En quatre albums, Lynda Thalie a finalement su imposer sa signature musicale métissée de sonorités moyen-orientales et ses mots empreints de liberté et d’égalité. Si le chemin fut parsemé d’embûches, c’est d’abord en elle que cette Algérienne d’origine, débarquée au Québec à 16 ans, a dû puiser pour y arriver. « C’est vraiment l’approfondissement de mes racines dans mes trois premiers albums, Le Sablier, l’album homonyme et La Rose des sables, qui m’a permis de me faire confiance sur le plan de l’écriture pour arriver aujourd’hui à Nomadia, » avoue la jeune femme de 34 ans.

Elle qui avait exploré le solfège et le piano, et participé à des concours et des mini-spectacles scolaires dès son plus jeune âge en Algérie, s’est tout de suite sentie chez elle dans les créations de comédies musicales de sa nouvelle école secondaire québécoise. « La piqure a été assez instantanée, se souvient Lynda. Ensuite, lorsque j’ai visité le Cégep Ahuntsic, à Montréal, il y avait un spectacle dans l’agora, et je me suis tout de suite dit que c’était là que j’allais chanter. Et en participant au concours Cégeps en spectacle, dès ma sortie de scène, j’ai compris que c’était le métier que j’avais envie de faire! »

Lynda Thalie commence alors à écrire et à composer, et remporte le concours Ma première Place des Arts en 2000 dans la catégorie interprète. Elle signe un contrat de disque avec GSI Musique « qui avait quand même dans ses rangs des gens comme Ferland, Vigneault et Daniel Boucher, de grands chansonniers, » raconte-t-elle, encore pleine de reconnaissance pour cette introduction privilégiée dans le monde musical québécois. « On m’a associée à des créateurs avec qui j’allais apprendre mon métier, petit à petit. En 2001, j’ai passé un an et demi, avec Nicolas Maranda, à travailler laborieusement sur mon premier album. Et en même temps, c’était merveilleux de pouvoir tout assimiler ce qui se passait en studio. Depuis, j’ai fait un parcours où je me suis retrouvée à chanter avec Marie Denise Pelletier, Luc De Larochellière, Michel Rivard! Ça m’a impliquée instantanément dans le processus créatif d’auteur-compositeur, et ça m’a donné des trucs pour que je puisse me faire confiance. »

Dotée d’une franchise à toute épreuve, Lynda Thalie ne s’est pas gênée dans le passé pour critiquer le manque d’ouverture des diffuseurs radiophoniques qu’elle considérait conservateurs et fermés aux sonorités « trop exotiques ». Mais aujourd’hui, avec le succès radio indéniable de sa pièce « Dance Your Pain Away (La tête haute) », tirée de Nomadia, force est de constater que les choses ont changé. Qui de l’artiste ou des programmateurs musicaux a évolué ? « Honnêtement, c’est un peu des deux, avoue candidement Lynda Thalie. Depuis que je suis arrivée au Québec, en 2000, j’ai vraiment fait un travail de moine pour expliquer, faire accepter et faire entrer ma proposition musicale dans les oreilles des gens. Je suis allée à leur rencontre et ce sont eux qui ont fait la différence, en faisant grandir un public très fidèle par le bouche-à-oreille. Mais les radios ont aussi fait leur bout de chemin. Quand on voit ce qui se produit dans le monde avec les Beyoncé, les Justin Timberlake, les Shakira et compagnie qui ont tous des sonorités du monde… Moi, quand Sting est arrivé avec Cheb Mami et sa chanson “Desert Rose”, j’ai crié Alléluia! Je me disais que si on n’arrivait pas à faire bouger les choses de l’intérieur du Québec, ça allait arriver par l’extérieur et ils finiraient par l’accepter! Et c’est ce qui est arrivé; les radios ont fini par s’incliner devant le mouvement mondial. »

Pour en revenir à l’écriture, Lynda Thalie avoue avoir parfois besoin de forcer l’inspiration après avoir appris à accepter ses périodes de pages blanches : « Quand ça arrive, je fais l’aspirateur. Je gorge mon esprit de ces images, de ces phrases, de ces trucs qui sont dans l’air, dans les ondes… Je les intercepte et je les stocke dans des tiroirs en moi. Et quand vient le temps d’écrire, je force l’inspiration comme le fait Ferland. Je m’assois et je prends rendez-vous avec elle. Et à ce moment-là, ça déboule! Ça vient de je ne sais où, il faut savoir le saisir. »

Et parfois, comme elle l’a fait avec Yann Perreau, Nicolas Maranda, Carlos Placeres et son complice Louis Côté sur Nomadia, elle préfère créer en communion d’esprits plutôt qu’en solo : « J’aurais pu écrire mon album toute seule. Mais il se passe quelque chose dans cette mise à nu face à un autre créateur. Il y a comme un cordon ombilical d’or qui se tisse et, sans savoir pourquoi, ça crée quelque chose d’inusité qui n’aurait jamais pu exister sans cette collaboration entre deux mondes. Et c’est un bonheur très enrichissant que de créer quelque chose de neuf avec quelqu’un d’autre! »

De plus en plus active dans la francophonie, Lynda Thalie a compris qu’il lui fallait faire prendre de l’expansion à son marché. Et étonnamment, même si on imagine une compétition plus féroce pour les musiques du monde outremer, elle arrive à tirer son épingle du jeu grâce… à ses racines québécoises ! « Ce qui est fabuleux, c’est que peu importe où je suis, on me considère exotique! Quand je me produis au Québec, l’exotisme est évident, mais quand je vais ailleurs, j’imagine que j’emporte un peu de sirop d’érable avec moi parce qu’on me trouve aussi exotique! J’apporte le voyage, où que j’aille, c’est fabuleux! »

(bio)
Longtemps associé à la découverte musicale francophone, Eric Parazelli cumule plus de vingt ans d’expérience dans le domaine des médias traditionnels et en ligne en tant que chef de section musique, journaliste, critique, recherchiste, blogueur, chroniqueur, reporter, réalisateur, directeur musical (pour VOIR, Radio-Canada/BANDEAPART.FM, Sympatico.ca, ARTV et Télé-Québec, entre autres).