Si Yonatan « xSDTRK » Ayal est le visage du projet Chiiild, l’auteur-compositeur-interprète Pierre-Luc Rioux en est le cœur et le cerveau. Après un mini-album paru en février 2020, le musicien québécois offre enfin Hope for Sale, un premier véritable album de « soul synthétique » engageant et aisément apprivoisable. Les deux Montréalais basés à Los Angeles où ils mettent leurs talents de compositeurs, interprètes et réalisateurs au service des stars de la pop se sentent enfin voler de leurs propres ailes.

Chiiild, Pierre-Luc Rioux

Pierre-Luc Rioux. (Photo : Rosalie Deschênes-Grégoire )

« Yoni et moi sommes arrivés à L.A. en 2015 », raconte Pierre-Luc Rioux au bout du fil. « On s’est alors vite mis à faire des sessions à droite à gauche », enfilant les participations aux enregistrements de Katy Perry, David Guetta, Jessie J, Usher, Céline Dion, Chloe X Halle, pour ne nommer que ces illustres pop stars. « Seulement en 2016, on a dû faire 300 sessions différentes – on n’arrêtait pas! À un moment, on s’est dit : Peut-être qu’on devrait commencer à travailler sur des projets juste pour nous ? »

La démarche de Rioux et Ayal rappelle qu’être auteur-compositeur, c’est un métier, et que l’expérience est une précieuse devise permettant de s’acheter une place au soleil sur la scène musicale californienne. Hope for Sale, le premier album de Chiiild, est un patent exemple du talent développé par ces deux musiciens au courant des dernières années : des refrains qui collent aux tympans, un sens du groove accueillant, une réalisation léchée. La grande classe pop.

La plupart du temps, ils travaillent à deux, explique Yoni. « Je n’écris pas nécessairement toujours les textes, mais pour le projet Chiiild, je m’occupe plus des paroles que de la composition musicale et de la réalisation », prise en charge par Pierre-Luc Rioux.

« Ce qui est bien dans la relation que j’ai bâti avec Yoni, c’est qu’elle est basée sur la collaboration, pas sur la compétition, explique Rioux. On a chacun nos forces, autant sur scène qu’en studio. Y’a des choses que je fais mieux, pareil pour Yoni, et plus le temps passe, plus on grandit dans nos rôles respectifs. Yoni [dans son rôle de chanteur], c’est le visage de Chiiild, or c’est beaucoup de sa personnalité qui paraît, surtout dans les textes. »

Yoni s’inspire du réel pour pondre ses textes : « Je n’écris pas de chansons sur des sujets fictifs, je n’aime pas la fiction en chanson, dit-il. Si ce n’est jamais arrivé, ce ne sera pas écrit. Tout est vrai », et parfois même prémonitoire, avance Pierre-Luc Rioux : « On a l’habitude de travailler avec des gens qui ont le doigt sur le pouls, qui ont le sens de déceler l’air du temps, de manière intuitive », dit-il en prenant pour exemple l’excellente Hold on Till We Get There, chanson pop-soul mue par une rythmique moelleuse rappelant le style de groove de Gorillaz. « Hold on Till We Get There, on l’a composée en décembre 2019; lorsque la pandémie est arrivée, cette chanson a pris complètement un autre sens. Ce sentiment que tout le monde est confiné et qu’on finira par passer au travers de ça, ensemble. Elle n’a pas été écrite pour décrire ça, mais elle est à propos ! »

La chanson a été réalisée par l’ami commun Mathieu Jomphe-Lépine, alias Billboard, un autre de ces génies de la pop qui met ses talents de compositeurs, accompagnateur et réalisateur au service des autres (Madonna, Dua Lipa, Ariana Grande, etc.). « Un de nos grands amis, mais aussi quelqu’un qu’on admire : c’est un si bon réalisateur ! », abonde Rioux. « Il avait envie de partir de Montréal pour venir à L.A. travailler avec nous pendant quelques jours, de son plein gré. C’est une belle histoire. »

« Ce qui est cool dans le projet Chiiild, c’est qu’on a pu compter sur le talent beaucoup de collaborateurs, enchaîne Rioux. C’est sûr que Yoni et moi sommes au cœur de la création, mais c’est un cœur qui bat dans toutes les directions. Au fil des ans, on a participé à plusieurs camps d’écriture et à chaque fois, on essaie d’amener d’autres talents dans le projet ». Hope For Sale compte d’ailleurs sur le coup de pouce de chanteuses invitées, Jensen McRae sur la version remixée de l’imparable single Gone ou encore Mahalia et sa voix fine sur la ballade Awake.

Pendant le confinement, raconte Yoni, « j’organisais des pizzas partys les vendredis sur Zoom. Mahalia, je l’avais découverte via Instagram, elle chantait alors une reprise de Fast Car de Tracy Chapman, et j’ai cliqué. Grâce à un ami interposé, je suis entré en contact avec elle et l’ai invitée au pizza party. Plus tard, elle a été assez gentille pour accepter de chanter sur cette chanson – and she killed it! », insiste le musicien, qui passe du français à l’anglais durant notre conversation.

Lui-même a une voix pleine de charme, inspirée, dit Yoni, par le style d’interprétation, tout en délicatesse, d’Astrud Gilberto sur le classique album Getz/Gilberto (Verve, 1964). « Tu sais, y’a de ces chanteurs qui te chantent à toi [« sings to you »], et d’autres qui chantent, tout simplement. Je ne voulais pas être ce genre de chanteur qui chante « à quelqu’un », privilégiant une interprétation plus intérieure, à fleur de peau.

Invité à performer à l’émission Jimmy Kimmel Live! il y a quelques semaines, Chiiild se préparait à fouler la scène du festival Lollapalooza de Chicago au moment de notre conversation. « On a été super chanceux, s’emballe Rioux. Ils nous avaient réservé une plage horaire, mais c’était avant la pandémie. Bon, règle générale, les gens te font des promesses, mais elles sont souvent remises à plus tard… Mais les gens de Lollapalooza nous ont rappelés pour y participer, alors on est super contents ! »

Ils seront cinq sur scène, Yoni, au chant et aux claviers, Pierre-Luc discret à la guitare, une violoniste et choriste, un bassiste, Nick Clark, « une sommité à L.A., il a accompagné sur scène tout le monde ici, dont Kanye West » et le batteur Maxime Bellavance, qui tenait la mesure au sein de l’orchestre maison de l’émission La Voix.

« Pour nous, abonde Pierre-Luc Rioux, lancer un album, ce n’est pas se soucier du nombre de views sur YouTube ou du nombre d’écoutes sur Spotify, ou whatever. Ça représente la fierté de pouvoir se dire qu’on a pris en main notre avenir. Avant, notre avenir passait beaucoup par le succès des autres; aujourd’hui, on est autonome. J’ai longtemps été un musicien de tournée, accompagnant les autres. Aujourd’hui, de pouvoir partir en tournée avec nos propres chansons, de sortir notre propre musique qu’on a faite avec les amis, c’est une victoire en soi. Ça, et pouvoir représenter le talent montréalais. »