Caféine a fait paraître au printemps New Love, un sixième album sur lequel s’enchaînent une dizaine de brûlots rock bien sentis. À 37 ans, l’artiste originaire de l’Outaouais est devenu un vétéran de la scène punk rock qu’il arpente depuis deux décennies. La fougue et la sincérité des débuts y sont toujours et Xavier s’est trouvé, chemin faisant, de nouveaux complices. Petit bilan d’une épopée rock loin d’être terminée.

Que d’une peine de cœur origine un album et des chansons déchirantes, il n’y a là rien de nouveau sous le soleil. Mais qu’un album issu d’une blessure amoureuse libère une énergie aussi immédiate et contagieuse, c’est plus rare. Aucune lourdeur sur le dernier album de Caféine, plutôt cette tension rock, ces sons de claviers jubilatoires évoquant les Cure, Joy Division et PIL. « En art, c’est la sincérité qui me touche le plus. Alors j’y suis allé à fond : je propose de petits tableaux des émotions qu’on traverse après une rupture amoureuse. Aucune morale ici; je me tiens loin de ça en général! Bien sûr, il y a eu une part d’exorcisme dans ce processus. Tout ça m’a amené à revoir ma conception du sentiment amoureux : l’amour est beaucoup plus grand que ce que je croyais. »

Enregistré à Montréal et mixé à New York en compagnie du tandem Gus Van Go/Werner F (Les Trois Accords, Les Vulgaires Machins, Chinatown), New Love est le sixième album de Caféine. « Gus est lui aussi amoureux de la new wave; ça a cliqué entre nous, on parlait le même langage et on partageait les mêmes références musicales. C’est facile de se rendre à destination quand on pilote de la même façon avec chacun ses forces. »

À l’écoute de chansons comme « Electric », « Lettre d’amour » et « Love Disease », on se dit que même si ce son n’est pas le plus original, que l’oreille est déjà passée par là, Caféine est toujours resté fidèle à lui-même, qu’il a fait l’album qu’il voulait faire et qu’il sait ficeler un refrain qui fait mouche. Ce garçon a du métier, ça s’entend. L’industrie musicale, les changements qu’elle a subis, ses nouveaux paramètres, de quel œil voit-il cela? « Il y a toujours un bon et un mauvais côté à tout changement et la capacité d’adaptation est un signe d’intelligence. D’accord, la musique s’est démocratisée, c’est plus difficile de vendre des albums… Si des gens ont téléchargé mon album gratuitement, qu’ils l’écoutent et l’apprécient, je ne peux pas en être malheureux, surtout s’ils viennent ensuite au spectacle, s’achètent un t-shirt, etc. Il y en a qui s’emploient à glorifier le “bon vieux temps”, c’est eux qui te disent “ah j’ai pas suivi, j’écoute plus de nouvelle musique, j’ai pas le temps”. Quand t’as plus le temps d’écouter de la musique, c’est que t’es rendu vieux, mon ami. »

Trente-sept ans est un âge presque vénérable lorsqu’on est issu de la scène punk. Peut-on parler de maturité ou ce serait contraire à l’esprit rock? « Mes modèles sont restés gamins toute leur vie. Plume, Iggy Pop, David Bowie ou encore Joe Strummer des Clash, mort ado à 50 ans. Je ne souhaite pas mourir à cet âge, mais j’essaie de vivre à fond pour que si jamais la vie m’arrachait à ce monde, je puisse sentir au dernier moment que je suis allé au maximum de ce que je pouvais faire. La vie, à mes yeux, c’est un grand périple dans lequel on fait plein de petits voyages. Il faut sortir de sa ville, de sa zone de confort. C’est pas vrai que la vie c’est d’écouter La guerre des clans à 17h en arrivant sous prétexte qu’il n’y a rien d’autre à faire. Pour moi c’est la mort de l’âme et quand je tombe là-dedans, je m’organise pour en sortir vite. Rendu au bout, je veux pouvoir me dire : “Wow! J’ai presque fait le tour du monde, j’ai fait mes albums, j’ai aimé de tout mon cœur, eu de bons parents… Je veux que le bilan soit solide!” »

Parlant d’aller ailleurs, en lançant un album en anglais, son second depuis l’aventure Poxy en 2004, Xavier ne s’en cache pas, c’est dans le but avoué de faire voyager sa musique et ses souliers. «  Je viens d’Ottawa alors je parle très bien anglais, ce n’est pas difficile pour moi, c’est a walk in the park. Il y a deux chansons en français sur New Love et j’y tenais. J’ose croire que je suis de ceux qui sont capables de faire sonner la musique rock en français comme quelque chose de naturel, qui ne soit pas forcé et je n’ai pas envie de perdre ma place dans le paysage musical québécois. » Caféine a été omniprésent sur les scènes du Québec cet été et le sera tout l’automne. Il nous a donné avec Gisèle, l’un des albums francophones solides du mitan des années 2000. Il ne quitte pas son public franco, au contraire!