Vous le connaissez sûrement, peut-être sans le savoir, car il ne fait aucun doute que vous avez entendu à la radio l’une des nombreuses chansons qu’il a écrites. En effet, depuis dix ans, Frédérick Baron est l’un des paroliers les plus en vue du monde musical québécois. La liste des artistes avec qui il a collaboré est longue et impressionnante : Marie-Élaine Thibert, Annie Villeneuve, Bruno Pelletier, Marc Hervieux, Mario Pelchat, Renée Martel ont chanté ses mots… Même Céline Dion a fait appel à ses services pour écrire en tandem « Entre deux mondes », interprétée par Marc Dupré.

Après avoir travaillé dans l’ombre, l’homme de 37 ans vise maintenant à se faire un nom comme interprète avec un deuxième album pop-électro, Humeurs variables, coréalisé par Jérôme Minière et Lucie Cauchon. Un disque beaucoup plus personnel que Territoires Nord, son premier album conceptuel sorti il y a quatre ans. Cette fois-ci, Baron utilise sa plume à la fois poétique, percutante et incisive pour se révéler plus intimement. Il parle d’événements malheureux de sa jeunesse (« Maux-Dits »), fait preuve d’une étonnante autodérision (« Des Goûts de luxe ») et avoue carrément sa peur de vieillir (« Sois jeune et tais-toi »).

Il n’est cependant pas facile de passer de l’autre côté du miroir. Frédérick Baron affirme que son travail de parolier prend beaucoup de place, qu’il est ardu de se débarrasser de cette étiquette. « On peut avoir du mal à faire le lien entre cet album pop-électro et ce que j’écris comme parolier. Des fois, mon métier de parolier me fruste, il fait un peu d’ombre à ma carrière d’interprète. Mais en même temps, il m’aide aussi. C’est une lame à double tranchant, » confie-t-il.

Le parolier ne pouvait-il pas simplement offrir des textes plus personnels à d’autres interprètes sans avoir à prendre le devant de la scène? Baron avoue qu’il ressentait le besoin d’écrire pour lui-même après toutes ces années à le faire pour les autres. « Les premières années, je trouvais ça confortable de connaître du succès à travers les autres. J’avais une certaine assurance, j’avais une machine derrière moi, surtout lorsque tu écris pour Star Académie ou Mario Pelchat. Un moment donné, je me suis dit que c’était une pensée ajustée, que ce n’était pas le fond de moi. »

« Des fois, mon métier de parolier me fruste, il fait un peu d’ombre à ma carrière d’interprète. Mais en même temps, il m’aide aussi. C’est une lame à double tranchant, »

Frédérick Baron ne s’efface pas totalement lorsqu’il crée pour les autres, il se permet souvent de proposer des textes plus poétiques à certains interprètes. Par exemple, il a convaincu Bruno Pelletier de chanter « Après toi le déluge », où il raconte une rupture qu’il a vécue. L’interprète du « Temps des cathédrales » a même confié qu’il s’agissait de l’une de ses œuvres préférées. « Bruno Pelletier chante ma séparation, et c’est très douloureux, cette chanson, souligne le parolier. Ça me touche encore plus que ce soit un autre artiste qui l’interprète. Avec Bruno, la portée est plus grande. »

Il faut dire que Frédérick Baron est devenu parolier par accident. Arrivé au Québec en 1997, il espérait se faire connaître comme interprète. Le hasard en a voulu autrement. Vincenzo Thoma, qui a épaulé Roch Voisine et Lara Fabian, tombe sous le charme de sa plume, et lui offre d’écrire pour le premier album d’Ima. De fil en aiguille, la carrière de Frédérick Baron était lancée. « Tout a déboulé, et dix ans plus tard, j’ai travaillé sur 50 albums et rencontré plein de monde, affirme-t-il. C’est un bel accident de parcours. »

Même s’il a écrit pour les plus grands, Baron reste étonnamment humble et se perçoit toujours comme un « imposteur ». Mais aujourd’hui, avec l’expérience qu’il possède, il peut se permettre de choisir ses projets. Il se voit d’ailleurs comme un couturier possédant son propre style, qui modèle ses créations sur le corps de ses mannequins.

Pour célébrer ses dix ans de carrière, il a réuni en novembre à Montréal quelques-uns de ses amis pour interpréter ses textes en plus des pièces de son dernier disque. Un grand événement sous le signe de la fête, où il a choisi des artistes aux styles totalement différents. Il est plutôt rare de croiser Ima, Catherine Major, Bruno Pelletier, Mario Pelchat et Alexandre Désilets sur la même scène. Une façon, selon lui, de mieux faire connaître le métier de parolier au grand public.

Frédérick Baron n’est visiblement pas à court de projets pour les prochains mois. Il espère monter sur scène pour présenter Humeurs variables dans quelques villes du Québec. Il planche aussi depuis deux ans sur un mystérieux projet de série télévisée, qui lui permet d’ajouter une autre corde à son arc. Après avoir travaillé avec Céline Dion, que peut-on lui souhaiter? Le parolier aimerait bien croiser le chemin de Laurence Jalbert ou de Pierre Lapointe. Le message est lancé!