La directrice générale des Francouvertes est fébrile à l’aube de la reprise des préliminaires de sa 24e édition. Rencontre avec une femme déterminée.

Sylvie Courtemanche a pris un risque en 2005 en relançant elle-même le concours de la relève initié par l’organisme Faites de la Musique, qui avait lieu au Zest dans l’est de Montréal depuis 1995, et qui a plié bagage à sa huitième présentation en 2003.

« Avant, je travaillais avec des gens comme Steve Faulkner, la vieille garde, j’étais zéro relève. Pourtant, j’ai financé la première édition avec mes salaires de relationniste de presse avoue-t-elle ».

Les Francouvertes, rappelons-le, reçoivent entre 150 et 250 candidatures chaque année pour n’en retenir que vingt-et-une après un rigoureux triage. Avec le foisonnement de talent, on a l’impression que Les Francouvertes vivent une période dorée. « Il y avait autant d’inscrits il y a vingt ans, mais on en entendait juste moins parler parce que l’Internet n’avait pas autant d’importance ».

Onze soirées donc, où chaque artiste a trente minutes pour jouer ses compositions et impressionner un jury de sept membres de l’industrie et le public présent. La COVID-19 a chambardé le déroulement des préliminaires. Déjà douze participants sont passés et la reprise a lieu du 28 au 30 septembre. Tout de suite après les Francos et Pop Montréal. Une année de même.

« Au début de la crise, raconte Courtemanche, j’avais un peu mis mes lunettes roses, j’étais optimiste; on avait envisagé environ 70 scénarios de reprise possibles. Finalement, on a vite écrit aux artistes parce qu’on ne voulait pas annuler. On cherchait des solutions ».

Avec ses dates de fortune, tout se chevauche. « C’est une épopée ce qu’on est en train de faire. Si on sort de la 25e édition vivant l’an prochain, ça va être un exploit. Habituellement, à ce temps-ci de l’année, c’est la période de recrutement pour l’année suivante, la planification et la reconduite des commandites. On a beaucoup de commanditaires qui nous donnent un petit mille piasses par-ci par-là, mais notre principal, c’est le présentateur officiel, Sirius XM. Si ce dernier se retirait, on meurt ».

Sylvie CourtemancheLes Francouvertes bénéficient également de nombreux partenaires, dont la SOCAN qui, en plus d’offrir le Prix Paroles & Musique SOCAN, présente la série ‘’J’aime mes ex’’ qui met en vedette d’anciens participant.es en lever de rideau. Cette année, on a préféré préenregistrer celles-ci afin de limiter les changements de scène. On pourra également voir les soirées de préliminaires en streaming payant (une opération à perte selon elle). Les 160 premières personnes à débourser dix dollars pourront joindre leurs voix aux 80 personnes admises au Lion d’Or et qui pourront voter.

L’écosystème musical a changé en 20 ans. « Les labels sont plus nombreux à se déplacer. Avant on les voyait à partir de la demi-finale, maintenant ils sont présents dès les préliminaires ». Il y a plus de visibilité. « C’est rare que des artistes inscrits aux Francouvertes ne soient pas déjà un peu dans le circuit avec une certaine expérience de scène, et qui tournent dans des bars comme l’Escogriffe et le Pantoum à Québec. C’est parfois un coup de dé. On ne fait pas d’audition. Ils se tournent vers chez nous, mais il y a plein d’autres concours, Granby, Ma première Place des arts… Mais il y a des bibittes qui arrivent de nulle part. Damien Robitaille, gagnant de l’édition 2005, en est un exemple. On fait du maraudage dans les festivals pour voir quel artiste n’est pas encore signé, alors on peut les inviter à s’inscrire ».

Quelques mots sur d’illustres participants?

Loco Locass (2000) : « Tout le monde voyait les Cowboys fringants comme la formation gagnante cette année-là, mais les gars en ont jeté plein la vue entre autres en ajoutant Charles Imbault à la trompette. Leur dynamisme et les surprises sur scène ont eu raison des Cowboys, je crois. De plus le rap était tellement moins présent à l’époque que leur proposition les démarquait. C’était fou cette finale ».

Les sœurs Boulay (2012) : « Au Lion d’Or, on entendait une mouche voler et au Club Soda pour la finale aussi. Même la gang de l’industrie à l’arrière de la salle était tout ouïe ! Le projet des deux ensembles est né aux Francouvertes. Léger imbroglio puisque Mélanie avait aussi déposé sa candidature pour son projet solo ».

Les Hay Babies (2013) : « Elles sont arrivées aux préliminaires en ne sachant même pas qu’elles faisaient partie d’un concours. Elles ne savaient pas ce qu’étaient les Francouvertes. C’est leur gérant qui les avait inscrites sans leur dire ! ».

« Je suis un peu môman. Moi, calme? Je suis le contraire ! Je me suis calmée avec les années. Je suis toujours un peu nerveuse du déroulement de la soirée. J’aime encore ça, même si je me demande chaque fois si c’est ma dernière année. Mais il y a toujours quelque chose qui m’accroche : des nouvelles idées pour les réseaux sociaux, un nouveau règlement, c’est là que je sens que je suis à mon meilleur dans mon rôle. Ensuite, c’est de s’entourer de collaborateurs plus jeunes et qui vont voir plus de shows que toi, raconte la quinquagénaire heureuse ».

Alors, qui succédera à Original Gros Bonnet, grands gagnants de l’an dernier ? « La plus belle chose qu’un.e participant.e peut me dire c’est : on s’en fout à la limite de ne pas gagner, on a rencontré du monde, fait des contacts, on est content de notre expérience. Ça va au-delà de l’aspect concours. Il y a plein de bands des Francouvertes qui ont tissé des liens sur scène avec d’autres artistes de la soirée ».