Yves DaoustInitier les jeunes à la musique en les incitant à mettre la main à la pâte et créer des pièces contemporaines – voilà le pari que s’engage à relever le compositeur Yves Daoust depuis maintenant plus d’une décennie. Tout d’abord par l’entremise du célébré Musicolateur, planche de bois physique dans une première incarnation, muté en application mobile, mais reposant sur un principe de base unique : à partir de sons préenregistrés, il permet de les faire moduler à sa guise et donne libre cours au John Cage ou Gordon Mumma qui sommeillent quelque part en nous.

Dévoilé en 2005 – sous la tutelle de Daoust et son complice, l’artiste multidisciplinaire Alexandre Burton – et trimballé, principalement, dans le circuit scolaire à travers la province, le projet jouit d’un succès soutenu auprès des jeunes et moins jeunes, qui y découvrent la richesse d’un univers trop souvent réservé à un cercle d’initiés relativement clos.

« Dans sa simplicité d’usage, il permet définitivement de démocratiser le genre. Tout le monde peut y arriver donc l’accès est sans limites. Et ça permet de rentrer dans les mœurs, d’arriver à un point où ça ne surprendra plus l’enfant […] Je me souviens de cette petite fille qui m’a dit à la fin d’un atelier :  » Moi j’ai découvert qu’on pouvait faire de la musique avec tous les sons. Même avec ça ! « – en tapant des mains. C’est exactement ça notre mission fondamentale, notre objectif. On ne parle jamais en étiquette lorsqu’on s’adresse à eux, on ne parle pas de musique électroacoustique, ou contemporaine, on crée, tout simplement », nous dit Yves Daoust, joint au téléphone au lendemain du lancement au Centre Phi, à Montréal, de la plus récente incarnation de son outil : le fonofone.

L’aboutissement d’une gestation

Fonofone

Né de l’aboutissement de quinze années de recherches – et appuyé par la Fondation SOCAN en cours de développement –, le fonofone se présente à la fois comme un studio de musique électroacoustique et un instrument de chambre numérique.

Il va sans dire que pour le principal intéressé, l’idée de d’abord s’adresser à une clientèle jeune en milieu scolaire est soutenue par l’ouverture de ladite clientèle à absorber de nouvelles données : « Les jeunes sont encore relativement  » vierges  » et donc on est en terrain fertile. À chaque atelier c’est l’émerveillement. En plus c’est une technologie avec laquelle les nouvelles générations sont pratiquement nées, donc on a graduellement laissé tomber le hardware pour se tourner vers le software […] On voit à quel point les enfants sont à l’aise avec les technologies, à quel point ils ont une forme d’instinct. Les adultes n’osent pas toucher alors que les enfants n’ont aucune hésitation, il foncent ! Ils sont d’une rapidité et une dextérité phénoménale ! Aussi bien en profiter pour leur mettre quelque chose d’éducatif et d’intéressant entre les mains. »

 Musique pour tous

Dans leur désir de rencontrer toujours plus de curieux sans apriori, Daoust et son équipe lançaient la semaine dernière l’application fonofone sur la App Store – disponible pour tous.

Jusqu’ici, la réception semble faire mouche : « On a beaucoup de réactions, les gens sont passionnés par la chose. En toute humilité, je ne crois pas qu’on n’ait jamais rien vu de tel sur iOS. C’est conçu à la base pour la pédagogie, mais au niveau de la création musicale, il n’y a pas d’équivalent. Ce qui séduit à primes abords, c’est son esprit intuitif : on est en temps réel ! C’est aussi un outil de performance. Les versions bêta étaient spécifiquement pédagogiques, mais lorsqu’on a développé la version actuelle, elle est devenue tout aussi intéressante sur le plan créatif, comme le démontre l’exemple de Kid Koala. Donc c’est un outil qui peut être utilisé par tout le monde ! »

De l’école à la scène, dans le cas présent, il n’y a manifestement qu’une app. Et si l’homme, qui avoue utiliser ses outils lui-même pour ses compositions professionnelles, se tourne aujourd’hui vers un public moins homogène, l’ampleur et l’engagement dont il fait preuve à l’égard des générations de demain demeurent inébranlables : « Je considère que la meilleure façon de connaître un médium et d’initier les jeunes à la musique, c’est de les amener à en faire eux-mêmes. Ça développe leur imagination à un degré fabuleux et ça, ce n’est pas important, c’est essentiel ! Suffit de les aborder avec respect et intelligence. »