Membres de la SOCAN ! Vous êtes-vous déjà demandé qui prend les décisions qui peuvent influencer le cours de votre carrière ? Dans cette série d’articles intitulée Décideurs/Décideuses, le magazine en ligne de la SOCAN vous présente des entrevues avec certains de ces décideurs/décideuses afin de découvrir ce qui les fait courir.

« Je ne peux gérer que des artistes qui touchent mon âme ». C’est écrit tel quel sur le site web de Comme C’est Beau, la petite entreprise culturelle d’Emmanuelle Girard fondée au mois de mars 2019.

À peine arrivée pour l’entrevue dans son café préféré de la Petite-Italie, elle affirme tout de go : « je connais mes limites personnelles comme humain, et là, je suis ‘’topée’’ à mon max avec les trois filles. Je crois au polissement du joyau ».

Elle ajoute : « je sais que j’ai une personnalité intense et que je fais les choses à fond comme lorsque j’étais encore athlète. Je ne suis pas une mélomane, je n’aime pas tant que ça aller voir des shows. J’écoute Chilly Gonzales en boucle, un peu de jazz et blues le soir, c’est tout ».

Emmanuelle Girard, Alexandra Streliski C’était avant la pandémie. Elle préparait son voyage à Saskatoon avec Alexandra Stréliski (grâce à son disque Inscape sur le label montréalais Secret City Records) pour le gala canadien des Junos. Trois nominations, un duo en direct avec Dallas Green (City and Color), ça regardait drôlement bien pour la pianiste néo-classique qui venait de rafler trois Félix. On a refait le point récemment.

« Les plus créatifs vont s’en sortir, faut être flexible. Je n’ai pas eu de dates d’annulés pour l’instant, mais je travaille autant qu’avant, il faut toujours mettre dans la balance le bien-être de l’artiste. Mais j’ai ‘’freaké’’ au début. Nous étions déjà sur place depuis quelques jours pour préparer son numéro. On avait choisi ensemble son kit de tapis rouge, celui de scène… La plus grande qualité pour quelqu’un qui travaille en musique c’est l’adaptation ».

« Quand l’artiste a du succès, ensuite c’est gérer la demande. Dans le cas d’Alex, on reçoit beaucoup de demandes de gratuité, de fondations, d’écoles ou de jeunes qui font des vidéos sur YouTube et demandent une licence pour utiliser sa musique. On en donne beaucoup ».

Emmanuelle Girard, Maude Audet« Dans le cas de Beyries, on devait sortir son deuxième album au printemps, mais elle n’était pas prête alors on a tout décalé ». Qu’à cela ne tienne, le développement à l’international est bien amorcé avec Stréliski et Beyries.

« Beyries (en licence chez Bonsound) a obtenu plus de 12 millions d’écoutes sur Spotify pour sa chanson The Pursuit of Happiness qui a connu beaucoup de succès en Turquie; elle a joué dans une salle de 150 personnes à Istanbul qui connaissaient par cœur la chanson !  Et la synchro, ce marché indispensable aux éditeurs de musique ? « C’est ça qui l’a mis sur la carte. Elle a fait une reprise en 2016 de la chanson de Paul Daraîche, Je pars à l’autre bout du monde et ça s’est retrouvé dans Unité 9 ! ».

Maude Audet, qui a fait paraître Tu ne mourras pas (Grosse boîte) en février dernier est, selon Girard, très ‘’France-années 70, Francoise Hardy,’’ dans sa facture musicale. « Mon travail est avec elle est vraiment différent, c’est un projet entièrement francophone. On se fait des meetings et elle m’envoie par la suite un recap de notre conversation ! »

Avant de lancer la carrière de Beyries en 2015, elle a entre autres travaillé pour le Canadien de Montréal pour finalement aboutir chez Cossette, la prestigieuse boîte de publicité. « Être conseillère en gestion entre le client et les créatifs, c’est exactement ce que je fais en ce moment ».

Emmanuelle Girard, BeyriesAncienne joueuse de handball avec l’équipe canadienne, Girard, 40 ans, a mis fin à sa carrière d’athlète d’élite à l’âge de 28 ans. Prise sous son aile par Sonia Cesaratto (à l’époque relationniste de presse chez Universal France), puis par Brigitte Matte (Anacrouse) qui gérait les musiciens Yann Perrau, Michel Rivard et Catherine Major, elle a fait ses classes dans deux excellentes écoles, avec deux femmes chevronnées.

Girard a même demandé à Jacques Primeau d’être son mentor. Primeau, plus occupé que la moyenne des ours (RBO, Tout le monde en parle, Quartier des spectacles, agent d’artiste et maintenant directeur général chez Spectra) a tout de suite vu le potentiel de Girard. Les deux ont formé un partenariat à l’automne 2019.

« Grâce à lui, on a fait une demande de subvention commune à la SODEC parce que mon entreprise est trop jeune pour être éligible à certaines subventions. Il m’aide à chercher des sous. Mais on n’est pas partenaires d’affaires, je suis la seule actionnaire de mon entreprise. Les Productions Jacques K Primeau mettent à disposition son adjointe avec laquelle je parle souvent. Jacques m’aide à me structurer et à grandir ».

« Mon modèle d’affaires, c’est que je voyage avec mes artistes, je vois ce qui se passe sur le terrain, je rencontre les gens, je comprends mieux la business. Je suis une fille de St-Lambert-de-Lévis qui vient d’une famille modeste et je suis fière d’être une ‘’self made woman’’.



En 2011, Brett Emmons était à Halifax pour tenter de lancer sa carrière en musique lorsque son grand frère Jay lui a suggéré de rentrer à la maison, à Kingston, Ontario, pour faire partie de son nouveau groupe. Une fois rentré, Emmons a été très impressionné par ce qu’il a entendu. « Ça faisait un an qu’ils “jammaient” ensemble », se souvient-il en riant, « il y avait place à l’amélioration, mais je sentais qu’ils avaient un petit quelque chose. »

Les années ont passé et The Glorious Sons a depuis trôné au sommet des palmarès canadiens et américains. Ils ont acquis une armée de fans dévoués, donné des concerts majeurs, dont notamment la première partie des Rolling Stones ainsi que de Twenty-One Pilots dans le cadre d’une tournée américaine en compagnie de The Struts. Leur deuxième album, Young Beauties and Fools, a remporté le JUNO de l’album rock de l’année en 2018, tandis que leur troisième, A War On Everything, a été inclus à la liste des meilleurs albums de 2019 par Classic Rock UK. Le groupe a célébré le lancement de cet album avec un concert de deux heures trente minutes devant 14 000 fans à Kingston.

Pour la majorité de ces fans, ce sont les paroles venant du fond du cœur de Brett Emmons qui les touchent le plus. « J’essaie toujours d’écrire sur des sujets que je connais », explique-t-il. « Nous sommes tous connectés en tant qu’êtres humains et que tu vives dans une villa sur la montagne ou dans un quartier qui n’est pas sécuritaire, tout est dans tout. Je ne crois pas que quiconque est à l’abri des choses dont je parle dans mes chansons : dépendance, anxiété, dépression, problèmes d’argent. »

Bien qu’il est attiré par l’écriture de chansons depuis sa jeunesse, Emmons affirme que ce sont des artistes comme Jackson Browne, Bruce Springsteen et The Killers, entre autres, qui lui ont appris le pouvoir d’une histoire racontée en chanson. « J’avais 15 ou 16 ans quand mon monde a chaviré après que j’ai réalisé toutes les facettes que le rock n’ roll peut avoir. J’ai compris qu’il y avait tout un monde au-delà de Led Zeppelin et AC/DC. Il y a autre chose que les “power chords” et les chansons agressives. Le rock peut aussi raconter des histoires touchantes avec une guitare acoustique. »

« Il y a cinq créateurs dans notre groupe » — Brett Emmons de Glorious Sons

Il a ensuite entrepris d’expérimenter avec ses propres mélodies en inversant les accords que son professeur de guitare lui apprenait afin d’en faire des chansons originales. « C’était une immense phase cérébrale de ma vie et je crois qu’elle ne s’est jamais arrêtée. »

Emmons, qui est également le chanteur très dynamique et spectaculaire du groupe, écrit la majorité des chansons — couplets, refrain, accords — et présente ensuite ses idées à ses collègues — Chris Koster, Adam Paquette, Chris Huot et son frère Jay — pour avoir leur opinion.

Les simples des Sons : No.1 et 2 sur les radios rock canadiennes

  • « Kingdom in my Heart »
  • « Panic Attack »
  • « S.O.S. (Sawed Off Shotgun) »
  • « Josie »
  • « Everything Is Alright »

« Nous sommes cinq créateurs dans le groupe » s’empresse d’ajouter Emmons. « Souvent, je vais arriver avec un thème ou une mélodie et un seul petit changement par un autre membre du groupe donne une tout autre direction. » Il souligne par ailleurs qu’aucun membre du groupe ne se cantonne à écrire uniquement pour son instrument. « Les membres d’un groupe sont plus que l’instrument dont ils jouent », dit-il. « C’est un facteur important pour nous pendant notre processus de création. »

Quand leur tournée nord-américaine de 80 spectacles a été annulée en raison de la COVID-19, Emmons a vu cela comme une opportunité de prendre une pause pour se reposer et se concentrer sur l’écriture. « J’adore m’asseoir et jouer de la guitare, prendre une bière ou un café et écrire des chansons », dit-il en riant.

Emmons est sûr qu’il tient déjà assez de matériel pour un album et qu’il en aura probablement encore plus d’ici à ce que les Glorious Sons puissent de nouveau remplir des stades. Pour l’instant, il est simplement heureux de pouvoir gagner sa vie avec la musique et les opportunités de rencontrer des gens que lui offre cette carrière.

« Être sur scène et voir une foule chanter tes chansons, ça te donne une sacrée chair de poule, il n’y a aucun doute », conclut-il.



Aucun doute, Steven Lee Olsen est le type à voir le verre à moitié plein. Plutôt que de se laisser emporter par la déception de voir ses spectacles estivaux annulés en raison du coronavirus — spectacles qui lui auraient permis de promouvoir ses quatre nouvelles chansons lancées en mars sur son étiquette SLO Circus —, il a mis son autre chapeau, soit celui d’auteur-compositeur très demandé pour des stars du country.

Joint au téléphone à Nashville, Olsen confie que le confinement a été très bénéfique pour sa créativité. « Toutes mes collaborations se font via Zoom ces derniers temps, et j’ai commencé à écrire pour moi de plus en plus », dit-il. « La majorité des chansons sur lesquelles j’ai travaillé récemment m’ont permis d’aller plus loin, d’écrire des couplets complets et de commencer à bâtir la chanson dans mon studio. Au lieu de simplement présenter un titre ou une idée, je peux présenter un couplet ou une ébauche et de dire “voici de quoi ça pourrait avoir l’air”. Les interprètes aiment ça. »

C’est en 2004, qu’Olsen a quitté Newmarket, en Ontario, pour s’installer à Nashville, mais c’est véritablement en 2017 qu’il a finalement été admis dans le cercle des meilleurs auteurs-compositeurs de Nashville. Il a coécrit le succès No.1 de Kip Moore « More Girls Like You », mais la pièce qui l’a vraiment mis sa carrière en mode turbo est l’album double-platine de Keith Urban « Blue Ain’t Your Color ». Elle a été nommée Chanson de l’année par la NSAI et simple de l’année aux CMA en plus de recevoir deux nominations aux Grammys. Et c’est sans parler des 274 millions de visionnements de la chanson sur YouTube.

« Le titre m’est venu en plein milieu de la nuit », se souvient Olsen. « Je me suis réveillé pendant une trentaine de secondes et il m’est apparu en tête, alors je l’ai écrit. Quand la créativité s’empare de vous, il faut s’emparer d’elle. Je crois que j’ai habituellement une fenêtre de 20 minutes pour vraiment saisir une idée, un concept, un “beat’ de batterie, un ‘riff’ de guitare ou des paroles qui me viennent en tête. Si tu ne surfes pas sur cette vague, tu vas la rater. »

Cette chanson qui allait changer sa vie devait initialement figurer sur son premier album sur un « major ». Columbia Nashville l’a mis sous contrat en 2014, mais des changements à la maison de disques ont vu l’album sur lequel il travaillait depuis un an tabletté. « “Blue’ aurait sans doute été mon prochain simple », confie Olsen. « Ça m’a brisé le cœur, mais en fin de compte, c’est une des meilleures choses qui me soit arrivée, puisque ça m’a permis de la proposer à Keith. Tout le monde savait que c’était une bombe, mais ça n’a quand même pas été facile de la laisser aller. »

« Si tu ne surfes pas sur cette vague, tu vas la rater »

Le prix de la NSAI qu’il a reçu représente beaucoup pour lui. « Recevoir ce prix de tes pairs quand t’es un auteur-compositeur, il n’y a pas de meilleure sensation », dit-il.

Outre ces deux succès aux palmarès américains, Olsen a également coécrit « Drop », le « hit » certifié platine de Dallas Smith, ainsi que des chansons pour Garth Brooks, Billy Currington, Rascal Flatts, The Judds, Emerson Drive, Craig Morgan, Melissa Lawson, et d’autres. 

La nature fondamentalement optimiste d’Olsen lui a donné le courage de s’établir à Nashville pour y poursuivre son rêve alors qu’il n’avait que 19 ans. « Tous mes amis étaient à l’université, mais moi je ne pensais qu’à la musique », se souvient-il. J’étais si jeune et je ne réalisais pas que je pouvais échouer, et ça me semblait une aventure très emballante. Je n’avais aucun plan B. »

Steven et la SOCAN

Prix No. 1 SOCAN
* « Drop » — interprétée par Dallas Smith — palmarès Nielsen BDS Country — 8 août 2019
* « Blue Ain’t Your Colour » — interprétée par Keith Urban — palmarès Nielsen BDS Country et Billboard Hot Country Songs — 28 nov. 2016 et 19 nov. 2016
* « Raised by a Good Time » — Interprétée par Steven Lee Olsen — palmarès CMT Canada Countdown — 3 avril 2015

Camp de création SOCAN/CCMA
Camp de création SOCAN/CCMA 2020, du 19 au 24 janvier 2020
Olsen raconte : « Je participais au camp en tant qu’interprète. On écrivait tous une chanson pendant la journée puis le soir venu on se réunissait dans cet immense chalet en bois rond pour écouter nos chansons et prendre un verre. C’était génial de voir tout le monde dans sa zone et je me suis fait plusieurs belles amitiés. »

Prix Musique country SOCAN
* « Raised by a Good Time » – 2016
* « Make Hay While The Sun Shines » – 2011

Il a immédiatement signé un contrat d’édition, une coentreprise avec son gérant de l’époque, Ron Kitchener de RGK Entertainment Group et ole, mais ça ne voulait pas dire que tout était rose. « Je ne gagnais même pas assez d’argent pour payer mes assurances automobile, et je me faufilais dans les bureaux de ole après leur fermeture pour y dérober du papier de toilette et des collations », admet-il. « Je n’ai pas connu le succès avant de nombreuses années, mais j’aimais sincèrement ce que je faisais. J’ai dû écrire 1000 chansons pourries avant d’en écrire une bonne. »

« Même avant de commencer à recevoir des chèques de redevances, la SOCAN a joué un rôle crucial pour moi grâce à son programme d’avances qui m’a permis de m’en sortir. C’est une bouée de sauvetage incroyable pour les interprètes et les auteurs-compositeurs ; je suis très fier de pouvoir dire que la SOCAN est mon organisation de droit d’exécution. » (voir encadré)

Olsen a lancé son premier EP en tant qu’artiste solo, Introducing Steven Lee Olsen, en 2009. Deux simples, « Now » et « Make Hay While the Sun Shines » se sont inscrits aux palmarès canadiens, et cette dernière a remporté un prix SOCAN en 2011. Il connaîtra de nouveau le succès en 2014 avec son simple « Raised by a Good Time » qui a été certifié or au Canada. Puis, en 2018, il a signé un nouveau contrat d’édition avec Rhythm House. « Cette compagnie est une coentreprise entre Roc Nation, de Jay-Z, et Warner/Chappell Music », explique-t-il. « Ça me parlait de signer avec eux à cause de la diversité de mon écriture. J’aime écrire des chansons Top 40, pop et rap. »

Après l’avoir presque rencontré une fois, Olsen est impatient de pouvoir un jour enfin rencontrer Jay-Z, mais comme il le dit en riant, « j’imagine que si je finis par lui rapporter assez d’argent, ça finira par arriver ! »

Olsen ne peut pas encore nous dire qui elles sont, mais de grosses vedettes country ont déjà enregistré ou réservé plusieurs autres de ses co-créations. Il y a donc fort à parier que ses chances de rencontrer Jay-Z continueront d’augmenter !