Le surplace ? Très peu pour Étienne Drapeau. Non seulement le quatrième album du chanteur, Le Monde est beau, est-il l’occasion d’élargir le registre de son écriture, mais parallèlement, il raffine ses talents d’interprète, en plus de plancher sur un livre. Entrevue avec un artiste qui carbure aux défis.

Étienne Drapeau a beaucoup à dire. On devait jaser une vingtaine de minutes, l’entretien a filé près d’une heure… Il faut dire qu’en moins de dix ans, sa carrière professionnelle a bourgeonné de manière impressionnante. Largué par la deuxième cuvée de Star Académie, en 2004, alors qu’il venait à peine d’y entrer, Drapeau n’a pas été long à rebondir. L’une de ses sources de motivation ? Ses détracteurs. « Quand je suis sorti de Star Académie, j’avais envie de faire entendre mon démo à l’équipe de gérance et ils n’ont pas vraiment voulu. […] Je me rappelle aussi être allé le présenter à la compagnie de disques, avec la première chanson qui était “Je l’ai jamais dit à personne” et on m’a dit “ce n’est pas mauvais ce que tu fais Étienne, mais tu n’as pas de hit”. Ç’a été deux grosses claques sur la gueule, comme on dit…»

Drapeau a décidé de s’impliquer dans les moindres facettes de sa carrière, cumulant les chapeaux d’auteur, compositeur, interprète, agent et producteur afin de pondre Je l’ai jamais dit à personne (2006). Puis il a sillonné la province, d’un centre commercial à un autre, question de promouvoir son premier disque à grand renfort de performances gratuites. Plus de 20 000 copies ont trouvé preneurs, si bien que la carrière de celui qui avait longtemps partagé ses intérêts artistiques avec une passion pour le hockey, était véritablement lancée.

Au-delà des chansons d’amour
Qu’il le veuille ou non, il semble que ce soit dans l’adversité qu’Étienne Drapeau progresse. Son récent album Le Monde est beau en est un autre exemple. Il a décidé de s’éloigner un peu des chansons d’amour, devenues sa marque de commerce, pour traiter de l’Afrique et de l’Islam, des médias sociaux ou interpeller les Rivard, Vigneault, Piché, Lévesque et Leclerc à propos du pays. « J’ai eu quatre ou cinq numéros 1 en pop adulte avec des chansons d’amour. J’aime ça, sauf que rendu au quatrième album, je me suis dit que je ne passerais pas ma vie à ne faire que ça. Je voulais montrer que je peux faire autre chose. »

 « Je me suis dit que je ne passerais pas ma vie à ne faire que ça. Je voulais montrer que je peux faire autre chose. »

En abordant des sujets parfois délicats, à teneur sociale ou politique, Drapeau a été confronté au filtre des stations radiophoniques, qui préféraient son répertoire habituel. Il déplore d’ailleurs que les radios aient une telle ascendance sur le matériel des musiciens québécois. « Ça prend une certaine sonorité et si ça sonne pas comme ça, on ne te jouera pas. […] On se fait dire que la mode, c’est Jason Mraz, John Mayer ou James Blunt, mais ce n’est pas notre réalité… On dirait que, comme dans les années 80, il y a un désintéressement envers la musique québécoise. »

Bien que les nouvelles créations de Drapeau aient moins tourné que les précédentes, son travail a eu des échos non négligeables : des directeurs d’écoles lui ont indiqué que ses airs humanistes circulaient dans leurs établissements et « Tous ensemble (Inch’Allah) » l’a mené jusqu’au Maroc. Drapeau a en effet chanté à l’ouverture du cinquième forum Planèt’Ere, ce printemps.

Sortir de ses zones de confort
Après huit ans pendant lesquelles, réglé comme une horloge, il a fait paraître des albums aux deux ans, Étienne Drapeau a senti le besoin de sortir de ses zones de confort. Le chanteur s’est ainsi joint aux rangs de Don Juan, réalisant un vieux rêve au sein de sa comédie musicale favorite. Il a toutefois constaté que le boulot d’interprète n’allait pas forcément de soi : « Ça m’a secoué, car comme auteur-compositeur, je raconte mes propres histoires. Je n’avais jamais eu à me demander comment j’allais chanter pour que ce soit vrai… » Drapeau s’est familiarisé avec les rudiments du théâtre et a appris à rendre des émotions intenses en fouillant dans ses sentiments. Le public pourra le constater en août, lorsque la production sera en résidence au Grand Théâtre de Québec.

À travers tout ça, l’homme de 35 ans trouve le temps de manier la plume autrement qu’avec les rimes : il bosse sur un livre. Pas une fiction, ni une autobiographie traditionnelle. Plutôt un ouvrage traduisant sa philosophie de vie. Il ne sait encore quand il y mettra le point final, mais dit prendre plaisir à l’exercice. Quant à l’auteur-compositeur-interprète en lui, il reprendra le collier à l’automne. Ce sera une belle façon de renouer avec ses fans en entonnant autant ses refrains romantiques que les plus récents. « Je ne sais pas si j’ai fait le bon pari [avec Le Monde est beau], mais l’être humain ne peut pas se définir seulement en termes de vente ou de popularité : il doit le faire aussi avec son art, en paroles et en musique. »