythmes, Chafiik signe également une certaine portion (approximativement 20 %) des textes, parfois personnels, souvent à portée politique et sociale, du trio.

Habiles manipulateurs de mots, Batlam et Biz se partagent l’écriture de la majorité des titres. « S’ils contribuent un peu moins à la musique que moi, ils ont des idées précises. Parfois, ils arrivent avec le souffle premier d’une chanson et je n’ai qu’à ajouter un beat. Ils savent très bien ce qu’ils veulent et c’est une joie de travailler de la sorte, » précise Chafiik.

Alors que ce dernier vient de completer la réalisation d’un album pour sa soeur (Alecka), nouvellement signée avec l’Équipe Spectra, Biz poursuit pour sa part un projet de livre, encore au stade embryonnaire. De plus, un jeune comédien local vient de l’approcher pour adapter son premier bouquin (Dérives) au théâtre. Sinon, pour les prochains mois, les activités des membres du trio convergeront vers un seul et même objectif : Loco Locass. « On veut terminer l’album et partir sur la route l’an prochain. On est rendus à un stade de notoriété où l’on reçoit beaucoup de propositions. Il faut savoir dire non. On ne veut pas aller trop vite, brusquer les choses. On met la barre haute à chaque fois et on veut se surpasser. » Gageons que l’amateur est febrile d’entendre le résultat.