D’un côté, il y a tous ces Kanye, des artistes qui sont convaincus qu’ils sont ce qui est arrivé de mieux depuis l’invention du pain tranché, ou de Prince, de l’autre, il y a des gens comme Jeff Hazin qui se demandent pourquoi les gens s’intéressent à eux ou même souhaitent travailler avec eux. C’est rafraichissant et amusant.

« Je ne sais toujours pas si j’ai du talent », dit l’autodérisoire producteur et auteur-compositeur qui a récemment vu deux des artistes qu’il a aidé à se développer signer des contrats importants — Ren, un artiste alt-pop, chez Interscope/Geffen, et la chanteuse indie-pop Anna Sofia chez Republic. « Je me demande pourquoi ces gens viennent me voir… »

Parmi ses autres poulains, on retrouve l’intriguant alchimiste des genres musicaux j. ember – qui a été qualifié d’artiste à surveiller, ainsi que Yoko Gold, qui a été choisi pour présenter une prestation lors de la réception VIP qui précédait l’apparition de Barack Obama, en janvier, au Metro Toronto Convention Centre.

« Le plus important, c’est que je fais ce que j’ai à faire. J’ai besoin d’être créatif. Ça fait partie de qui je suis et de ce que me pousse à continuer », explique Hazin, 28 ans, qui co-écrit avec tous les artistes qu’il produit. « Je crois que tous les artistes se sentent ainsi, car il n’y a rien de logique dans une carrière en art et dans l’espoir d’avoir une carrière stable dans ce domaine. Ce n’est pas la motivation première des artistes. »

Hazin, qui est né et a grandi à Toronto, est le seul artiste de sa famille. Il a mis les mains sur une guitare à l’âge de 11 ans, et « c’était “game over” », raconte-t-il. Un an ou deux plus tard, il a fondé des groupes de musique en compagnie de ses amis et il a commencé à écrire de la musique qu’il décrit, évidemment, comme « horrible ».

Est-ce qu’il chantait ? « J’ai bien essayé, mais non. Les gens ne m’écoutaient pas », laisse-t-il tomber. « Je chante pour moi-même, dans la douche ou pour les artistes avec qui je travaille, mais ce n’est pas demain la veille que vous allez m’entendre comme chanteur principal. »

« J’insiste toujours, à chaque artiste avec qui je travaille, sur le fait d’être soi-même. »

Hazin est devenu producteur audionumérique et auteur-compositeur en se procurant le logiciel de production audionumérique Cakewalk Home Studio avant de passer à GarageBand sur un des ordinateurs de son école secondaire (« au lieu de vraiment travailler »). Il a ensuite appris à se servir du logiciel Live de Ableton.

« J’ai commencé en tant qu’artiste qui produisait sa propre musique, des trucs électroniques expérimentaux étranges et conceptuels », raconte l’artiste. « Je faisais ça avec mon nom de famille comme nom d’artiste. Mais n’allez pas à la recherche de ces trucs, ils ne sont vraiment pas très bons. »

Toujours avide d’apprendre, il explique : « je suis obsédé par l’art en général. J’adore la poésie, l’art, les musées, les sculptures, le cinéma, la musique, la culture en général. Ce que je faisais à cette époque, c’est que je prenais des poèmes récités et je les “hachais” en petits morceaux pour en faire des trucs étranges. C’était amusant. »

Il s’est ensuite inscrit au programme des arts de la radio et de la télévision de la Ryerson University. « J’avais envie de baigner dans un environnement académique, mais j’ai appris, à mi-chemin de mon parcours, qu’une grande partie de ça se passe hors des murs de l’école, alors j’ai commencé à apprendre plein de choses de manière autodidacte. »

Le premier artiste avec lequel il a collaboré, 2014, était une camarade de classe, Maccie, créait de la musique dans la veine alt-pop. « À partir de là, ma communauté a grandi et grandi et j’ai commencé à travailler avec plein d’artistes différents, et je travaille encore avec eux. »

S’il fallait définir son approche en tant que producteur et coauteur, ce serait ainsi : « J’insiste toujours, à chaque artiste avec qui je travaille, sur le fait d’être soi-même. »

« D’autres producteurs et créateurs sont constamment à la recherche de quelque chose, tellement qu’ils en oublient de voir l’artiste devant eux », dit Hazin. « Pour moi, les meilleures choses ressortent d’une attitude honnête et empreinte de vérité par rapport à cette personne et ce personnage. Je crois que quand on explique ça à un artiste, ça les rassure qu’ils ont ce qu’il faut. »

Hazin a co-écrit avec Ren et Anna Sofia, mais leur « son » respectif a été trouvé après plusieurs années d’essayer différentes approches « jusqu’à ce qu’on trouve la bonne ». « Il faut parfois tout un périple avant de trouver la zone de confort d’une artiste, et je fais ce périple avec eux. Qu’arrivera-t-il ensuite ? Qui sait ? »

Quant à ses propres objectifs professionnels, il souhaite continuer à apprendre tout ce qu’il peut et il espère continuer à travailler avec des groupes rock, pop, indie-folk ou hip-hop.

« Je crois sincèrement que ma force, c’est que j’ai enregistré et produit des groupes comme After Funk, ce qui correspondait plus au travail traditionnel d’un producteur — écrire et arranger des chansons pour ensuite produire l’enregistrement sonore lui-même, par opposition au travail d’un “beat maker” ou d’un producteur comme on les connaît de nos jours. C’est ce que je voulais depuis longtemps, pouvoir évoluer dans ces deux mondes, car plusieurs des producteurs qui m’inspirent — Pharrell, Rick Rubin et Frank Dukes — ont cette chance d’avoir le meilleur des deux mondes. »