Lancé à la fin de mois de novembre, Fox, deuxième album de Karim Ouellet, est venu contredire l’automne comme un faisceau de lumière et de vitamine pop. Date légèrement ingrate pour lancer un disque, alors que les critiques sont déjà en train de dresser leur palmarès… ce qui n’aura pourtant pas empêché le jeune homme de 28 ans de faire sa marque. Preuve ultime : la chanson « L’amour » a trôné au sommet du grand palmarès BDS francophone, devant Marie-Mai, Sylvain Cossette et autres Céline Dion.

Dans le milieu, on parle déjà d’un « cross over ». De CISM à CKOI, NRJ et Rythme FM, il y a un vaste fossé… que Karim, sacré révélation 2012-2013 de Radio-Canada, a franchi d’un élégant pas de danse. « Décider de ce qui est commercial ou pas n’est pas intéressant pour moi. La vraie question à mes yeux, c’est : qu’est-ce qui est bon et qu’est-ce qui ne l’est pas? La musique est faite pour rendre les gens heureux et si ma chanson fait du bien à des auditeurs, peu m’importe que ce soit sur les ondes de CKOI ou de CIBL, ça demeure la même chanson. Il y a probablement des gens qui se tanneront de l’entendre ou ne l’aimeront pas, mais hé! “L’amour” est rentrée partout! Cette chanson, on lui a donné une chance d’être entendue. »

À ce chapitre, le jeune chanteur se dit inspiré par la trajectoire d’une Lisa LeBlanc : « Elle fait quelque chose de très personnel, dans un état d’esprit à 100% libre. Grâce à une chanson en particulier, elle est passée de l’autre côté. Aux yeux de certains, ça enlève un peu d’exclusivité à la chanson, que tout le monde s’est un peu appropriée. Mais son album demeure une œuvre personnelle, qui n’a pas été pensée en fonction d’une stratégie commerciale ou d’un format… Moi j’appelle ça de la “musique démocratique”. »

«Mais son album demeure une œuvre personnelle, qui n’a pas été pensée en fonction d’une stratégie commerciale ou d’un format… Moi j’appelle ça de la “musique démocratique”. »

Il y a chez Karim Ouellet des qualités qui d’emblée le rendent attachant : candeur, charisme, authenticité, désinvolture classieuse. On le sent libre, tant dans le personnage qu’il déploie, dans la manière dont il cède avec délice à la tentation de la pop, que dans sa façon de papillonner entre les genres avec beaucoup d’agilité. Il a aussi ce timbre de voix souple, capable d’escalader les aigus comme sait le faire M, une voix caressante, au grain velouté, qui réchauffe : un atout de taille. « Ça s’est développé tout seul. J’ai toujours chanté par-dessus les chansons. Je m’amusais à chanter les harmonies et trouvais dommage que ces lignes manquent. Puis j’ai commencé à m’accompagner à la guitare et à un moment donné, j’ai compris que je pouvais me faire du fun avec ça. Je n’ai jamais pris de cours de chant, j’y suis allé à l’instinct. Puis j’ai fini par apprendre quelques techniques pour respirer au bon endroit, m’assurer de chanter dans le bon registre et protéger ma voix. »

Malgré Plume, paru il y a deux ans, plusieurs le découvrent avec Fox, joli patchwork d’influences à dominante néo-soul. En très peu de temps, le multi-instrumentiste qu’on a aussi pu voir aux côtés de Marième, Movèzerbe et Accrophone, a appris quelques affaires qu’il s’est empressé de mettre en application : « Plume et Fox ont été enregistrés en studio de la même façon, tous deux en trois mois et demi. Pour Plume, Claude Bégin, Thomas Gagnon-Coupal et moi n’avions pas de but particulier, la volonté simple d’enregistrer des chansons. Mais Fox, Claude et moi (sans Thomas) l’avons conçu comme un tout. Les chansons sont différentes les unes des autres, mais il était important pour nous qu’elles puissent être rassemblées. »

Cette complicité a porté fruit et permis les explorations subséquentes : « Quand je suis entré en studio pour Fox, j’avais seulement deux chansons en chantier! Le processus d’écriture et de composition s’est fait au fur et à mesure. Le résultat final est un mélange entre une orientation claire, consciente, qui agissait comme une direction, et le fait de s’autoriser à avancer par essais-erreurs. »

Le grand défi qui attend Karim Ouellet est celui de la scène et il le sait : « Nous avons engagé Brigitte Poupart (mise en scène des spectacles de Yann Perreau, Louis-Jean Cormier, Misteur Valaire). Nous avons choisi de miser sur la simplicité, tout en devenant plus efficaces. On veut rendre le tout plus divertissant et créer une petite expérience avec ça. » Pour cet aspect du métier aussi, Karim, fin renard, mettra en application cette saine philosophie qui est la sienne : « Pas trop se prendre au sérieux tout en restant assez sérieux pour bien faire ce que l’on fait. Satisfaire ses propres attentes avant de chercher à répondre à celles des autres. Et se faire du fun. »