Début 2017, Gabrielle Shonk figurait sur la liste SOCAN des dix artistes à surveiller.

L’onde de choc créé au printemps 2016 par le clip de sa chanson Habit concocté avec le vidéaste Dragosh a eu un effet immédiat. Mais l’artiste n’avait toujours pas de contrat de disque. « Le clip a été viral, raconte la musicienne de 28 ans originaire de la ville de Québec. J’ai reçu une tonne de courriels de plein de labels dans le monde, l’effet a été plus grand qu’une simple écoute de bande maîtresse pour laquelle j’essayais de trouver preneur ».

Grâce à sa carte de visite, un disque de sept chansons en anglais et trois en français, Gabrielle Shonk a rejoint au début de l’année Bobby Bazini chez Universal. Dans la foulée, le Rimouskois Louis Bellavance, directeur de la programmation du Festival d’été de Québec, est devenu son gérant.

« J’ai eu un petit moment de découragement, je me suis dit qu’un album bilingue, ça se commercialise mal dans le marché. Mais je le voulais ainsi. Au bout du compte, c’est un beau dénouement, je suis contente. De toute façon, précise-t-elle, ma culture musicale a toujours été plus anglophone, mon père (Peter Shonk & The Blues Avalanche fait la fierté de la scène blues de Québec, NDLR) est américain, ma mère québécoise. Je trippais sur Céline lorsque j’étais plus jeune, mais en réalité, je suis issue de la scène punk-rock-hardcore ».

Après une vitrine SOCAN à M pour Montréal quelques mois auparavant, son concert en première partie de Bazini au Métropolis le 24 février la dévoile à un large public. On constate de visu : elle imprime l’énergie nécessaire à son folk teinté de soul aidé d’une pulsation rythmique à cinq musiciens. Pas de déchaînements orchestraux ici, cette femme possède un tempérament romantique au meilleur sens du terme. Émouvant comme une caresse.

Simon Pednault a réalisé ce premier album. Guillaume Chartrain a fait la prise de son et le mix. Les deux collaborent avec Louis-Jean Cormier Cormier et Tire le Coyote. «À la base, dit-elle, je compose mes chansons guitare-voix. J’aime vraiment les trucs intimistes et je me considère plus musicienne qu’autre chose, je cherche constamment des mélodies et des idées d’accords. Oui, c’est un disque intime, super personnel, on a enregistré live, tout le monde en même temps pour obtenir le feeling de quelque chose de vrai », à la frontière de ses influences : Feist, Kurt Vile, Marvin Gaye et Joni Mitchell pour la courte liste. Dix chansons d’un coup à peaufiner, arranger et endisquer même si plusieurs compositions ont été grattées il y a six, huit, dix ans.

D’une chanson à l’autre, le plaisir de cette dualité langagière est préservé. On passe de Raindrops à Part plus sans moi, de Trop tard à la commercialisable Missing out sans heurts. Ça coule de source. La plénitude atteinte est réellement enivrante et la sensibilité exacerbée de cette auteure secrète est évidente.

En s’approchant de la scène jouxtant la voie ferrée où jouait Gabrielle Shonk le 3 septembre dernier au premier Festival Mile EX End Musique Montréal, le classique soul Let’s Stay Together (Al Green) se fait entendre sous le viaduc Van Horne. « C’est nécessaire de faire des covers parce que j’ai seulement dix chansons et ça passe quand même vite ». Ces interprétations assumées de Shonk en révèlent beaucoup sur sa conception du chant pur : One Dance (Drake), Ain’t no Sunshine (Bill Withers) ou même Sunday Bloody Sunday (U2) qu’elle avait revisité lors de son passage remarqué à La Voix en 2014, sont idéales pour elle. Less is more.

Louis-Jean Cormier, son mentor de la saison 2 lui suggérait alors de miser sur la simplicité. C’est ce qu’on entend sur ce premier disque de Gabrielle Shonk. Dix chansons dépouillées et finement arrangées. « Je me suis inscrite à La Voix en me disant : est-ce que je suis capable de surmonter ce stress-là, le public, le gros show télédiffusé ? En rétrospective, j’ai plus appris sur moi-même que sur le plan musical. Ça m’a donné confiance. Et ça m’a donné un bon coup de pied au derrière pour composer mes propres chansons ».


Gabrielle Shonk, le 23 février 2018 à L’Astral (Montréal en Lumière)