« Les Bombes »
Écrite par Michel Pagliaro et Jimmy James
Éditée par Earth Born Music inc.

Dans une carrière, il y a des périodes charnières et des chansons plus marquantes que d’autres. Des titres à succès francophones ou anglophones, Michel Pagliaro en a enregistré plus que bon nombre d’artistes de sa génération. Les Bombes (Aquarius AQ6030), parue en 1987, s’est avérée particulièrement importante.

Cette chanson de gros calibre a ramené Pagliaro sur disque après six ans d’absence et elle est devenue en quelque sorte le tremplin de l’album Sous peine d’amour, paru l’année suivante. Les Bombes, ce fut le retour éclatant de Pag. Retour en arrière.

En ce matin glacial de février dans un café de Montréal, Michel Pagliaro remonte la machine du temps pour discuter de la création de la chanson qui s’est effectuée dans deux pays. Le premier étant la France, où l’artiste a résidé durant cinq ans.

« La chanson, je l’ai faite à Paris. Je dirais entre 1984 et 1985. Du moins, la première ébauche », se souvient Pag, dont le regard est toujours aussi perçant quand il enlève ses incontournables lunettes noires.

« C’est bizarre à dire, mais même si la chanson date de près de 30 ans, c’est à peu près le même monde qui est dans la même soupe. Ça n’a pas vraiment changé. C’est toute la même affaire. »

« Après ça, j’ai commencé à faire des maquettes. Je m’étais bricolé un genre de petite machine pour faire une maquette parce qu’il me manquait des fils… Des alligators clips, pour toutes sortes de raisons. L’appartement où j’étais avait été… (rires) avait été « attaqué » par un garçon qui jouait de l’harmonica pour (Jacques) Higelin. Il avait fait un trou dans le mur à coups de marteau. C’était particulier… Mais je n’ai pas terminé la chanson là-bas. »

 Les Bombes verra le jour sur le sol québécois, au retour de Pagliaro au bercail. Le guitariste Jimmy James était au nombre des musiciens qui ont participé aux sessions d’enregistrement.

« J’avais travaillé avec Michel avant son séjour en Europe, se souvient James. Quand il est revenu, il avait besoin de musiciens et on a renoué. Mike est toujours spontané. Il arrive des fois avec quelque chose comme un riff et il demande : « Qu’est-ce qu’on peut faire avec ça ? » Ça s’est passé comme ça. »

Les musiciens ont travaillé à partir de la maquette d’origine pour les couplets, mais ce fut une autre histoire pour le refrain et le pont musical.

« Je me disais qu’il fallait qu’on aille ailleurs, précise le guitariste. Ma contribution a été liée au bridge ainsi qu’au solo. Là, on a quitté le riff de base, sinon, la chanson allait être toujours sur le même tempo. Et après, on a retravaillé les paroles. »

« Le texte sur la maquette finale n’est pas exactement celui qui a vu le jour en France, précise Pagliaro. Il y a eu quelques retouches. Il y avait des couplets avec les pays « Madagascar », « Haïti », « Viêt Nam », toute la patente… »

On pourrait présumer que le scandale de l’Irangate (la vente d’armes des Américains à l’Iran) qui a fait couler beaucoup d’encre au milieu des années 1980 était l’inspiration de la chanson. Il semble qu’il n’en est rien.

« Il y a sûrement, des fois, des motivations… Comment je pourrais dire… Des motivations cérébrales pour faire quelque chose, souligne Pagliaro. Mais, habituellement, dans mon cas, c’est organique. Dans le sens où il y a une volonté de faire, de développer quelque chose quand tu as un beat en mains ou dans la tête.

« Et puis, tu sors une phrase qui te donne une idée. Parce que c’est de la musique et pas seulement de la pensée. Il faut que ça devienne physique. Concret. La musique, il faut que tu la joues. Tu ne peux pas qu’y penser. En fait, tu peux y penser, mais à un moment donné, il faut que tu entendes de quoi ».

La réputation de perfectionniste en studio de Pagliario est bien connue. Quand le 45-tours Les Bombes/Dangereux a vu le jour, le principal intéressé avait des réserves.

« J’aimais pas le disque. Je n’aimais pas comment ça sonnait, jure Pag. Mais à un moment donné, il fallait que ça sorte. »

 Les Bombes n’a pas été restreint au format 45-tours très longtemps. Les deux titres (l’autre étant Dangereux) se sont rapidement retrouvés sur la compilation Pag Avant (Aquarius/Capitol AQ547, 1987). Et si elles n’étaient pas sur le premier pressage de Sous peine d’amour (Alert 281009-2, 1988), le duo de chansons s’est retrouvé sur le second pressage, sur étiquette Audiogramme.

« On avait enlevé deux chansons en anglais (It’s Love, Rock Somebody) pour mettre Les Bombes et Dangereux. Mais ce sont des décisions de compagnies de disques », ajoute Pagliaro, sourire en coin.

Les Bombes a donc eu droit à trois diffusions distinctes (45-tours, compilation, album original) et a contribué à la relance de Pagliaro qui a marqué un grand coup avec Sous peine d’amour. Depuis? Rien, ou presque, rayon matériel original. Uniquement l’inédite Tonnes de flashes, insérée dans le coffret du même nom (Musicor MUPSCD13-6432) paru en 2011.

La suite pour bientôt? Inutile de poser cette question à Pag, mais notez que l’entrevue a été faite dans un café situé sous le studio dans lequel il est retourné travailler après notre conversation. Espoir, donc. Mais le temps presse…