Depuis 20 ans, Ebonnie Rowe de Phim Phat Entertainment Group investit son temps et son énergie –et parfois même, de l’argent– dans Honey Jam, une vitrine musicale annuelle multiculturelle et multigenre conçue pour encourager et promouvoir le talent au féminin. Mais l’autoproclamée « reine des abeilles » de Honey Jam admet qu’elle pensait que son premier événement en 1995 serait une initiative unique et ne connaitrait pas d’autres éditions.

« Ça a vraiment débuté par hasard » dit-elle en repensant aux tout débuts de cet événement qui a lancé la carrière de centaines de femmes artistes, dont Nelly Furtado, Jully Black, Divine Brown et Kellylee Evans. À l’époque, Rowe gérait un programme de mentorat pour les jeunes à risque à Toronto. Le langage et l’attitude misogyne de ses jeunes protégés, influencés par la culture hip hop et les succès rap du moment, la troublent.  « Ces chansons n’existaient pas en version ‘propre’. Les jeunes répétaient tout simplement ce qu’il y entendaient » se rappelle-t-elle.

« Les gens avaient vraiment l’air d’aimer ça et me demandaient sans arrêt quand aurait lieu la prochaine édition. »

Réellement concernée, Rowe en parle à un DJ local qui l’invite alors à produire une émission de radio qui brosse la façon dont les femmes sont présentées dans la musique hip hop. Suite à la diffusion de cette émission spéciale, le rédacteur en chef du défunt magazine hip hop Mic Check l’invite à diriger un numéro 100% féminin. Sa soirée de lancement est baptisée « Honey Jam ». On retrouve notamment à l’affiche des DJ et MC féminins.

Même si Rowe retourne volontiers à son emploi régulier suite à l’événement, le succès de ce dernier ne la laisse pas indifférente. « Tout ce que j’avais fait, c’était de signaler quelque chose qui me dérangeait » dit-elle, « mais les gens avaient vraiment l’air d’aimer ça et me demandaient sans arrêt quand aurait lieu la prochaine édition ». Bien que sans formation adéquate ou expérience dans l’industrie de la musique, Rowe décide que l’opportunité mérite d’être saisie.

Plus de 100 musiciennes, dans des genres allant du jazz au gospel en passant par le rock et la pop, auditionnent désormais chaque année pour une des 15 à 20 places disponibles à l’affiche de la vitrine annuelle Honey Jam. Rowe insiste sur le fait que pour les jeunes femmes (âgées généralement de 17 à 24 ans) qui passent ce cap, l’aspect compétition devient chose du passée. Elles prennent alors part à une série d’ateliers et autres activités de développement dédiées à différents aspects de l’industrie pendant la préparation de leur concert estival. « Les filles créent de véritables liens » précise-t-elle, « ça me fait chaud au cœur ».

À l’aube du 20e anniversaire de Honey Jam, Rowe admet que, même si la vitrine est devenue un incontournable pour les jeunes talents en quête de gloire, le financement demeure le défi principal dans les efforts qu’elle déploie pour pérenniser l’événement. Avec le recul, Rowe constate que c’est le succès des anciennes qui donne son sens à tout le travail accompli. « Je brûle la chandelle par les deux bouts depuis bien longtemps mais j’ai le sentiment du devoir accompli et tout cela me comble » confie-t-elle. « C’est vraiment pour cela que je continue ».