Le 24 septembre 2018, la station Q107 du groupe Corus, à Toronto, annonçait qu’un nom très connu allait devenir sa nouvelle voix. Comme le disait Tammy Cole, directrice de la programmation : « Alan raconte l’histoire de l’évolution de la musique rock depuis des décennies, et il est la voix parfaite pour Q107. Nous souhaitions vraiment ramener le rock au cœur du “Mighty Q”, et qui de mieux pour le faire que l’expert canadien en la matière ? » Ce n’est que légèrement ironique que l’homme qui est devenu l’une des voix les plus reconnues à la radio en présentant de la nouvelle musique soit désormais la voix d’une station au format rock classique et meilleurs succès.

Alan Cross évolue dans l’industrie de la musique depuis près de quarante ans, et affirmer qu’il est occupé serait l’euphémisme de l’année. Il a commencé sa carrière radiophonique au Manitoba, où il est né, avant d’arriver à la station torontoise CFNY en 1986, et il n’a pas cessé de faire de la radio depuis. Il a été DJ et directeur de la programmation, poste qui lui a valu un prix, d’ailleurs. À ce jour, il a produit 833 épisodes d’une heure de son émission The Ongoing History of New Music. Il participe bénévolement à plusieurs projets de mentorat, écrit des livres, des biographies d’artistes, des billets de blogue ainsi qu’un rapport hebdomadaire pour son site web A Journal of Musical Things, ainsi que pour plusieurs stations du groupe Corus. Il publie fréquemment sur Facebook et Instagram, fait du doublage de voix et des livres audio et il est également conférencier et consultant. De temps en temps, il a même le temps de regarder la télé en compagnie de sa femme.

Alan Cross a tant de chapeaux à porter qu’une journée typique dans sa vie est remplie à craquer d’obligations horaires, journalières et hebdomadaires. Demandez-lui à quoi ressemble une de ses journées, et vous risquez de ne pas le croire :

« Je suis à la recherche de trucs qui me feront dire “Sapristi, c’est quoi ça ? ! ” »

« Mes journées commencent à 7 h 30, donc je suis à mon bureau ou en studio dès 7 h 30 », commence-t-il. « Je travaille presque exclusivement de la maison. Pendant les premières 90 à 120 minutes, j’épluche les infolettres et autres sources d’information sur la musique pour m’informer pour le reste de la journée. À partir de ces sources, j’écris entre 7 et 10 billets de blogue, et nous voilà rendus à 9 h, 9 h 30. J’écris ensuite une émission quotidienne que je fais pour The Edge (102,1, à Toronto) et qui est diffusée de 18 h à 19 h, du lundi au vendredi. Ensuite, j’enregistre et j’édite ma piste de voix que j’expédie à la station pour qu’ils produisent le reste de l’émission. Après, j’écris des billets de blogue pour Corus Radio ou Global News. Une fois tout cela terminé, je peux commencer ma vraie journée de travail. »

Les conseils de Cross : trois trucs à suivre pour faire une soumission réussie

  • « Ne m’envoyez pas un mp3 ou un CD. Je préfère de loin un lien vers un fichier, que ce soit sur YouTube, SoundCloud, Spotify, Apple Music ou ailleurs. Ne m’envoyez pas de copies physiques. Je comprends que vous soyez fiers de votre produit musical, mais 75 % des revenus musicaux dans le monde proviennent du “streaming”, désormais. Suivons le courant. »
  • « Un des trucs qui me rendent dingue, ce sont ces agents publicitaires qui m’envoient de longues biographies ornementées qui ne disent absolument rien. Je n’ai pas le temps de lire deux pages, je n’ai pas le temps de traduire votre prose au sujet du monde et de la musique. Dites-moi qui vous êtes, quelles sont vos influences, le titre de votre album et de votre chanson, c’est tout. Allez droit au but. »
  • « Faites attention aux métadonnées. Je reçois encore plein de trucs, même de la part des “majors”, et lorsque je les ouvre dans iTunes, je vois : Album Unknown. C’est mon plus grand reproche concernant l’état actuel des choses. Des maisons de disques qui envoient de la musique aux stations de radios sans métadonnées ? Sérieusement… »

« Il est rendu environ 10 h 30 et je viens de terminer mes obligations quotidiennes, alors je peux m’attaquer à mes obligations hebdomadaires. C’est là que je fais mes recherches et ma rédaction pour Ongoing History. J’accepte toutes les demandes de voix qui parviennent à mon studio. Je prends tous les appels qui concernent les projets sur lesquels je travaille. De temps en temps, je dois quitter la maison pour participer à une réunion ou parce que je dois être quelque part. Aujourd’hui, par exemple, j’ai dû quitter la maison pendant six heures afin d’aider Lowest of the Low à préparer une vidéo de dévoilement pour leur “box set” qui doit sortir bientôt. Leur “box set” sortira en novembre et nous avons tourné une vidéo où ils déballent ce “box set” pour montrer aux gens ce qu’il contient. Je fais ensuite quelques téléphones. Puis, de temps en temps, je quitte la maison pour des groupes de mentorat. Je fais également des apparitions sur d’autres stations d’un bout à l’autre du pays. »

« Je dois parfois me déplacer pour participer à un festival de musique, prononcer une conférence ou des trucs du genre. Lorsque je dois quitter la maison, j’apporte tout mon matériel de radiodiffusion et j’enregistre mon émission de ma chambre d’hôtel. »

« Mais tant que je travaille de la maison, je sors toujours pour dîner, car je dois sortir de la maison. Après le dîner, je finis ce que je dois livrer pour la journée et je commence à préparer la journée suivante. J’essaie de boucler ma journée vers 16 h 30, 17 h. »

« Ensuite, mon épouse rentre du travail, on soupe et on va promener le chien. Des fois, pendant qu’on regarde la télé, je vais jeter un coup d’œil à mon portable pour voir s’il n’y a pas du matériel que je pourrais utiliser le lendemain. Et voilà. »

« C’est extrêmement chargé. J’ai cette étrange attitude calviniste selon laquelle si je ne suis pas totalement épuisé, physiquement et mentalement, à la fin de la journée, c’est que j’ai dû paresser pendant la journée. Il y a un genre de “rush” de dopamine lorsqu’on se pousse jusqu’à notre limite. »

Cross continue de faire découvrir de nouveaux artistes à ses auditeurs, en ligne et sur les ondes. « Je reçois entre 50 et 500 soumissions non sollicitées par semaine de la part d’agents publicitaires et de maisons de disques », explique-t-il. Il en écoute autant qu’il le peut, mais il compte également sur l’opinion de plusieurs bénévoles à qui il fait parvenir une cinquantaine de ces soumissions dans l’espoir de recevoir en retour 5 ou 6 recommandations de la part de chacun d’eux. « Je suis constamment à la recherche de trucs qui me feront dire “Sapristi, c’est quoi ça ? !” De temps à autre, je reçois un truc que je sens que je dois examiner de plus près, mais ces moments de joyeuse découverte sont rares. Et ce n’est pas faute d’essayer, pas plus que parce que je suis snob. C’est parce qu’après 37 ans dans l’industrie, et une bonne douzaine d’années avant comme simple fan de musique, il faut travailler fort pour surprendre quelqu’un comme moi. »