Jesse Mac Cormack n’est pas du genre à s’écouter parler. Loin de la parole placée du politicien, il économise toujours les mots, les garde pour quand ça compte. Après trois EP, marquant toujours une évolution, c’est le 3 mai prochain qu’il présentera son premier album complet, attendu telle une solution aux changements climatiques : Now. Comme dans maintenant ou jamais.

Jesse Mac Cormack« Plus c’est long, plus c’est bon », dit l’adage qui semble ébauché pour décrire exactement ce que Jesse construisait durant les dernières années. « Ça fait environ trois ans que j’ai commencé à mettre les tounes en place, enregistrer, faire les démos », dit-il comme s’il émergeait d’un long voyage.

Et c’est maintenant que tout est prêt. C’est aujourd’hui que la table est mise, l’attente érigée. Now, c’est l’album et c’est aussi la quatrième piste de celui-ci. « Sur la pochette, c’est le Parc National Death Valley (en Californie). Il y a un endroit là-bas qui s’appelle Badwater Basin et tu es juste partout dans le sel, c’est vraiment un espace qui est lunaire, c’est un peu comme une belle inspiration de la fin du monde, explique Jesse. Il y a déjà eu de la vie là, il y a déjà eu un océan, une jungle. »

Comment décrire aujourd’hui quand demain devient une utopie, quand on est sûr de rien ? Jesse Mac Cormack pense à la suite. « On a amené mon kid là-bas – elle avait environ un an et demi – et on a pris une photo. Je me suis dit que j’avais mis quelqu’un au monde et que, quand moi je suis né, le monde continuait. Elle, quand elle va être en première année, ses profs vont lui dire que le monde va s’arrêter. En même temps, c’est un Now qui laisse place à interprétation. »

Besoin de rythme

C’est en revenant d’une tournée où il interprétait les chansons de ses EP (Crush, Music for the Soul et After The Glow), qu’il a su ce qu’il allait concevoir ensuite. « Mon feeling, c’était que j’avais besoin de chansons plus rythmiques. C’est plus plaisant à jouer live. Il me fallait des hooks catchy. » C’est ainsi que les pièces extrêmement accrocheuses comme No Love Go sont nées.

« Ça serait pas humble de dire que j’ai trouvé la recette », dit Jesse, encore incertain de ce qu’il adviendra. Il a pourtant réussi à bâtir, au fil des années, une cohorte d’adeptes qui n’attendent que ce « Maintenant », ce momentum, le Now de Jesse.

Le premier album, c’est important. « C’est pour ça que j’ai fait trois EP sur une longue période. Ça sert à rien de faire un disque et que personne ne l’attende », dit Jesse. Et ceux qui attendent sont là, partout. C’est tout le monde : « Dans les shows, les jeunes en avant dansent et les vieux, en arrière, sont assis sur des tabourets. »

Ce qu’il écrit, ce qu’il compose, ça lui vient « comme ça ». Les pièces qui se succèdent ici ne sont liées que par son créateur. On passe d’un rythme à saveur pop enivrant à un moment intimiste où il ne reste que Jesse, son piano et nous. Dans une bulle. « Ça m’arrive de sortir des tounes pas de drum, mais j’ai jamais calculé ce genre de move », assure Jesse.

En ce qui concerne la production, « c’est parti de quelque chose de complètement dénudé pour finir avec un orchestre au complet ». On nous parle de relations, de ce que ça implique de choisir un nouveau départ, de drogues, d’angoisse sociale.

Se fondre dans l’œuvre

Autour de Jesse, Francis Ledoux, Étienne Dupré et Gabriel Desjardins se mettent au service de l’œuvre. « Ils sont capables d’oublier tout le reste et de faire exactement la chanson que tu veux qu’ils fassent. » Comme ces derniers s’oublient dans l’œuvre de Jesse, Jesse se fond dans les œuvres des autres depuis plusieurs années déjà. Il a réalisé les albums de Helena Deland, Emilie & Ogden, Rosie Valland et Philippe Brach, pour ne nommer que ceux-là. « C’est vraiment important de faire ça pour moi, dit Jesse. Plus je suis occupé, plus je suis créatif, moins j’ai de temps et plus je sais qu’il faut que je me réveille. Les projets des autres me nourrissent. Je suis toujours en train d’apprendre. Je trouve ça l’fun, de la musique qui n’est pas la mienne. »

James Blake, Travis Scott, Drake et Rihanna occupent l’écoute de Jesse Mac Cormack qui n’a jamais eu peur de la pop. « Je ne crains pas les clichés, lance-t-il. Pour moi, les clichés ne sont pas clichés pour rien. Il faut que tu joues avec ces clichés. Les gros beats monstres, j’aime ça. J’écoute aussi beaucoup de techno pour un side project que je veux sortir bientôt. »

Changer de vie

« Hey, depuis la dernière fois qu’on a jasé de musique, j’ai mis un enfant au monde, envoie Jesse, comme étonné par lui-même. Mon but, c’était de terminer l’album avant que mon enfant naisse. Secret City Records, la maison de disques, m’a demandé de continuer à travailler dessus. J’ai continué un an après sa naissance. C’était vraiment un défi, jongler avec tout ça. Ça change une vie, comme ils disent! »

Si les idées lui venaient surtout la nuit, en faisant du vélo ou en se promenant dans la ville, les choses ont bien changé. « Là je suis sur une structure de 9 à 5. J’ai un ami qui m’a dit “je suis allé dans le bois pour créer, je me suis perdu et c’est comme ça que ma musique est née”. Moi, j’ai juste le temps de sortir pour aller à la pharmacie. »

Malgré ses visites chez Jean Coutu, Jesse crée en permanence, même si c’est dans le cadre d’un horaire de bureau. « J’essaie d’avoir une personne par jour qui vient à mon studio, dit-il. Une journée est réussie seulement s’il s’est passé quelque chose. »