Sur la pièce Marauding In Paradise, la pièce maîtresse de son premier album intitulé « The Downtown Cliché », le rappeur torontois Jazz Cartier va droit au but :

« I don’t see you n___as downtown, I don’t see you n___as downtown/ I don’t see you n___as on road, I don’t see you n___as on road », répète-t-il inlassablement, jusqu’à ce que le message passe : que ça vous plaise ou non, il est là pour rester.

C’est un cri de guerre sans complexes qui s’inscrit sur un album qui, autrement, traite de la même manière des sujets comme les relations interpersonnelles, l’autodétermination et les pièges inhérents à la poursuite de son art. C’est un album qui signale l’arrivée sur la scène rap torontoise de celui qui pourrait fort bien en devenir la prochaine star.

Né à Toronto, Jazz Cartier, de son vrai nom Jaye Adams, a été élevé par un beau-père diplomate qui voyageait partout dans le monde et lui a fait visiter des endroits aussi disparates que la Barbade, Houston, le Koweït, Atlanta ou l’Idaho. La stratégie du jeune homme face à tous ces déplacements : écouter de la musique.

« Écouter de la musique, c’est vraiment tout ce que je faisais à longueur de journée. »

« C’est vraiment tout ce que je faisais à longueur de journée », raconte Cartier au sujet de ces moments de solitude. « Toute la journée. Ma mère avait une collection de CDs respectable, plus de 300 disques. Chaque jour, je me faisais un point d’honneur de découvrir quelque chose de nouveau, un nouveau genre, une nouvelle époque, afin d’élargir mes horizons. »

C’est toutefois à Toronto qu’il revenait constamment pour les vacances familiales, c’est là qu’il se sentait le plus chez lui. En 2012, il s’y est donc installé en compagnie de son producteur et homme de main, Michael Lantz, afin de commencer à travailler sur cet album intensément torontois, Marauding In Paradise.

« Feel Something », une pièce où il rumine sur la drogue, la solitude et la dépression lui a été inspirée par une nuit passée à l’événement Nuit Blanche. Sur « New To Me », dans ce qui sans doute une première dans le monde du hip-hop, le rappeur mentionne le nom de l’ancien joueur des Maple Leafs, Mason Raymond. Avec ses images éthyliques de Kensington Market, de fêtes au Thompson Hotel et de studios d’enregistrement à Scarborough, on peut dire que la Ville Reine fait vraiment partie intégrante de Marauding.

Le véritable chef-d’œuvre de l’album demeure néanmoins « Rose Quartz/Like Crazy », une exploration ultra moderne des relations interpersonnelles qui a de bonnes chances de vous troubler profondément.

Divisée en trois mouvements distincts, l’histoire des hauts et des bas des relations de Cartier sont séparées par deux entractes, l’un étant un échantillonnage de la pièce « Rose Quartz » du musicien chillwave Toro y Moi et l’autre, un extrait inconfortable de dialogue tiré du drame romantique de 2011, Like Crazy, où l’on peut entendre les personnages interprétés par Anton Yelchin et Felicity Jones argumenter au sujet de l’infidélité et du genre de preuves incriminantes que l’on peut parfois trouver sur un téléphone mobile.

« C’est très personnel », confie Cartier, qui s’est servi d’un message qu’il a lui-même reçu comme base pour un des couplets de la chanson. « Tout a commencé par un texto que j’ai reçu et dont la première phrase est carrément devenue la première phrase de la chanson : “Tu n’as besoin de moi que lorsque tu te sens seul”. Quant au film Like Crazy, ç’a toujours été un de mes préférés. J’ai donc écrit la partie Like Crazy de la pièce en me repassant en boucle cette scène particulière en tête. »

Cette approche de création de pièces à plusieurs mouvements, Cartier l’utilise d’ailleurs sur plus d’une pièce de Marauding, dont notamment « Flashiago / A Sober Drowning », « Forever Ready / Band On a Bible » et « Secrets Safe / Local Celebrity Freestyle ». Ce n’est d’ailleurs pas un hasard. « J’adore cette idée de deux chansons en une », explique-t-il au sujet de cette approche. « C’est un truc que je vais utiliser aussi longtemps que je peux. »

Ça ne devrait pas être trop difficile de le reconnaître quand il le fera : il sera celui qui est « downtown ».
Faits saillants

  • Le tennis est le sport de choix de Jazz Cartier. « Je suis ultra compétitif et je déteste perdre », s’enorgueillit-il. « Et lorsque je perds, c’est uniquement de ma faute et j’en prends l’entière responsabilité. »
  • Cartier fait très peu d’apparitions sur les chansons des autres. « Si je me sens obligé de travailler avec vous, c’est pour moi comme coucher avec quelqu’un que je ne connais pas », lance-t-il. « C’est peut-être plaisant sur le moment, mais après, on se sent comme de la merde, “mais qu’est-ce que j’ai fait là?” »
  • Cartier est presque imperceptiblement bègue. « Parfois je suis pleinement en contrôle et c’est sans faille », confie-t-il. « À d’autres moments, si vous me demandez quelque chose et que je dois y penser et chercher un mot, j’essaie d’en trouver un autre et je dois faire un effort pour le sortir. »

 

PVI

Éditeur : aucun
Discogaphie : Marauding In Paradise (2015)
Visitez le http://www.jazzcartier.com/
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