Écoutez les albums de Kiran Ahluwalia, de Kashish-Attraction à Sanata: Stillness, et vous remarquerez l’évolution unique de cette auteure-compositrice primée qui a enchanté les auditeurs partout à travers le monde en traversant les frontières musicales avec élégance, intrépidité et une qualité artistique hors du commun.

Ahluwalia dit de Sanata qu’il s’agit « de la réalisation de nombreuses idées musicales que je préparais depuis longtemps .» Ces idées prennent racine dans les genres musicaux indiens et pakistanais dans lesquels elle joue depuis toujours, et particulièrement le ghazal, cette forme très ancienne de chanson d’amour dont les couplets et refrains riment. Mais ses chansons reflètent également son intégration très personnelle des sonorités du blues saharien qu’on a vu poindre sur Wanderlust (2007), son quatrième album. « Je suis complètement en amour avec ces sonorités », se remémore-t-elle. « Ce blues africain très électrifié et groovy tout en étant très relax me parlait et j’ai commencé à l’explorer en profondeur. »  Son cinquième album, primé au prix Junos, Aam Zameem: Common Ground (2011) mettait d’ailleurs en vedette deux collaborations avec deux groupes de musiciens touaregs, et l’aventure se poursuit.

« Jamais je n’aurais cru que je réussirais à vivre de la musique ».

« Avec Sanata: Stillness, j’ai voulu créer un hybride en collaboration avec ces musiciens touaregs où j’approchais leur musique d’une perspective indienne, mais en demeurant au sein de mon propre groupe. » Dans ce processus d’hybridation entre le blues saharien et la musique indienne, Ahluwalia s’attarde d’abord aux rythmes avant de laisser mélodies et paroles trop prendre forme, puis elle présente ses idées au guitariste et arrangeur Rez Abbasi pour un échange créatif avant de faire intervenir tablas, claviers et autres éléments jazz.

Sanata: Stillness est également une première en ce que l’écriture d’Ahluwalia est désormais à l’avant-scène. « Sur mes trois premiers albums, j’ai découvert d’incroyables poètes ghazal à Toronto, des gens nés au Pakistan et que je n’aurais jamais rencontrés si je n’étais pas déménagée ici. J’étais vraiment privilégiée d’avoir accès à un tel coffre aux trésors de textes », explique-t-elle. Toutefois, tandis que sa palette musicale s’élargissait au fil des trois derniers albums, elle a également vu sa plume devenir plus active. « J’ai commencé à écrire des poèmes qui s’accordaient avec les mélodies que je composais, le besoin était là », explique l’artiste.

Pour elle, la musique est au centre de sa vie depuis sa plus tendre enfance. Elle a commencé à étudier la musique en Inde et a poursuivi ses études une fois établie à Toronto avec sa famille, alors qu’elle avait neuf ans. Puis, après avoir obtenu son diplôme universitaire, elle a effectué un court passage sur le marché du travail, elle est retournée en Inde pour y poursuivre ses études en musique pendant un an.

« C’est à ce moment que j’ai vraiment eu la piqûre », rigole celle qui est désormais établie à New York. Ainsi, pendant près d’une décennie, elle partageait son temps en Inde où elle étudiait la musique de manière intensive pendant plusieurs mois, et le Canada, où elle revenait pour gagner suffisamment d’argent pour son prochain voyage. Et pendant tout ce temps, elle donnait des spectacles et enrichissait son répertoire. « Jamais je n’aurais cru que je réussirais à vivre de la musique», confie-t-elle. « Je voulais habiter au Canada, mais j’étais convaincue que jamais je n’arriverais à vivre de la musique en chantant dans une autre langue .»

Ahluwalia traduit les paroles écrites en urdu dans le livret de ses albums, mais ses chansons ont une éloquence qui va bien au-delà des langues et vous touchent droit au coeur.

Tourner la page
Les commendes provenant d’autres artistes – particulièrement celles de la danseuse Jahanara Ahklaq et de la violoniste Parmela Attariwala – ont marqué un tournant pour Kiran Ahluwalia. «Ça m’a donné un erre d’aller», raconte-t-elle. «On m’encourageait à créer pour moi-même, mais je trouvais cela difficile, notamment parce que ma formation en musique indienne classique était axée sur son aspect improvisation. Puis sont arrivées ces personnes qui avaient certains critères, une date de livraison et qui croyaient beaucoup plus en moi que je ne le faisais moi-même à l’époque. Mais après cela, j’ai appris à aimer la composition.»