La nomination l’an passé de Kevin Lau comme compositeur attitré de la RBC pour l’Orchestre symphonique de Toronto (OST) n’est pas le fruit du hasard. Kevin Lau a résolument aspiré à une carrière de compositeur en créant déjà un grand nombre d’œuvres depuis le début de ses études de doctorat en musique à l’Université de Toronto, il y a une dizaine d’années. L’annonce de l’OST est survenue la veille de l’obtention de son diplôme à l’Université de Toronto.

De nombreux autres jeunes compositeurs poursuivent des études de doctorat en musique. Mais le travail de Kevin Lau en tant que cofondateur de l’orchestre amateur Sneak Peek Orchestra (avec le chef d’orchestre Victor Cheng) et son œuvre de compositeur en résidence avec le Mississauga Symphony ont réellement scellé l’entente avec l’OST. Il a également réalisé d’autres compositions et commandes notamment pour l’orchestre du Centre national des Arts, l’Ensemble Paramirabo, l’orchestre de Toronto, l’orchestre Kindred Spirits, le South Bohemian Chamber Philharmonic et le Hannaford Street Silver Band. Kevin Lau a clairement démontré sa passion, son instinct et son talent.

En tant que compositeur affilié à l’OST, Kevin Lau doit composer une nouvelle œuvre chaque année durant deux ans. Sa première œuvre, Treeship, a été dirigée par Peter Oundjian au Roy Thomson Hall en juillet 2013, et sa deuxième sera exécutée dans le cadre du New Creations Festival par l’OST en mars 2014.

« J’aime tellement composer de la musique que je ne vois pas comment je pourrais vivre autrement. »

Le rôle de Kevin Lau pour l’OST, en plus de composer, est de sensibiliser le public à la musique, de contribuer à la programmation et de défendre le contenu canadien.

Kevin Lau confie qu’il a commencé à composer dès qu’il a eu connaissance de son affectation. « Treeship est une composition qui ne dure que dix minutes, dit-il, mais elle m’a pris beaucoup plus de temps que tout ce que j’ai écrit auparavant. Elle a exigé tout le temps qui m’était alloué. »

Entendre son œuvre exécutée au Roy Thomson Hall a été très émouvant pour Kevin Lau, mais le processus, de la première lecture en passant par les répétitions jusqu’à cette soirée d’ouverture a été éprouvant.

« Vous devez vous préparer pour cet événement, mais ce n’est pas si facile, dit le compositeur. Les musiciens sont extraordinaires, ils ont vu et joué tant de grandes œuvres. Alors vous voulez être sûr d’avoir composé une musique digne de leur interprétation. Ils ne sont pas tous très âgés et expérimentés, mais bon nombre d’entres eux le sont. L’OST compte environ 80 instruments avec une immense section de cordes, la plus grande avec laquelle j’aie jamais travaillé avant. »

Kevin Lau se doutait que sa première composition pour l’OST ne serait pas la dernière, mais il tenait à y incorporer tout ce qu’il a en fait d’idées musicales.

« La première composition concernait davantage la découverte de ce que je pouvais faire avec un orchestre symphonique, dit-il. Ma nouvelle composition est un peu plus sombre et je fais un peu plus attention à ce que je veux exprimer. »

« Je me sens très privilégié, avoue-t-il. Cette fonction m’ouvre des possibilités exceptionnelles. J’aime tellement composer de la musique que je ne vois pas comment je pourrais vivre autrement. »



Cargo Culte, c’est d’abord une rencontre. Celle entre le rapper/parolier Éric Brousseau (anciennement Séba au sein de la formation Gatineau) et le bassiste Jean-François Lemieux (Daniel Bélanger, Jean Leloup) dans un club vidéo. « J’étais commis et J-F venait me voir, lance Brousseau. On parlait musique et on partageait notre vision des choses, comment devait sonner un groupe de rap. Puis, c’est resté de même. Après six mois, je l’ai recontacté. Il m’a dit de venir chez lui et on a commencé à monter des chansons, mais on cherchait un autre musicien. Peu de temps après, j’ai reçu un appel d’Alex McMahon (Plaster). Il me racontait qu’il aimerait faire un album de rap avec moi et voulait jouer de la batterie et du clavier. Quelques jours plus tard, on s’est réunis tous les trois, on a produit une petite maquette et on connait la suite. »

Débarqué le printemps dernier, l’album Les temps modernes renoue avec l’énergie brute des premiers balbutiements de Gatineau et révèle un groupe allumé, en pleine possession de ses moyens. En farfouillant les dix titres du compact, on découvre une poignée d’influences résolument old school. Comme ces sonorités lourdes, musclées, coulées dans le béton à la Beastie Boys, période Check Your Head. Puis, il y a quelque chose de Zack de la Rocha (Rage Against The Machine) dans la livraison mordante, urgente de Brousseau. « Je voulais faire quelque chose de vraiment heavy. J’écoute beaucoup de musique punk, du Nirvana. J’avais trouvé le dernier disque de Gatineau (Karaoke King) vraiment mou. Je ne m’étais pas retrouvé là-dedans. Le public non plus. En show, c’était pénible. Je suis une bête de scène et en spectacle, je ne pouvais pas exploser comme avant. Je voulais arriver avec un produit dur, comme si Gros Mené avait produit un album de rap, » révèle Brousseau.

«J’attends l’arrivée d’un autre Kurt Cobain pour changer la donne. On est mûr pour une nouvelle révolution musicale. »

Alors qu’il ne se gênait aucunement pour donner de nombreuses directives aux membres de Gatineau, Éric a voulu procurer davantage de liberté à ses complices de Cargo Culte. « Au début du projet, je souhaitais que la batterie et la basse sonnent précisément comme ce que j’avais en tête, puis je n’ai plus rien dit. J’ai laissé les musiciens aller. En studio, on a décidé de tout enregistrer, du matin au soir, et tout a pas mal été improvisé. Je suis arrivé avec des bouts de textes et les gars se sont mis à jammer. Le soir, on bounçait une toune et c’est ce qui se retrouvait sur le disque. » McMahon renchérit : « J-F et moi avions aussi des beats dans nos tiroirs. Des vieux trucs qu’on avait faits sur nos laptops au fil des ans. On s’est aussi servi de ça. »

Livrés avec aplomb dans la langue de Félix Leclerc, les textes parfois acides, toujours rentre-dedans de Brousseau peuvent parfois évoquer ceux d’un certain Biz (Loco Locass). Largement inspiré par Dharma Punx, un bouquin de Noah Levine, Éric estime retrouver un aspect profondément spirituel sur l’album du trio. « Les gens vont rapprocher notre son à celui des Beastie Boys ou d’autres groupes, mais c’est vraiment plus profond que ça. J’observe beaucoup autour de moi. J’aime écrire sur les relations amoureuses et sexuelles. “Le chien de madame” et “Champs de bataille” sont des chansons inspirées de relations très heavy que j’ai eu à vivre. Ce que je raconte est souvent personnel, mais il y a des pièces comme “L’enfer, c’est les autres” qui parlent… des autres! Je me suis souvent retrouvé seul pour les textes. Personne n’avait osé me critiquer. Pour ce projet, Alex m’a donné énormément d’input. Il m’a beaucoup aidé en ce qui concerne la direction qu’ils devaient prendre, » soutient-il.

Évoluant au sein de la sphère musicale depuis de nombreuses années, tous les membres de Cargo Culte gagnent leur vie grâce à leurs talents respectifs. DJ deux soirs par semaine, Éric enseigne aussi le rap dans un centre jeunesse et passe du temps à la maison à créer des rythmes. Les deux autres membres allient leurs fonctions de musicien et de réalisateur et collaborent avec une multitude d’artistes. Selon Lemieux, la clé pour survivre est de multiplier les projets. « Tout de même, ça me fait peur parce que je n’ai fait que de la musique dans ma vie. Ça va bientôt faire 30 ans. Je regarde comment va l’industrie et il y a quelque chose d’angoissant là-dedans. Beaucoup de bonnes choses se font, mais il n’y a plus de place pour tout le monde. Puis, le budget pour produire des albums diminue. Je travaille encore beaucoup, mais je fais moins d’argent qu’avant. Ce qui me stimule est de faire des projets personnels comme Cargo Culte. »

Prochainement, la bande souhaite présenter un spectacle différent par mois en résidence dans une salle montréalaise (inconnue pour l’instant). Puis, c’est le retour en studio avec des invités pour le prochain album de Cargo Culte que les comparses souhaitent « plus ouvert. » Brousseau explique : « J’aimerais que ça ressemble à la gang de Bran Van 3000. Quelque chose que je vais avoir envie d’écouter encore et encore. Aujourd’hui, les seuls disques que je réécoute, ce sont les vieux Sonic Youth, A Tribe Called Quest. On dirait que tout est formaté de nos jours. Tout le monde sonne pareil et est interchangeable. J’attends l’arrivée d’un autre Kurt Cobain pour changer la donne mais on dirait que ce n’est pas prêt de revenir. On est mûr pour une nouvelle révolution musicale. » Et si cette révolution se nommait Cargo Culte?



Paroles & Musique : Parlez-nous des débuts et de l’évolution d’Intermède Music jusqu’ici ?
Françoise Morin : C’est pour répondre à un besoin non comblé dans le milieu de l’édition musicale au Québec que Christopher J. Reed fonde en 1973 Les Éditions Intermède. Ayant pour mission de respecter et de faire respecter les droits autant financiers que moraux des artistes représentés, l’entreprise a rapidement acquis une excellente réputation et au fil des ans, de nombreux artistes, dont Gilles Vigneault, Robert Charlebois, Jean-Pierre Ferland, Diane Tell, Sylvain Lelièvre et Jim Corcoran, ont fait appel à ses services pour gérer leurs catalogues.

En 1980, Christopher J. Reed fonde Intermède Média spécialisée dans la gestion de musique de production conçue pour les professionnels de la communication travaillant pour le cinéma, la publicité, la vidéo, la télévision, la radio et le multimédia. Un service de consultation musicale est également offert aux producteurs. À titre de consultant musical, Intermède PikMusik met à la disposition de sa clientèle des services de recherche et de sélection musicale et lui fournit les pièces appropriées à ses besoins. De plus, l’entreprise garantit l’émission de licences de synchronisation dûment autorisées et nécessaires aux producteurs pour la vente de leurs émissions.

En 1986, Intermède Communications est fondée, regroupant toutes les maisons d’édition d’Intermède et gérant les œuvres des catalogues acquis au fil des ans. Elle réalise et produit des disques de musique instrumentale qui ne sont pas vendus au détail mais destinés exclusivement aux producteurs audiovisuels et en assure la diffusion internationale.

Où voyez-vous la maison d’édition se diriger avec le décès de son fondateur Christopher, irez-vous vers plus d’éditions originales, de sous-éditions, etc.?
Nous mettons actuellement en application les décisions que Christopher avait prises avant son départ, tout en continuant de véhiculer les valeurs qui étaient les siennes. L’accent est mis sur la production d’œuvres originales créées par des compositeurs canadiens, en diversifiant les genres et les styles musicaux. Nous comptons continuer à développer notre présence sur le plan international. Notre catalogue étant distribué à travers le monde, nous avons déjà pu constater que c’était un excellent moyen de faire rayonner le talent et le travail des musiciens canadiens.

« Je pense que l’édition musicale aura toujours sa place. »

Nous demeurons toujours actifs à titre de sous-éditeur au Canada et avons signé des ententes avec de nouvelles librairies afin de garantir aux utilisateurs l’accès à un très vaste choix de musique de qualité produite sur tous les continents.

Vos projets à court et moyen terme pour la maison d’édition et pour ses auteurs? Êtes-vous en mode signature de nouveaux auteurs, par exemple?
Toujours dans le but que les compositeurs canadiens soient plus présents autant ici qu’ailleurs dans le monde, nous mettons nos efforts à la recherche et à la découverte de nouveaux talents pour nos nouvelles productions. Nous sommes également en négociations avec des sous-éditeurs sur certains territoires que nous ne couvrons pas, toujours dans le but de faire connaitre les talents de nos artistes.

Nous avons également un nouveau défi : faire tout notre possible pour que la musique retrouve sa vraie valeur. Il est très important que les compositeurs soient conscients qu’il n’est pas dans leur intérêt, ni dans celui de toute l’industrie, de donner leur musique pour rien. Cela peut leur sembler profitable à court terme mais ça ne le sera pas à long terme. Il y a un grand travail à faire dans ce sens là.

Parlez-nous du répertoire que vous représentez, comment vous le développez et l’exploitez ici et à l’international
Nous nous adaptons bien sûr aux développements technologiques et profitons des avantages du numérique, en particulier d’Internet qui permet aux utilisateurs d’avoir accès à notre répertoire en tout temps. Depuis quelques années déjà, notre catalogue est disponible en ligne sur notre moteur de recherche et de téléchargement www.intermedeone.com pour la clientèle nationale. Nous en contrôlons l’accès et pouvons faire le suivi aisément grâce à un back office particulièrement performant et adapté à nos besoins. Je précise qu’il s’agit d’un système canadien que nous sommes très fiers de promouvoir auprès de nos collègues nationaux et internationaux.

D’autre part, nous travaillons en étroite collaboration avec les sous-éditeurs qui nous représentent dans de nombreux pays et continuons à élargir notre rayonnement. Nous avons des liens qui ont été créés à l’origine d’Intermède et qui sont toujours en vigueur. Ces éditeurs ont un grand respect pour les compositeurs et ils sont très conscients de la réalité qu’ils vivent.

Quel avenir voyez-vous pour l’édition musicale au regard des changements technologiques actuels?
Je pense que l’édition musicale aura toujours sa place et que nous ne devons absolument pas perdre de vue le but que nous avons : promouvoir les auteurs et les compositeurs ainsi que défendre et faire respecter leurs droits. Il y a déjà beaucoup de travail de fait, entre autres, pour que des redevances soient versées aux créateurs dont le travail est diffusé sur Internet, que ce soit par les sociétés de gestion collective ou par les associations de producteurs et d’éditeurs de musique, sans oublier de souligner le très beau travail effectué par l’APEM, dont nous sommes membre. On commence à voir tranquillement des résultats, mais il y a encore beaucoup à faire, surtout qu’Internet est un médium qui, semble-t-il, pourrait supplanter la télévision.

Nos compositeurs ont également, à mon avis, un rôle important à jouer. Nous devons travailler tous ensemble pour que la relève musicale sache quels sont ses droits. Nous sommes là pour les faire respecter et soutenir les compositeurs. Je suis persuadée qu’avec un peu de patience et de travail tout va rentrer dans l’ordre et que la musique de qualité va pouvoir retrouver sa place et ses lettres de noblesse.