On ne sait jamais qui écoute.

Quand le nouveau groupe montréalais Half Moon Run s’est rendu en studio pour enregistrer une piste dans le cadre d’un projet étudiant, il ne se doutait pas qu’il en sortirait avec un contrat de disque. En fait, comme l’explique Dylan Phillips, le souvenir de cette session est un peu flou.

« J’étais tellement malade que j’ai de la difficulté à me rappeler cette journée, » dit le joueur de

« On rencontre des gens qui sont plus intéressés à faire partie d’un groupe qu’à écrire des chansons et à faire de la musique… On ne veut pas devenir comme ça. » – Dylan Phillips de Half Moon Run

batterie et de clavier. « Je me souviens que c’était plutôt excitant. Je me rappelle que peu après, nous avons eu des nouvelles de Kyria [Kilakos, directrice de l’étiquette Indica Records]. Elle enseignait à l’école et notre enregistrement a attiré son attention. Nous n’avions même pas encore donné dix spectacles, et quelques semaines plus tard, nous avions un contrat en main. C’était plutôt exaltant, bien que ç’a été pas mal plus vite que nous l’avions imaginé. »

La chanson était « Full Circle », une pièce folk-rock plutôt hypnotique rehaussée d’harmonies en trois parties par Dylan Phillips, le guitariste Conner Molander et le chanteur Devon Portielje. Tous trois étaient venus à Montréal des quatre coins du pays pour différentes raisons : Molander pour étudier la psychologie à l’Université McGill, Portielje pour un travail dans l’industrie de la musique et Phillips pour une maîtrise en piano classique. Ils se sont rencontrés par le biais d’une annonce sur Craiglist et, exception faite d’un groupe rock éphémère durant le secondaire pour Conner, Half Moon Run était leur première formation.

Ils n’étaient pas pour autant des novices. Portielje a étudié en Arts de l’industrie musicale au Fanshawe College, à London, Ont., ce qui l’a incité à accueillir l’offre initiale d’Indica avec une bonne dose de scepticisme.

« Je voulais faire les choses par moi-même, dit-il. Je voulais déclencher un phénomène viral sur YouTube et être en position de force au moment de parler aux maisons de disques. Une des choses qu’on m’avait enseignées [à Fanshawe], c’est le risque de se faire arnaquer dans un contrat. Mais nous avons demandé à un avocat de jeter un coup d’œil [au contrat d’Indica], d’y apporter quelques modifications, et nous avons conclu l’affaire. »

Après avoir dit à Indica que le groupe pouvait réaliser assez de chansons pour un album complet en deux mois, il a fallu près d’un an pour y parvenir. Dark Eyes a été lancé en mars 2012. Le son est délicat et intime, un mélange de rock indépendant et sensible de style au courant et de psychédélique rétro, avec de subtiles enjolivures électroniques.  Dark Eyes a trouvé sa place sur les tablettes des admirateurs de Radiohead, de Band of Horses et d’autres formations du même genre, et Half Moon Run s’est retrouvé en tournée nord-américaine comme première partie des spectacles de Wintersleep et Metric.

Puis, en octobre dernier, le groupe a reçu un sérieux coup de pouce de Ben Lovett de Mumford & Sons, un groupe qui figure sur les grands palmarès internationaux : celui-ci a déclaré au très influent magazine britannique New Musical Express que Half Moon Run était son nouveau groupe favori et « potentiellement l’une des formations les plus importantes lançant un album cette année. »

Depuis lors, le groupe (qui compte désormais le multi-instrumentiste Isaac Symonds) ne cesse d’attirer l’attention, jouant aux festivals de Glastonbury et de Reading en Angleterre, accompagnant en tournée les formations Mumford et Of Monsters And Men, bénéficiant de mises en onde à la radio de la BBC, et concluant des contrats de mise en marché de Dark Eyes en France, aux États-Unis et au Royaume-Uni.

Entre-temps, les membres de Half Moon Run n’ont pas été en mesure de se consacrer à l’écriture. « C’est bien difficile, dit Phillips. On a quand même des pistes d’idée. On essaie des trucs à la guitare acoustique, on fait des harmonies, puis je mets le tout sur mon ordinateur et j’ajoute des accords dans la camionnette. J’ai utilisé des enregistrements sur iPhone dans Logic. On a tout essayé. Mais on a vraiment besoin de notre studio et d’avoir du temps pour nous. Je ne vois pas comment on pourrait produire une chanson sur la route. »

Pour un nouveau groupe, Half Moon Run a déjà une méthode de création musicale nettement définie. Portielje dit que c’est en partie parce que les membres du groupe ne sont pas d’anciens amis et qu’ils sont depuis le départ centrés sur la production. « C’est comme si on s’était trouvé un nouvel emploi, dit-il. On baisse la tête et on fonce. »

Quand le groupe sera enfin capable de s’installer pour forger la suite de Dark Eyes, ses quatre

« Écrire des chansons, c’est comme si on s’était trouvé un nouvel emploi. On baisse la tête et on fonce. » – Devon Portielje de Half Moon Run

membres continueront d’appliquer les règles qui les ont si bien servis la première fois. Pour Portielje, il faut d’abord composer une mélodie, ensuite des syllabes, puis des paroles. Mais il ne faut pas interroger Phillips au sujet de ses textes. « On ne discute pas de ce que signifie une chanson, dit-il. C’est pourquoi les paroles peuvent parfois être sombres, mais pas la musique. »

Phillips dit surtout que Half Moon Run n’oubliera jamais la raison pour laquelle ses membres se sont réunis et ont chamboulé leurs vies pour cette aventure.

« On rencontre parfois des gens qui sont plus intéressés à faire partie d’un groupe qu’à écrire des chansons et à faire de la musique, dit-il. Il y a des moments où ça nous arrive aussi et où on prend plaisir à être ensemble. Mais on ne veut pas devenir comme ça. La chanson, c’est ce qui compte avant tout. »

Quelques faits
Éditeur : Universal Music Publishing Canada, Indica Records Inc.
Discographie : Dark Eyes (2012)
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