Si Fontarrabie est une commune espagnole, Fontarabie (avec un « r » en moins) se veut l’ambitieux projet musical de Julien Mineau, leader de Malajube, servant d’intermède entre deux albums du populaire combo. Beaucoup plus proche de l’esthétique de la trame sonore, de la musique classique et de la pop orchestrale étoffée que de la pop-rock hétéroclite et échevelée de Malajube, l’album homonyme de Fontarabie prend ses racines dans un désir de liberté. Une volonté de Mineau de faire plus de musique chez lui, dans sa maison de Ste-Ursule.

« J’ai évolué depuis mes premiers pas. J’ai écrit Trompe-l’œil à 22 ans. J’en ai aujourd’hui 33. Je ne suis plus du tout la même personne. Il ne me reste plus grand chose de cette époque. »

« Je faisais des trucs en solo depuis très longtemps. Tout seul chez moi, en apprenant la technique. Mais à chaque fois, je perdais de l’intérêt et je ne les menais pas à terme. C’était trop compliqué ou j’avais trop de shows avec Malajube. Bref, ça a toujours tombé à l’eau. Pour ce projet, ça me prenait un certain niveau de maturité. Mais aussi, je voulais être détendu et faire un album sans stress. Ne pas penser à payer mon loyer. Je voulais faire quelque chose de significatif sans me dire que c’est une job. Il n’y avait pas de but lucratif. Ce fut un laboratoire d’apprentissage pour moi. Je me suis acheté des micros, j’ai monté un petit studio et j’ai appris une couple de métiers : arrangeur, mixeur, technicien de son. J’aime faire les choses chez moi, à ma façon, sans avoir à attendre une subvention, » raconte Mineau.

Échelonné sur une période de deux ans (entre 2012 et 2014), l’enregistrement de l’opus s’est fait lentement, progressivement, mais dans un climat calme et serein. « En réalité, ce fut une longue session de studio. Je ne suis presque pas sorti, presque pas vu de shows. Je me suis un peu isolé chez moi, mais j’étais bien avec ma blonde et mes chiens. Je suis un peu ermite de nature. Pas trop nightlife. »

Les 14 pièces contenues sur le disque ne sont qu’une fraction du matériel créé pour ce projet hybride imposant. L’homme a longtemps mijoté les chansons de Fontarabie dans sa marmite, puis a fait le grand ménage parmi une cinquantaine de morceaux. « Je ne voulais pas que ce soit trop éparpillé. Je voulais que ça se tienne et qu’il y ait un certain sens, une ligne directrice. Ça s’en allait dans plein de directions et j’ai mis de l’ordre là-dedans, c’est ce qui a été long. J’ai fait l’album instinctivement, mais j’ai recommencé certaines pièces des dizaines de fois avant d’être satisfait du résultat. Ça a toujours été comme ça avec la musique. Je la fais d’abord pour moi. Mais j’avoue que vers la fin, je me suis mis de la pression sur les épaules. J’ai gossé plusieurs chansons. Je suis perfectionniste, mais ça reste inoffensif. C’est pas trop dangereux, » avoue-t-il, pince-sans-rire.

Certes, on pense aux trames sonores de Danny Elfman à l’écoute du compact du sextuor (dont fait partie, entre autres, Simon Trottier de Timber Timbre), mais aussi parfois à celle d’un film d’horreur des productions Hammer ou alors à un David Lynch inédit. « Sans avoir écouté beaucoup de trames sonores de films, c’était dans mon subconscient. J’avais envie d’ambiances de vieux films, des trucs kitsch, Columbo, des glissandos de violons. C’est un exercice, en fait. Et puis, j’aime pas trop agencer la couleur de ma voix à la musique que je fais. Souvent, je trouve que ça peut nuire à l’ambiance que je veux créer. Ça donne trop d’informations. Voilà pourquoi le disque est à moitié instrumental, » confie Mineau.

Parvenant à distiller ses ambiances cinématographiques et ses climats brumeux avec des pièces instrumentales telles que « Morula » et « Cosmogonie », Julien s’est tourné vers le piano pour la composition de l’ensemble des titres (même s’il joue d’une dizaine d’instruments sur l’album). L’aspect créatif le plus éprouvant de l’entreprise Fontarabie? L’écriture des textes. « Si j’avais voulu ne pas mettre de voix sur l’album, il serait paru l’an dernier. Tout était prêt. Ce qui est long à écrire et ce qui est moins le fun pour moi, ce sont les paroles. C’est moins instinctif et plaisant. Plus souffrant, je dirais. Je peux écrire trois chansons par jour, mais pour les textes, je me sens toujours un peu pris. Je ne veux pas écrire des choses insignifiantes ou de mauvais jeux de mots. J’ai évolué depuis mes premiers pas. J’ai écrit Trompe-l’œil à 22 ans. J’en ai aujourd’hui 33. Je ne suis plus du tout la même personne. Il ne me reste plus grand-chose de cette époque, » laisse-t-il tomber.

Après avoir livré un mémorable spectacle l’été dernier lors des FrancoFolies (avec 17 musiciens sur scène), passé du temps à écrire dans les bois au Nouveau-Brunswick et participé au Festival de musique émergente en Abitibi-Témiscamingue (FMEAT) fin août, Mineau a des plans tout simples. « Écrire de la musique et chanter à chaque jour, c’est ce que je veux pour l’instant. Reste à définir la direction qu’on va prendre avec Malajube. Ça change à chaque jour, mais j’ai déjà un ou deux autres albums de Fontarabie en banque. Je suis sur une lancée studio et je préfère faire des shows événementiels que de la tournée à cette partie de ma vie. » Prudent, il conclut : « Et puis, j’ai fait une copie de mon disque dur. Alors, si ma maison brûle, je ne perdrai pas tout mon travail! » Et nous non plus!