Le phénomène country, c’est le surnom que certains lui donnent. À l’ombre des médias, Irvin Blais attire invariablement des masses de fidèles qui s’entassent dans les arénas de Sainte-Anne-des-Monts à Wendover, de Rouyn à Caraquet. Et qui chantent par cœur, en chœur, les succès de son répertoire, riche d’une centaine de compositions originales. Une vraie communion.

L’histoire commence sans cérémonie. « Je devais avoir 10 ans quand j’ai trouvé une guitare à la maison, raconte-t-il. Mes parents avaient joué du Elvis dans leur jeunesse mais tout ça était loin. Mon père m’a montré trois accords, et j’ai continué. À l’époque, j’écoutais les 33 tours de ma mère, ceux de Tommy Hunter, Buck Owens, Dolly Parton, Merle Haggard. J’ai l’impression que la musique, c’était son rêve, un rêve qu’elle a dû abandonner pour élever ses huit enfants. »

De Port-Cartier, la famille Blais emménage à Bonaventure, puis dans une trentaine de villes du Québec, du Nouveau-Brunswick et de l’Ontario, au gré des emplois de contremaître dans l’industrie minière, la construction ou la foresterie du père d’Irvin. « J’ai établi beaucoup de liens, et ça m’aide aujourd’hui, lance Irvin. Partout où je vais, je me sens chez moi. »

« J’ai établi beaucoup de liens, et ça m’aide aujourd’hui, lance Irvin. Partout où je vais, je me sens chez moi. »

À 17 ans commence le pèlerinage des bars, à la faveur duquel il fonde Nashville Québec, son premier groupe. La Brasserie Pie-IX, Chez Fernande, La Gaspésienne, le Bar-Salon Rachel des Daraîche sont alors des stations obligées. Pour fuir l’aura négative qui entoure le country francophone, Irvin ne jure que par les standards américains : « Guitars, Cadillacs » de Dwight Yoakam, « Okie From Muskogee » et « Mama Tried » de Merle Hoggard, « Drivin’ My Life Away » et « I Love A Rainy Night » d’Eddie Rabbitt, « Act Naturally » et « Tiger By The Tail » de Buck Owens… En parallèle, il gère pendant quelques années une quincaillerie du Plateau Mont-Royal et honore des contrats de menuiserie, tout en entretenant sa flamme.

La décennie 90 annonce l’avènement des trames électroniques. Notre chanteur n’arrive pas à se convertir. Il part pour Sept-Îles et y rencontre Michèle C. Pinet, professeure de danse country, qui deviendra sa femme, sa complice, et plus tard sa muse, « la mélodie de ses chansons ». Ensemble, ils ouvrent le bar-salle de danse Le Nashville. Michèle enseigne, Irvin joue, toujours en anglais. Jusqu’au jour où il entend parler de Paul Dwayne, star du country francophone originaire de Bouctouche, qu’il croise ensuite à Saint-Tite.

. « Les paroles, la musique, tout m’arrive en même temps, explique-t-il, n’importe où, n’importe quand. » – Irvin Blais

Révélation et point tournant : Irvin commence à créer ses propres pièces, rien qu’en français s’il vous plaît. « Les paroles, la musique, tout m’arrive en même temps, explique-t-il, n’importe où, n’importe quand. Un mot, une phrase peuvent ouvrir le tiroir de ma mémoire. Mes textes parlent d’amour, heureux ou malheureux (“Elle”, “Juste entendre ton cœur”, “Je r’viendrai pu”). Et beaucoup de famille (“Une mère”), une institution qui, je crois, se perd de plus en plus. Les mères célibataires, la maladie, l’intimidation que j’ai connue étant jeune, tout ça me touche et rejoint le public. J’ai aussi écrit sur les régions que je visite en tournée. Les gens s’y reconnaissent, ils sont fiers que quelqu’un parle d’eux. »

Au rythme des années, les petits miracles se sont enchaînés. Avec Elle, lancé en novembre, Irvin Blais a fait paraître son huitième opus en partenariat avec Distribution Plages et vendu à ce jour plus de 100 000 abums. Il faut dire que Michèle et lui aident un peu, beaucoup la Providence. « Nous avons notre maison de gérance (Les Productions MCP) et nous faisons tout de A à Z. Je produis mes disques sans subventions, et nous nous déplaçons dans notre motorisé. Nous vivons du country parce que nous avons su semer notre jardin. Mon patron, c’est le public, des plus jeunes – dont certains vont jusqu’à se faire tatouer mon autographe – aux plus âgés. Je fais mon métier avec beaucoup de respect. Et tout ce que je livre au public, il me le redonne. Partout, mes spectacles, qui ne durent jamais moins de trois heures, se tiennent à guichets fermés. Je ne fais pas du “western quétaine” mais du “country que t’aimes”. Le country, c’est la musique de tout le monde, du PDG à l’ouvrier, en passant par Carey Price et la famille Dion, que cette musique a bercée. »

Ces jours-ci, Irvin Blais se prépare à enregistrer l’émission de Noël de Pour l’amour du country, après avoir chanté ce printemps dans La Victoire de l’amour, diffusée à TVA. Mais surtout, il continue à battre les routes, en compagnie de Sébastien Dufour (direction musicale et guitare), Pascal Castonguay (basse), Guy Gagné (violon) et Martin Bélisle (batterie), avant de se poser au Buffet Antique de Montréal le 16 novembre, le temps d’un spectacle mémorable. Porte-étendard du country francophone, Irvin Blais est plus que jamais en mission.