On les connaît pour un son décomplexé, une tonne d’influences encapsulées dans une époque où Sun Studios régnait en maître, et une esthétique qui renvoie aux New York Dolls et Rod Stewart des belles années – tout en faisant ouvertement la cour à quelques contemporains, dont King Gizzard :

« On trippe vraiment sur l’univers qu’ils mettent de l’avant, et c’est le genre de band qui sort cinq albums en un an, qui font des trucs qui sont impensables dans le modèle actuel. On a l’impression de puiser à même leur cerveau quand on les entend », nous dit la chanteuse et guitariste Anna-Frances Meyer.

Oui, les Deuxluxes détonnent dans notre paysage musical, pour notre plus grand bien.

Joints au téléphone dans le fin fond d’une campagne québécoise au réseau cellulaire approximatif, Meyer et son complice Étienne Barry – dans la vie comme en musique – ont investi un chalet pour y travailler des titres en chantier de ce qui pourrait devenir la suite de Springtime Devil paru en septembre dernier : « Je dirais que dans un futur proche, les gens pourraient avoir une surprise », suggère la jeune femme.

Les Deuxluxes

Photo tirée du clip « My Babe & Me ». (Photo: Ariel Poupart)

Avec une esthétique aussi racée, la place qu’elle prend dans le processus de création est, pour le moins, intrigante. « Je pense que c’est un peu indépendant de la musique, nous dit Meyer, l’esthétique vit de façon autonome. Comme pour le clip de My Babe & Me, on voulait un clip tout en blanc avec une moto. Et la chanson s’y prêtait à merveille […] On veut créer notre propre galaxie. On est inspiré par des artistes qui vont above and beyond. Évidemment, il y a toute la vague d’artistes des années 60 et 70 qui avaient tellement le sens du show.

Pour Étienne Barry, ça bonifie énormément la proposition : « Kiss, c’est quand même impressionnant. Et la performance accote aussi tout le visuel. Il faut toujours que la musique suive. » Dans un monde et un budget idéal, le duo pourrait descendre du ciel sur une moto, « de la pyrotechnie comme AC/DC ce serait aussi malade… en fait, et des feux d’artifice c’est toujours cool en show. »

Le grand public les a récemment aperçus au spécial de fin d’année d’Infoman, où le duo fut invité à y créer le thème musical : « Ça s’est super bien passé, c’est Daniel Beaumont [parolier d’Infoman depuis quelques éditions] qui a écrit les paroles. Beaucoup de choses du premier jet sont restées. La musique a suivi de soi, ça s’est quasiment fait tout seul », se souvient Barry.

Richard Gohier, producteur de l’émission, abonde dans le même sens : « Je les avais entendus à la radio à Plus on est de fous, plus on lit et à Belle et Bum, à la télé, et j’aimais vraiment leur énergie. Et en général, on aime ça avoir un ton plus jeune, quelque chose de pas trop établi, pas trop convenu, et d’assez contemporain. En plus, ils possèdent un look qui est très spécifique en soi. En les rencontrant, on a pogné de quoi, l’animateur Jean-René Dufort et moi, parce que c’est des gens qui suivent beaucoup l’actualité, ils ne tombaient pas des nues quand on discutait. Au final, ce qu’ils nous ont proposé était exactement ce qu’on cherchait. »

Quant aux retombées d’une apparition à heure d’écoute stellaire un 31 décembre, Meyer répond : « C’est sûr que là, il y a beaucoup de monde qui nous ont vus, ça change un peu les choses, mais rien de trop intense. Mais il faut dire que le Québec c’est plus rock’n’roll. Ç’a jamais été un problème pour nous de chanter en anglais, on a tourné beaucoup, pis on va pas mal partout. Et on s’identifie comme des artistes québécois. S’arrêter à la langue, c’est un peu shallow. It just happens to be in English. On est chanceux de pouvoir le faire et on sent qu’on a notre place au Québec, on se connaît tous. Canailles, Québec Redneck Bluegrass Project, Ariane Moffatt… Je viens de faire des shows avec Safia Nolin ! Il y a de la place pour tout le monde et c’est ça qui est super beau du Québec, on s’entraide entre nous. »

Et la question nous brûle trop les lèvres pour ne pas la poser : travailler en couple, ça se passe comment ? Barry : « C’est-tu plus un défi ?… Pas nécessairement. Le plus gros challenge c’est de mettre du temps pour ça. Genre « fuck la vaisselle, on fait du rock’n’roll. » » Meyer renchérit : « C’est aussi un blessing d’avoir cette symbiose-là. Ça rajoute une grosse facette au couple. En fait je nous trouve surtout chanceux de pouvoir le faire et que ça fonctionne si bien. »

Souhaitons-leur – et nous – que tout ceci se poursuive encore longtemps.