C’est à Londres que Paroles & Musique a rejoint Cristobal Tapia de Veer. Compositeur canadien d’origine chilienne, l’homme y a trouvé depuis 2012 un terrain de jeu pour ses musiques sur image. « C’est vrai que je pourrais tout faire de mon studio à Montréal. La nouvelle génération accepte de travailler via Skype. Et je le fais aussi, surtout à la fin d’un projet. Mais pour dire vrai, j’aime au début rencontrer l’équipe pour comprendre la direction d’une série ou d’un film. Je cerne mieux aussi l’énergie des gens avec qui je travaille. »

Cristobal Tapia de VeerDepuis un mois et demi, Cristo est actuellement à la composition de pistes musicales pour la série anglaise National Treasure (Channel 4) réalisé par Marc Munden, l’homme derrière la série culte, Utopia. Tapia de Veer et Munden en sont à leur troisième collaboration incluant Utopia et The Crimsom Petal and the White, série historique qui a initié leur rencontre professionnelle. « Ce fut une chance de rencontrer Munden. Grâce à lui, à sa notoriété, j’ai pu embrasser des projets intéressants. »

Bien que Cristo Tapia de Veer ait étudié au Conservatoire du Québec en musique classique, spécialisation percussion, ses premiers pas professionnels se trouvaient déjà à mille lieues de cet univers. Cristo a collaboré à One Ton, trio de pop électronique nommé aux Junos et signé sur Warner Music, qui a obtenu un certain succès. Mais l’homme réalise rapidement les limites d’un univers musical trop circonscrit. Il se lance dans un projet solo, The Spider in Charlie’s Box, qu’il compose dans sa chambre à coucher. De ce geste germe une envie, celle d’écrire sans contrainte de la musique pour le cinéma et la télévision. Son vœu se réalise. L’album servira de carte de visite auprès de différents réalisateurs et le présente comme  un compositeur singulier qui ne suit pas les règles habituelles. « Je ne connais pas les règles des compositeurs de musique pour images. Et c’est franchement par hasard que je suis ici. »

Au Québec, Cristo est particulièrement connu pour les très belles pistes sonores de la série télé Série noire, lauréat de deux prix Gémeaux en 2015 pour la bande sonore, et détenteur d’une nouvelle nomination en 2016. C’est en enregistrant le groupe de Jean-François Rivard, réalisateur de Série noire, dans un studio montréalais que les deux hommes font connaissance. Rivard recontacte Tapia de Veer pour asseoir les ambiances sonores de Série noire. La commande est, dès lors, très claire. « Rivard m’a orienté vers les trames sonores des films d’horreur des années 80, particulièrement celles de John Carpenter qui composait ses propres musiques. J’ai donc beaucoup joué avec les synthétiseurs tout en gardant un regard minimaliste. »

« J’ai composé pour la série Humans qui a connu un énorme succès en Angleterre, 7 millions de spectateurs par soir. Mais j’ai refusé de signer la deuxième saison. Je ne voulais pas me répéter. »

Quand on demande à Cristobal Tapia de Veer de circonscrire son style musical comme compositeur, l’homme réfléchit et se lance dans une explication qui met en lumière son approche hors des conventions du métier. « J’aime concevoir la musique de film ou d’une série comme un personnage en soi. Habituellement, la musique sur image doit être relativement transparente. Elle est une aide au rythme et au drame. Mais moi, je ne perçois pas son rôle de cette façon-là. J’aime musicalement prendre plus de place et apporter un caractère défini à la musique. J’aime proposer un contrepoint à l’émotion véhiculée par une scène. »

« Dans Utopia, il y avait des scènes avec des tueurs. Parallèlement, nous voulions révéler leur enfance, leur manque de famille, qui les ont amenés là, chose qui n’était pas révélée à l’écran. Sur une scène de meurtre, on a alors placé une musique enfantine. C’était beaucoup plus touchant et plus perturbant. » Cristo aime aussi inventer des sonorités, des sons qu’il utilise ensuite dans ses trames musicales. Il évite donc les sons prédéterminés des synthétiseurs et ordinateurs afin de créer de nouvelles textures. La source est diverse, des sons d’animaux à ceux des environnements urbains, récoltés ici et là, par son échantillonneur.

L’homme qui prévoit un retour cet été à Montréal perçoit la planète comme son terrain de jeu. Il travaille aussi à Los Angeles pour deux séries, dont l’une diffusée sur BBC America. Le film de science-fiction britannique The Girl with All the Gifts, dont Cristo réalise la bande sonore, sera présenté en septembre sur grand écran. Malgré ses ambitions, Cristo aime se rappeler les lignes directrices qui l’influencent comme musicien. « Ce que je cherche avant tout, c’est de la liberté dans la création. Je ne veux pas composer à Los Angeles parce que c’est Los Angeles. J’ai composé pour la série Humans qui a connu un énorme succès en Angleterre, 7 millions de spectateurs par soir. Mais j’ai refusé de signer la deuxième saison. Je ne voulais pas me répéter. Pour moi, c’est sacré d’opter pour des contrats qui me gardent dans une grande disposition créative, qui offrent l’innovation. Je ne suis pas ici pour être sur le pilote automatique. »