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Malgré son bouquet d’influences puisant notamment dans la première moitié du 20e siècle de l’histoire musicale américaine, la formation Canailles rayonne d’une éclatante jeunesse toute québécoise. Cet octuor de Montréal (oui, oui, huit membres!) dans la mi-vingtaine pour la plupart, jongle nonchalamment avec un métissage de blues, cajun, bluegrass, folk et rock garage. Mais si leur mixture intemporelle et festive s’avère d’une redoutable efficacité sur leur premier album Manger du bois, paru en avril dernier sous étiquette Grosse Boîte, c’est à une journée d’été 2009, au Parc Lafontaine, que remonte la naissance du groupe.

« Cette journée-là, explique Érik Evans, l’un des principaux compositeurs de Canailles, j’étais avec Daphné (Brissette) et Annie (Carpentier) dans le parc et j’avais mon ukulélé.On a croisé Alice (Tougas St-Jak) et Dan (Tremblay), qui était mon ami. On s’est mis à jammer des tounes que Dan avait dans son étui de guitare. C’est là que ça a commencé. » Une semaine plus tard, le gérant du Yer’Mad (bar spectacle de Montréal), qui était par hasard dans le parc, est tombé sous le charme et a demandé à la joyeuse bande, encore sans nom, de se produire dans son bar!

Le groupe se trouve un nom en vitesse (Drunken Sailors) et monte un spectacle composé essentiellement de reprises de standards bluegrass américains. Les occasions de spectacles se succèdent (Tadoussac, Quai des Brumes) et la question de créer un répertoire original se pose naturellement. « On a eu beaucoup de discussions sur l’opportunité et la pertinence de chanter en français plutôt qu’en anglais, explique la chanteuse et auteure Daphnée Brissette. Moi-même, je n’avais pas d’exemple de voix féminine ayant mon timbre dans le style qu’on voulait exploiter. Ç’a été toute une adaptation. »

Un voyage exploratoire en Louisiane, avec sa musique au son plus bluesé, a fini par convaincre les filles du groupe qu’il était possible de franciser leur proposition musicale. Canailles était née, et un mini-album homonyme de sept chansons voit le jour à l’automne 2010. L’année suivante, le groupe remporte le troisième prix de la finale des 15eFrancouvertes.

« Comme on a un spectre d’influences assez large, on peut s’en aller autant à droite qu’à gauche quand vient le temps de composer.»

Pour certains le processus de composition est d’abord une activité solitaire, et on peut se demander comment huit membres aux visions musicales distinctes arrivent à brasser une soupe d’influences aussi éclectiques que celles de Canailles. Daphnée explique : « Comme on a un spectre d’influences assez large, on peut s’en aller autant à droite qu’à gauche quand vient le temps de composer. Et même si Dan, Érik, Alice ou moi on arrive avec nos tounes, les arrangements, on les fait en groupe, ce qui fait que tout le monde prend part aux compositions. Et malgré ça, la beauté de la chose, c’est que ça ne s’éparpille pas trop. »

Pour les aider justement à ne pas trop s’éparpiller sur leur premier album, Manger du bois, Canailles a fait appel à un réalisateur davantage reconnu pour son travail de métissage hip-hop que pour son côté folk, Josh Dolgin, alias Socalled : « Pour l’enregistrement de l’album, on voulait garder l’esprit live le plus possible, raconte Éric. Y a juste les voix qu’on a enregistrées séparément. On a voulu recréer l’énergie de quand on joue dehors ou sur une scène, ça provoque une proximité et ça rend ça plus authentique. Et c’est sûr que Josh, qui est habitué de travailler avec de nombreux collaborateurs pour ses propres albums, a été très habile pour nous aider à focaliser, à adopter une certaine rigueur musicalement et vocalement. On avait entendu son travail de réalisation sur un album de musique klezmer-punk de Geoff Berner, de Vancouver, et nous étions convaincus qu’il ferait du bon travail avec nous. »

« On est huit têtes fortes qui s’aiment, poursuit Érik. À huit, on ne peut pas se tanner les uns des autres, on peut changer d’ambiance facilement. Un trio content, c’est un trio content. Quand t’es huit à être contents après un show, ça fait pas mal plus de bruit! Et quand t’as une gang soudée, c’est une énergie contagieuse. »

Mais vivre à huit dans un groupe, faire des tournées à huit, partager les revenus à huit, est-ce qu’il n’y a pas là un défi impossible à relever sur la durée? « C’est clair que personne n’est dans Canailles pour l’argent… confirme Daphné. Je pense qu’il y a autant de chances qu’un groupe de quatre musiciens se sépare que nous. Mais on n’est vraiment pas sur le bord d’arrêter, ça ne fait que commencer! On fait tous des sacrifices en ce moment et c’est le fun de voir que tout le monde est sur le même pied d’égalité et se donne autant au projet. Les gens devront nous endurer encore un bon bout, je pense… » Pour notre plus grand plaisir!