Nouveau venu sur la scène montréalaise, Groenland poursuit sa quête et fait de belles promesses. Difficile de résister à la proposition des musiciens menés par Sabrina Halde, heureuse propriétaire d’une voix agile et déjà assurée. Le sextuor a livré The Chase en avril dernier, un premier album intitulé bien accueilli, qui laisse présager un bel avenir pour le groupe. Petite virée au pays des glaces.

Dès la première écoute, on cède. Il y a ce son connu et familier, pop indie orchestrale teintée d’électro, désormais associé à la ville qui a vu naître Arcade Fire. Le contraste appuyé entre orchestrations amples, soyeuses et une minutie des détails choisis. L’album a été réalisé par Philippe B et Guido Del Fabro, tandem solide, une proposition judicieuse des gens de l’étiquette Bonsound. Autres traces de la « montréalité » du groupe : des titres dans la langue de Cœur de Pirate, d’autres dans celle de Patrick Watson, des chansons livrées en anglais, mais un nom de groupe franco…

Bien sûr on ne peut passer à côté de la voix de Sabrina Halde, qui veut jouer avec nous un peu comme le fait Regina Spektor, une voix jolie et juste, capable de dépasser le charme initial, qui sait déjà s’abandonner sans s’égarer en chemin. Sabrina, parolière attitrée du groupe, a étudié en chant jazz au Cégep Saint-Laurent et complété une mineure en musique numérique à l’Université de Montréal : « Ma voix évoque quelque chose d’assez pop aux oreilles de plusieurs, mais musicalement on va ailleurs, ce qui fait qu’on nous compare aussi à des petits bands indies pointus… »

Au cours de la dernière décennie, on a vu évoluer son complice Jean-Vivier Lévesque (clavier et programmation) au sein du Roi Poisson et du Citoyen. La quête qui donne son titre à l’album, c’est la leur : « Au risque de paraître un peu quétaine, je dirais que c’est un titre qui parle du défi énorme qui consiste à trouver sa place dans le monde de la musique, qui n’est pas un plan de vie facile et évident. Réussir à s’y épanouir, chercher son son, c’est en soi une quête et un accomplissement. »

Avant de trouver ce son justement, les deux complices ont erré un peu. « On avait accroché fort sur The Eraser, l’album solo de Thom Yorke nous a d’abord inspirés. Mais quand on s’est mis à travailler à l’ordinateur, on s’est rendus compte qu’on avait plutôt envie d’y aller à l’instinct, de manière organique, plus impulsive. Quand t’es un jeune groupe, parfois ce dont tu as besoin, c’est d’aller jammer les tounes, pas de passer des heures devant ton ordinateur à essayer de traduire une idée en mots, observe-t-elle. Naturellement on s’est éloignés de notre but premier d’aller vers l’électro – même si on en intègre à notre son – et cela nous a emmenés à vouloir monter un groupe, à nous tourner vers d’autres personnes. » Jonathan Charette (batterie), Simon Gosselin (basse), Gabrielle Girard-Charest (violoncelle) et Fanny C. Laurin (violon) se sont joints aux rangs de la formation. « Trois gars, trois filles, on a la parité!, rigole Sabrina. Je l’apprécie tout particulièrement quand on sort de la ville, pendant les longues heures de transport en tournée… Dans ce temps-là, je suis contente qu’il y ait des filles à bord! »

Le noyau du groupe demeure Sabrina et son complice Jean-Vivier pour la création et la composition des chansons. « Habituellement, quand on compose, une fois rendus aux mélodies, des mots commencent à émerger et c’est là que quelque chose se met en place dans l’écriture des textes. J’avais lu une entrevue avec Justin Vernon (Bon Iver) qui disait qu’avant de se questionner sur le sens des textes, il laissait émerger les mots et jouait un peu avec. On peaufine plus tard. J’aime laisser la mélodie découper la phrase. » Alors qu’elle plonge en profondeur dans les dédales de la chanson à naître, celui qu’elle surnomme « JV » conserve une vision panoramique. C’est ainsi que tout s’articule et que les deux font la paire.

Et le rôle de meneuse du groupe une fois sur scène, comment l’investit-elle? « Dès mes débuts, aussitôt que je suis montée sur les planches, c’est devenu une évidence pour moi : c’est ça que je voulais faire, là que je souhaitais être. Même si je n’avais jamais joué dans un groupe avant. Ça s’est fait progressivement… Bien sûr, c’est stressant au départ, tu sais pas trop dans quoi tu t’embarques, tu te dis “123, à go on se lance!”. On ne peut pas se permettre d’être mous sur une scène, le niveau d’énergie doit être élevé. Mais je savais que la pression venait surtout de moi. On est une gang, on se tient… Je puise une bonne part de mon énergie dans ce sentiment-là. » Énergie communicative!

(bio)
En plus de quelques apparitions à la télé et à la radio, Marie Hélène Poitras écrit sur la musique depuis plusieurs années dans les pages du Voir, Paroles & Musique, Clin d’Œil et Elle Québec. Dans une existence parallèle, elle signe des romans et recueils de nouvelles, traduits en quelques langues (Griffintown, La Mort de Mignonne, Soudain le minotaure et la série jeunesse Rock & Rose). Depuis le début 2011, elle est éditrice à la Zone d’écriture de Radio-Canada.