Si vous aviez demandé à Dave Pelman, en 1995, où il se voyait dans 23 ans, vous pouvez être sûrs que sa réponse n’aurait pas été « compositeur pour une série télé d’animation diffusée sur Internet et basée sur un jeu vidéo ». Il faut se rappeler qu’au milieu des années 90, Internet, pour la plupart des gens, n’était qu’un véhicule pour l’envoi de courriels. Pourtant, en 2018, c’est bel et bien la meilleure façon de décrire l’une des principales occupations de ce membre de la SOCAN.

C’est d’autant plus à propos, car Pelman, comme la plupart des gens de l’industrie, a dû s’adapter et savoir répondre aux demandes du marché. Il est arrivé dans la Cité des Anges armé de grands rêves et d’un diplôme du Berklee College of Music à une époque où l’industrie était en période de transition.

Changer de vitesse
« Je suis arrivé à L.A. à l’époque où les magasins de disques commençaient à ferme », se souvient Pelman, qui est originaire de Vancouver et a grandi à Calgary. « Je me souviens être parti à la recherche d’un Tower Records, et c’était placardé. Les maisons de disque fusionnaient et les studios d’enregistrement tombaient comme des mouches. J’ai dû changer de vitesse et trouver une solution. La plupart des gens qui ont obtenu leurs diplômes en même temps que moi ont des histoires similaires où ils ont dû s’adapter ou changer de carrière. »

Pelman a trouvé un emploi stable comme ingénieur du son tout en composant dans ses temps libres. Lorsque même les studios ont commencé à fermer et que l’industrie du disque a commencé à se contracter, il s’est concentré sur le côté créatif, notamment la composition de musique pour des publicités pour de grandes marques, dont Honda. Toutes ces années passées à composer pour ce type de production se sont traduites par de nombreuses compositions qui n’ont pas été utilisées.

« Lorsque vous composez pour des pubs télé ou tout ce qui touche le monde publicitaire, vous écrivez énormément et un grand nombre de ces compositions ne sont jamais utilisées ou vendues », explique Pelman. « On accumule énormément de musique, ainsi. »

Étant donc assis sur une mine d’or de compositions, Pelman a décidé de les regrouper dans une bibliothèque musicale et a lancé une maison d’édition, DP Music, pour vendre des licences pour ses compositions à l’industrie du film et de la télé. On lui doit entre autres So You Think You Can Dance (Fox), American Idol (Fox), Ultimate Beastmaster (Netflix), S.T.R.O.N.G (NBC), The Briefcase (CBS) et The Jacksons: Next Generation (A&E).

Pelman a commencé à apprendre le piano dès qu’il a appris à marcher et il y avait toujours des instruments de musique un peu partout dans la maison. « C’était évident que j’en ferais une carrière », dit-il. « Je ne peux même pas imaginer faire autre chose… j’ai ça dans le sang. »

De nos jours, un plan de carrière est une chose qui change plus rapidement que les plaques tectoniques sous la Californie. Le plus récent projet de Pelman : composer les musiques et les chansons pour une série en ligne originale intitulée Clash-A-Rama ! Cette série gratuite est diffusée sur iTunes, Google Play et les chaînes YouTube de Clash. Elle est basée sur les populaires jeux pour appareils mobiles Clash of Clans et Clash Royale et écrite par les auteurs/producteurs des Simpsons. Initialement d’une durée de 11 minutes, les épisodes durent maintenant 22 minutes. Lorsqu’on les regarde, on a vraiment l’impression de regarder une « sitcom » de 30 minutes, mais sans interruption publicitaire. La série vient tout juste de terminer la production de sa troisième saison et chaque épisode compte en moyenne 20 millions de visionnements.

« Ce qui est intéressant avec ce projet, c’est que même s’il est conçu uniquement pour YouTube, le processus de création est identique à celui d’une émission de télé du point de vue de l’écriture et de l’animation », explique Pelman. « On engage des acteurs, on écrit un scénario puis on le révise, et on suit un horaire de production identique à celui d’une “sitcom”, à une différence près : il n’y a pas de date butoir béton. Cela permet de créer une production vraiment “cool” sans avoir la pression d’un “deadline” ou d’une haute direction qui piaffe d’impatience et veut donner son opinion avant la diffusion. »

La série a un style énergique et humoristique avec du sarcasme à revendre. La grande variété de personnages et de thèmes permet à Pelman de varier énormément ses compositions. « Chaque épisode a un thème, mais il comporte plusieurs tangentes, c’est donc logique que la musique parte dans toutes les directions », explique-t-il. « La musique est là pour soutenir les blagues. »

Mais c’est justement ce qui fait de composer pour Clash-A-Rama ! un tel défi. « Il faut frais et dispo à tout moment », confie Pelman. « La musique peut passer de “barbershop” à musique de quatuor à comédie musicale sur Broadway au rap. »

Outre ses compositions pour Clash-A-Rama ! et l’opération de son entreprise d’édition/bibliothèque musicale/licences, Pelman compose pour de nombreuses autres productions hollywoodiennes. Mais tout comme il y a presque trente ans, lorsqu’il est arrivé à L.A., le musicien demeure alerte et prêt pour la suite.

« En fin de compte, je travaille de très longues heures sur une multitude de projets… je porte quatre ou cinq chapeaux différents chaque jour », avoue Pelman. « C’est le Far West. Les choses changent chaque mois. Il faut être rapide et capable de s’adapter et savoir attraper les opportunités au vol. C’est ça, ma vie ! »