Ása Berezny (chanteuse/guitariste et principale auteure-compositrice) et le batteur Sam Heggum-Truscott jouent de la musique ensemble depuis quatre ans et, durant ce temps, ils ont lancé, sous le nom Kingdom of Birds, un EP et trois albums. Ils travaillent actuellement sur leur prochain enregistrement qui doit paraître dans le courant de 2019. « Notre EP éponyme est sorti en 2017, c’était notre premier enregistrement professionnel », raconte Berezny. « Les deux premiers albums étaient en quelque sorte des compilations de nos premiers démos. »

Puis, lorsqu’on connaît le vieux dicton de l’industrie selon lequel « on a toute notre vie pour écrire notre premier album, mais six mois pour écrire le deuxième », on pourrait s’attendre à ce que, dans ce cas-ci, « toute une vie » désigne des musiciens de 18 à 25 ans. Mais Kingdom of Birds n’a pas pris autant de temps à déterminer ce que le groupe avait à dire, musicalement, comment le dire et, en fin de compte, comment partager tout ça avec le public. Le EP ainsi que le troisième album du groupe, « Pretty », sont parus en 2017, ce qui représente une quantité impressionnante de travail pour n’importe quel groupe. Mais lorsque l’on sait qu’Ása et Sam sont âgés, respectivement, de 16 et 11 ans, c’est d’autant plus remarquable.

Il faut dire que Heggum-Truscott, Berezny et le bassiste Ewan Fotheringham (également âgé de 16 ans et qui fait partie du groupe depuis février 2018) jouissent d’un important soutien. Ils sont tous issus de familles qui les ont encouragés à se diriger vers une carrière musicale, ce qui a permis à Sam et Ása d’étudier à la Red House Music Academy de Toronto. « On y prenait tous les deux des leçons, et Ása et moi étions dans un groupe », raconte Sam. « De fil en aiguille, on a commencé à jouer en dehors de l’école et à faire nos propres trucs. »

Sur scène et sur disque, ils s’exécutent avec une assurance qui trahit leur âge. « Beaucoup de ça vient de notre passage à Red House », croit Berezny. « Mon prof était très exigeant… ça m’a donné beaucoup de confiance en tant que musicienne. » Et cette confiance est évidente à travers leurs arrangements et leur jeu bien ficelés et sans flaflas. Effectivement, la vaste majorité des gens sont surpris lorsqu’ils apprennent leur âge. « Il y a un peu de ça », admet Ewan. « Ouais », poursuit Sam, « mais on vieillit. »

Le groupe a beaucoup évolué au fil du temps, expérimentant avec une sonorité « multicouches » sur l’un de leurs albums en plus de s’adjoindre les services de Brighid Fry (Moscow Apartment) aux claviers et au violon pendant un certain temps avant de revenir à la formation actuelle. Le bassiste original du groupe, Zeul Mordasiewicz a quitté le groupe pour se concentrer sur un projet d’écriture de son cru. « Il nous a aidés à trouver Ewan pour le remplacer, alors ça n’a pas été très difficile. Ewan apprend très vite — ça ne faisait que deux semaines qu’il jouait avec nous lorsque nous avons un concert à donner. À mon avis, c’est la formation la plus solide que nous avons eue jusqu’à maintenant. Il faut du temps pour trouver des gens avec qui on travaille vraiment bien. »

Les Conseils d’Ása pour les débutants 

  • « Pratiquez jusqu’à ce que ça sonne comme une chanson lorsque vous jouez une chanson. C’est à ce moment que ça devient réellement satisfaisant. »
  • « Souvenez-vous que vous n’avez pas à être un virtuose de votre instrument pour faire de la vraiment bonne musique. »
  • « Il faut être extrêmement motivé, surtout au début. Il ne faut pas attendre que quelqu’un vous offre un spectacle. Il faut les rechercher activement.

« On prend plus de temps, maintenant, pour discuter de la manière dont nos chansons évoluent », poursuit-elle. « Avant, on disait à Ewan “voilà les accords’, puis Sam commençait à jouer, et c’était tout. Maintenant, on commence de cette façon, mais après, on discute de ce qu’on a aimé ou pas afin de peaufiner le tout et de s’assurer que ça coule bien. »

En tant qu’auteure-compositrice, Ása mentionne Radiohead et Nick Cave comme ses deux principales influences. « J’ai vu un documentaire au sujet de Nick Cave, One More Time with Feeling, où il raconte qu’il refuse de se débarrasser d’une seule ligne qu’il a écrite, et ça m’a incité à prendre mon temps pour l’écriture. J’essaie d’être entièrement satisfaite de tout ce que j’écris. Mes chansons étaient très simples, au début. Je pouvais écrire une chanson en trente minutes, couplet-refrain-couplet-refrain. Maintenant, j’expérimente avec des sons dissonants et des progressions d’accords. Ç’a beaucoup évolué. »

Chaque membre du groupe est très dévoué à s’améliorer et à évoluer en tant que groupe et aucun d’eux ne peut imaginer faire autre chose de sa vie. Sam, toutefois, a un léger bémol à ajouter : « Je n’abandonnerais jamais la musique, mais j’ai commencé à jouer au baseball et à jouer de la batterie très jeune, alors j’aime vraiment le baseball aussi. » Lorsqu’il est question de ce sport, il s’imagine bien dans les ligues majeures et, pour l’instant, il peut se permettre de poursuivre ses deux passions. Qui plus est, chaque activité lui offre l’occasion d’acquérir des qualités qui lui permettent d’exceller dans l’autre discipline : « Concentration et détermination », dit-il.

 



Lorsqu’on a grandi en entendant son grand-père chanter des classiques du country pendant qu’il travaille à la ferme familiale, il n’est pas surprenant que l’on finisse pour aboutir, un jour, à Nashville. Et il n’y a aucun doute que vous vous sentirez chez vous dans cette ville où bon nombre de ces classiques ont vu le jour.

C’est ce qui s’est produit pour l’auteure-compositrice-interprète Mackenzie Porter. Aujourd’hui âgée de 28 ans, elle a grandi sur une exploitation bovine de l’Alberta, près de Medicine Hat. Le son de Nashville qu’elle entendait quotidiennement à la radio a fait partie de son enfance et de son éducation. Tous les membres de sa famille étaient musiciens. À l’âge de quatre ans, elle a commencé à étudier le piano, le violon et le chant et elle accompagnait souvent les membres de sa famille et des cousins dans le groupe familial, dont faisait notamment partie Kalan, un gagnant de Canadian Idol.

Porter vit à Nashville depuis quatre ans. Elle vit également plusieurs mois par an à Vancouver où elle tourne dans la série télévisée Travelers où elle tient le rôle principal (voir encadré). Lors de notre conversation, elle était en train de mettre la touche finale à son nouveau EP dont le lancement est prévu le 22 mars 2019 sur le label indépendant Big Loud Records. Ce recueil de six chansons est sa première fournée de nouvelle musique depuis 2015 lorsque son premier album éponyme a remporté le JUNO de l’album country de l’année. En novembre 2018, Porter a lancé les deux premiers extraits de ce prochain EP, « About You » et « Drive Thru ». C’est son compatriote Canadien et membre SOCAN Joey Moi (Florida Georgia Line, Dallas Smith, Jake Owen) qui a réalisé le EP.

« C’est un heureux mélange de pop et de country », affirme Porter. « Disons que c’est un peu comme du Sheryl Crow, mais country. J’ai écrit la moitié des chansons et les trois autres sont des pièces que le label a dénichées ailleurs. Je suis dans un état d’esprit où je tiens à écrire toutes mes chansons, mais je ne me priverai pas si une chanson géniale se présente à moi ; que la meilleure chanson gagne ! C’est comme ça qu’on se bâtit une réputation. Mais pour chanter la chanson de quelqu’un d’autre, je dois avoir une connexion avec celle-ci et elle doit avoir une connexion avec moi. Je dois sentir que c’est une situation que j’ai vécue et que ce sont des mots que je dirais. »

Porter devait participer au récent camp d’écriture CCMA/SOCAN, mais elle a dû annuler à la dernière minute en raison du tournage d’une vidéo promotionnelle pour une tournée spéciale qui devrait être annoncée sous peu et avoir lieu à l’automne 2019 en compagnie de quelques vedettes du country. « J’étais vraiment déçue de ne pas pouvoir y participer », confie-t-elle.

« Si ma carrière d’interprète ne décolle pas, je continuerai en tant qu’auteure-compositrice, car j’aime tellement ça. »


Se souvient-elle de sa première création musicale ? « Je ne m’en souviens pas hors de tout doute, mais c’était sûrement quelque chose d’horrible que j’ai fait enfermée dans ma chambre », lance-t-elle en riant. « J’espère que personne ne mettra la main sur mon vieux MacBook ! »

Aujourd’hui, Porter écrit toujours seule dans sa chambre, mais ce qu’elle préfère, ce sont les collaborations. La majorité du temps, en semaine, vous la trouverez impliquée dans une séance d’écriture. Elle adore échanger des idées avec d’autres artistes. Les collaborations avec d’autres auteurs-compositeurs font que chacun arrive avec sa propre expérience, ce qui a le potentiel de complètement changer la direction d’une chanson.

Traveler entre la musique et le jeu
Porter a commencé à jouer à l’école secondaire. Pendant un certain temps, dénicher des rôles était sa principale activité. Elle a obtenu son tout premier premier rôle dans une série télé à l’âge de 16 ans. Ce n’est que lorsqu’elle a vécu une période creuse durant laquelle elle ne trouvait aucun rôle qu’elle s’est inscrite dans une école de musique et qu’elle est tombée en amour avec la création musicale. « J’avais besoin d’un autre exutoire pour ma créativité », dit-elle. Elle a récemment partagé la vedette avec Eric McCormack dans la populaire série Travelers, une série sur les voyages dans le temps créée par Brad Wright et filmée à Vancouver qui a été en ondes pendant trois saisons. La série se déroule dans un avenir où la technologie existe afin de retourner des gens au 21e siècle afin de sauver l’humanité. Porter y jouait le rôle de « Traveler 3569 », le médecin de l’équipe qui prend la forme d’une femme ayant un handicap intellectuel nommée Marcy Warton. « Eric est l’une des personnes les plus gentilles que j’ai rencontrées », affirme Porter. « Il est si positif et encourageant. Il croyait réellement en notre série et tous ses jeunes acteurs. Mais maintenant que la série est terminée, je me recentre pleinement sur la musique.

“Je suis toujours vraiment nerveuse au début d’une collaboration”, confie-t-elle. “J’ai peur d’arriver avec une idée que les autres trouveront cool, ou pas. Tyler [Hubbard] du groupe Florida Georgia Line a récemment invité plusieurs auteurs dans leur autobus de tournée. Je n’oublierai jamais ce qu’il m’a dit : ‘rien n’est cool tant que tu ne le rends pas cool’.”

Pour Porter, la genèse d’une chanson commence souvent par un “hook” ou un titre. “C’est la méthode Nashville ; 99 pour cent des gens ici fonctionnent de cette manière”, affirme-t-elle. “T’entends un titre que tu ne trouves peut-être pas cool sur-le-champ, mais les mots sont comme un puzzle et, soudainement, tu changes de perspective et tu tiens quelque chose.”

Le conseil de Porter pour les auteurs-compositeurs qui aspirent à de grandes choses est très simple : persévérance, il ne faut pas avoir peur d’y mettre le temps nécessaire. “Écrivez, écrivez, écrivez, et écrivez encore”, dit-elle. “Peu importe votre talent, il vous faut vous débarrasser de toutes les mauvaises chansons avant de trouver celles qui sont vraiment bonnes. J’écrivais 150 chansons par an pendant trois ans avant de commencer à sélectionner les chansons pour ce nouveau EP. C’est parfois décourageant, mais le jeu en vaut la chandelle. Mon conseil : écrivez des centaines de chansons et terminez-les, même si elles sont pourries. C’est comme un muscle. Il faut l’entraîner.”

Si sa carrière d’actrice ou de musicienne devenait trop difficile à poursuivre, une chose est sûre pour Porter : elle n’arrêtera jamais d’écrire des chansons.

“Je suis une auteure-compositrice avant tout”, dit-elle en conclusion. “J’espère que ça n’arrive jamais, mais si ma carrière d’interprète ne décolle pas, je continuerai en tant qu’auteure-compositrice, car j’aime tellement ça. J’ai parfois l’impression de ne plus avoir d’idées. Ça arrive lorsqu’on écrit cinq jours par semaine. On se pose la question ‘de quoi puis-je parler d’autre ?’ Mais les chansons finissent toujours par se manifester. Divers collaborateurs nous inspirent différentes idées. Et de toute façon, il y a toujours plusieurs façons de raconter la même histoire.”



On dit que le second disque est le plus difficile à faire, relève l’auteure, compositrice et interprète Émilie Kahn. « Les gens nous mettent beaucoup de pression pour qu’on arrive à sortir un meilleur album que le premier. C’est ça qui peut être difficile à gérer ; personnellement, je ne me disais pas : ‘Faut que ce soit un meilleur album. Mon problème, c’est que j’avais plein d’idées pour ce disque. J’ai eu de la misère dès le départ parce que je forçais mes chansons dans toutes sortes de directions musicales. »

Brûlons le punch tout de suite : Outro est un meilleur album que le précédent, 10 000, paru en 2015 sur étiquette Secret City Records. Sur le plan de l’écriture autant que de la réalisation. « Moi aussi, je trouve », abonde Émilie. Ceci étant dit, posons d’emblée la question urgente : pourquoi avoir choisi de présenter cet album sous ton nom civil, Émilie Kahn, plutôt que le nom de scène Émilie & Ogden ? Elle l’attendait, celle-là.

« J’ai fait ça pour plein de raisons. Au départ, j’avais envie d’un nom de band, je n’aimais pas l’idée d’attacher qui je suis en tant qu’artiste à mon nom, une manière de reconnaître que dans le milieu dans lequel j’évolue, il faut savoir se mettre en marché. J’aimais l’impression de faire une séparation entre l’artiste et la personne, mais… je ne sais pas, je réalise que c’est impossible de faire ça. Il n’y a pas de séparation entre moi et l’artiste. Aussi parce que même après trois ans, y’a des fans qui ne savaient pas encore c’était quoi, au juste, Ogden… »

Ceux qui savent, savent qu’Ogden est son instrument fétiche. Ogden, du nom d’une gamme d’instruments conçus par les facteurs de harpes Lyon & Healy de Chicago, des harpes privilégiées par les instrumentistes de folk et de pop en raison de leur poids, plus léger, et de leur polyvalence. Ogden est le signe distinctif d’Émilie qui fait évoluer ses chansons indie pop dans ses soyeuses harmonies, lesquelles confèrent à ses chansons quelque chose de suspendu, une certaine tension, l’impression de l’écouter entre deux états de conscience, entre pop éthérée et indie rock obscurci par la batterie et les guitares.

« La harpe, on a l’impression que c’est difficile, mais ça ressemble beaucoup au piano », estime celle qui fut d’abord initiée à la flûte à bec grâce à laquelle elle a été admise au baccalauréat en musique classique. « Mais c’est arrivé au cégep que j’ai eu le coup de foudre pour la harpe ; je me suis trouvée une professeure sur internet et j’ai commencé à prendre des cours privés. »

Parce qu’elle est « plus vieille aujourd’hui » et qu’elle se connaît mieux, ce disque sous son vrai nom paraîtra plus personnel et sincère, concède Émilie. « Mais de Émilie & Ogden à Émilie Kahn, c’est l’évolution naturelle. » Une évolution qui ne s’est pas faite dans la facilité, reconnaît la musicienne qui, en préparation de ce deuxième album, avait enregistré une pile de démos pour ensuite tout jeter aux poubelles.

« J’ai traversé une crise, explique Émilie. Je savais dès le départ que je voulais travailler cet album avec Warren [C. Spicer, guitariste et chanteur de Plants & Animals, alors j’ai fini par l’appeler pour lui dire que je ne savais plus ce que je faisais… Il m’a dit : On va s’asseoir ensemble, tout va se calmer, on va jouer de la musique. On va prendre les chansons que t’as déjà, et regarder où ça s’en va. »

Après la crise, elle s’y est remise. Une semaine d’écriture, tous les jours, jusqu’aux petites heures du matin. « C’est drôle, lors de la sortie du premier album, c’était une question qu’on me posait souvent : comment composes-tu tes chansons ? Je ne savais jamais quoi répondre parce que pour moi, c’est un processus très intuitif. Je ne sais jamais comment commence une chanson. Or cette année, j’ai écrit davantage avec d’autres musiciens et fait des sessions de travail. C’est là que j’ai réalisé qu’il y a plusieurs manières différentes d’écrire une chanson. »

« J’ai l’impression que beaucoup de musiciens ont tendance à commencer par la musique – ils trouvent les accords, le rythme, trouvent ensuite leur mélodie et placent les paroles là-dedans. Mais moi, j’ai toujours accordé le plus d’importance aux paroles. Dans mes chansons, j’aime que ma voix ressorte bien du mix et que l’on comprenne bien les paroles. »

« J’ai toujours aimé écrire, depuis que je suis toute jeune. Écrire mes émotions en paroles, c’est ce qui m’aide à les faire sortir le mieux. Alors je commence par des mots sur une mélodie. Juste une phrase, et la chanson part de là. Mais cette année, j’ai fait l’exercice de composer différemment – de manière plus pop. J’ai un ami qui est producteur, il fait des beats sur son ordinateur, et je compose des paroles par-dessus. Avec ce nouvel album, j’ai réalisé que j’avais envie d’aller davantage dans la pop », entrevoit la musicienne, qui chérit les compositions qui surgissent à la hâte.

« Mes chansons préférées, ce sont celles que j’ai écrites en dix minutes, en one shot. Et en général, celles qui se sont retrouvées sur ce nouvel album ont été écrites rapidement. Partir d’une seule phrase me venant en tête, et tout le reste qui déboule d’un coup… c’est une sensation difficile à décrire. »