Y a-t-il péril en la demeure ? « La musique contemporaine souffre d’un problème d’isolement, et il y a un grand besoin de la désinstitutionaliser, de la sortir du vase clos de l’hyper-spécialisation, explique Simon Bertrand. Composer des oeuvres nouvelles avec un outil symphonique est une occasion inouïe pour un compositeur et des musiciens d’orchestre aussi de sortir de notre zone de confort. Il faut seulement accompagner le public et lui donner des moyens de se rendre jusqu’à nos créations.»

Le clarinettiste et saxophoniste de formation, féru de jazz et de musique de chambre, n’a pas lésiné avec ses propres moyens. Après ses études musicales, il file à l’étranger et y restera… 13 ans ! « Quand je suis parti en 1989, les gens me connaissaient comme clarinettiste, et à mon retour en 2001, j’étais compositeur. » Il passe neuf ans en France où, après avoir obtenu en 1994 son Premier prix de composition au Conservatoire de Sevran auprès de Claude Ballif, il partage son temps entre la composition, l’organisation de concerts et l’enseignement. Il s’envole ensuite vers le Japon où il restera trois ans, composant de nombreuses oeuvres pour instruments traditionnels. « Entre-temps, j’ai été au Danemark où j’ai fait des contacts qui m’ont amené à composer des musiques de films, notamment avec Zentropa Productions, la compagnie de Lars Von Trier. » Cette incursion lui a ouvert une avenue qu’il compte bien développer, « par goût d’abord, et parce le support visuel permet à l’oreille, même neophyte de l’auditeur, d’apprécier des musiques très modernes ou nouvelles, celles-là mêmes qui passent peut-être moins bien pour eux au concert ».

LA RÉSIDENCE, UNE CAGE DORÉE ?
Quand il parle de sa nouvelle adresse à l’OSDL, c’est un vulgarisateur qu’on découvre. Devant lui, une liberté à l’échelle symphonique, et un public à conquérir. « À la Chapelle, j’ai composé uniquement de la musique de chambre, avec des oeuvres et des interprètes très pointus. À l’OSDL, je dois être souple, sans me travestir. On peut faire des choses extraordinaires avec un accord de Do majeur, de même qu’avec un cluster. Les musiciens d’orchestre sont des professionnels et n’ont pas de discrimination, que l’oeuvre soit tonale ou non. Ils veulent que la musique soit bien écrite, stimulante et gratifiante à jouer. »

Et un compositeur en résidence, ça sert à quoi ? « Si c’est uniquement de composer une oeuvre, de faire jouer la pièce, et ensuite c’est terminé, ce n’est pas suffisant ! C’est un travail éducatif, de vulgarisation, de découverte. Et dans mon mandat, il n’y a pas seulement le travail de creation (au moins deux par an), mais il y a aussi des orchestrations, ma participation au volet éducatif de l’OSDL et à des événements grand public ». À l’appui, Simon Bertrand a créé un blogue interactif, www.residenceosdl.worldpress.com, pour les mélomanes et les abonnés de l’OSDL. On y trouve notamment des extraits musicaux de ses oeuvres (passées et à venir), mais aussi des fiches biographiques des compositeurs du XXe siècle qui l’ont influencé, tels Debussy, Bartok, Ligeti ou Messiaen. « Si on commence par là, la table est mise pour les auditeurs qui veulent se familiariser avec les musiques nouvelles, et les classiques de la musique contemporaine.» Le ton est convivial, non-élitiste. « Il ne faut ni prendre les auditeurs de haut, ni les prendre pour des imbéciles ! Ce sera intéressant de voir ce qu’ils pensent de toutes ces musiques. »

Pour des raisons logistiques, c’est l’an prochain qu’on pourra entendre deux mcréations originales pour soliste et orchestra de Simon Bertrand, un concerto pour alto, et un autre pour pipa qui sera joué par Liu Fang. En mai, l’OSDL reprendra sa pièce Rideau et fanfare (2004) pour laquelle il avait remporté le premier Prix du concours de composition de l’Orchestre de l’Université de Montréal. Et en collaboration avec la SMCQ, le concert du volet jeunesse 2012 utilisera le Musicolateur, une table musicale permettant aux jeunes de composer de façon ludique. « Une des plus belles choses qu’on m’a dite sur ma musique est venue de mon professeur au doctorat, José Evangelista, disant que ma musique était inclusive, que j’avais plus l’attitude d’incorporer des choses que de discriminer des matériaux ou des idées. Pour moi, l’ancien et le nouveau n’ont pas d’importance, et je ne rejette rien. Tout est dans le regard que tu portes, et ce que tu en fais ensuite. »