Enfants chéris du village de Saint-Élie-de-Caxton, Nicolas et Fred Pellerin roulent leur bosse dans l’industrie musicale depuis déjà plusieurs années. Violoniste, le premier a fait paraître en novembre un deuxième album avec ses comparses Simon Lepage et Simon Marion des Grands Hurleurs, Petits grains d’or. Le second, en plus d’avoir lancé deux disques de chansons (Silence, C’est un monde, les deux contenant plusieurs de ses œuvres originales) s’est imposé comme talentueux conteur en maniant la langue française avec finesse et doigté. Derrière lui, quatre spectacles qui prouvent hors de tout doute que les contes ne sont pas réservés qu’aux enfants : Dans mon village, il y a Belle Lurette (2001), Il faut prendre le taureau par les contes (2003), Comme une odeur de muscles (2005) et L’arracheuse de temps (2008).

Si les frangins se découvrent un intérêt pour la musique en bas âge, autour du piano familial, ce n’est que des années plus tard que le tout se cristallise : Nicolas apprend le violon à 19 ans et Fred écrit sa première chanson au début de la vingtaine. C’est en 2005 que le tandem monte ensemble sur scène pour la première fois. Lors du Gala Excellence La Presse, les Caxtoniens interprètent « J’ai planté un chêne » de Gilles Vigneault. Fort de cette expérience, le tandem enregistre Fred et Nicolas Pellerin (2007) où il explore librement la musique trad québécoise en y infusant des arrangements simples et épurés. Depuis, on a pu entendre Fred sur le premier album de Nicolas Pellerin et les Grands Hurleurs (2009), mais les deux hommes semblent souhaiter poursuivre leur chemin de manière indépendante. Fred explique : « Parfois, il m’arrive d’écouter une pièce et de me dire : ce serait bien de la faire tous les deux ! Mais lorsqu’on travaille ensemble, c’est davantage le fruit du hasard. Même si on se voit beaucoup, je ne considère pas qu’on a une vie professionnelle parallèle. Tout de même, on se complète bien : il possède un talent davantage musical, tandis que moi, je zigone davantage sur les mots et la poésie. Je ne possède pas la même discipline que lui pour la construction de chansons. » De son côté, Nicolas croit fermement qu’il retravaillera avec son frère. « On n’a pas de deadline. Pas de pression. On n’attend pas après ça. C’est plus quand ça va nous tenter, » avance le musicien de 32 ans.

À l’ère de Bandcamp et de la diffusion de nouveaux talents sur le Web, l’avenir de l’industrie de la musique a pris un important virage depuis quelques années. Des chambardements qui inquiètent Fred : « Et pas uniquement comme vendeur de musique, mais aussi comme consommateur. On veut que des artistes comme Richard Desjardins produisent d’autres disques, mais il faut être inventif de nos jours. L’industrie, en partant du cinéma et se dirigeant vers la musique, doit repenser à sa manière de faire et de vendre son produit. » Nicolas poursuit : « Il faut arriver avec de nouveaux moyens de produire de la musique sans que ça nous coûte les yeux de la tête. Plusieurs artistes y vont de nouvelles stratégies. Puis, il faut vendre des shows, mais on parle à des diffuseurs de spectacles qui nous disent que les salles ne se remplissent plus comme avant. C’est difficile. »

« Il faut arriver avec de nouveaux moyens de produire de la musique sans que ça nous coûte les yeux de la tête. Plusieurs artistes y vont de nouvelles stratégies. Puis, il faut vendre des shows, mais on parle à des diffuseurs de spectacles qui nous disent que les salles ne se remplissent plus comme avant. C’est difficile. »

Poussé à participer à de nombreux festivals étrangers (Allemagne, Barcelone, etc.), ce dernier insiste sur l’importance d’exporter son art pour un artisan de musique traditionnelle au Québec. « Il est nécessaire d’aller voir ailleurs et de jouer le plus souvent possible, mais c’est trippant ! Et puis, après les spectacles, les gens achètent beaucoup de disques. En une fin de semaine, on peut en vendre 500 copies, » précise-t-il. Son frère aîné renchérit : « Ici, si tu dis que tu joues des reels au violon, tu passes pour un musicien de cabane à sucre. Ailleurs, la musique traditionnelle et folklorique québécoise s’inscrit dans la lignée des musiques du monde. Plusieurs groupes d’ici s’approprient ce style et parviennent à produire quelque chose de très original. »

Alors que Nicolas s’apprête à livrer ses chansons trad un peu partout au Québec, il laisse entrevoir la possibilité d’une escale à Barcelone (la troisième pour son groupe). Quant à Fred, il cumule les projets : le film Ésimésac de Luc Picard (présentement en montage, dans les salles au mois de novembre), un making of ainsi qu’un documentaire. Avant toute chose, il y a son prochain spectacle de contes intitulé De peigne et de misère. Les yeux pétillants, Fred raconte : « J’attaque le prochain show ! Je fais de la recherche, et bientôt, je vais tomber en mode rodage. Bâtir un spectacle, ça me prend six mois parce que je ne travaille jamais à partir de textes complets, mais plutôt des structures. Je me pète la gueule devant des petits publics. J’essaierai des choses, j’expérimenterai puis je reprends la route en septembre. Des shows de musique? Pas de temps pour ça ! » Pour l’instant. N’oublions pas que Fred a déjà des chansons en réserve dans son dossier « album solo No 3 »