Bernard AdamusBernard Adamus lançait cet automne un troisième album au titre à coucher dehors : Sorel Soviet So What, clin d’oeil à So Far, So Good… So What! de Megadeth (1988). Ce titre, personne n’aurait pu l’inventer à part lui. Le grand Adamus fait partie, comme Lisa LeBlanc, Jean Leloup et Safia Nolin, des personnages charismatiques de notre panorama musical, des belles bébittes dont on veut découvrir l’histoire.

Attablé devant une eau minérale (!!), il semble dangereusement en forme. Il raconte la petite histoire derrière le titre : « Un soir que je m’étais déguisé en motard à l’Halloween, je m’étais écrit ça sur le bras pis j’trouvais ça ben drôle. En même temps c’était une façon de me libérer de tout le poids du jugement des autres, une manière de dire « Arrêtons de capoter, c’est rien que des tounes! ». Ce titre, complètement psychédélique, est une bonne joke menée à terme. Ça sonnait ben à mes oreilles alors je l’ai gardé. »

Le travail sur la langue, vernaculaire, est important chez Adamus. À l’oreille, c’est fluide, ça coule de source. Dans Les pros du rouleau et Donne-moi-z’en, il atteint des sommets de densité textuelle. Le débit est rapide : on a l’impression que personne d’autre que lui ne pourrait s’emparer d’un tel texte pour le faire exister! « Je peux passer deux jours sur la même phrase jusqu’à temps qu’elle sonne bien. Même si certains me trouvent vulgaire ou whatever, l’apport du langage, c’est le moteur premier de la toune. Tout part de la relation entre le rythme des mots et le sens des paroles. »

Bernard AdamusDans Le blues à GG, Adamus va jusqu’à mettre en musique le texte d’un écrivain qui partage aussi cette vision des choses : Gérald Godin. « J’ai essayé de trouver quelque chose qui me ressemblait, dans quoi je pouvais être aussi naturel. Ce collage d’un poème de Godin, j’aurais quasiment pu l’écrire! »

Petit empire américain

Pendant un moment, Bernard a jonglé avec l’idée d’intituler son troisième album Dix tounes américaines. « Ça reste de la musique américaine, je continue à faire un mélange de blues, de musique de cabaret et de chanson, mais j’étais un peu tanné d’être le petit chanteur de galerie. Je savais pas exactement où je voulais aller, mais je savais ce que je voulais pas. La directive, c’était le groove, que ce soit plus vivant. C’est un album construit avec un esprit de band, pas des gars qui accompagnent un chanteur. »

Cette recherche de grooves a mené Bernard sur de nouveaux territoires, comme sur la chanson Hola les lolos, lancé au coeur de l’été, porteuse d’une belle brise hawaïenne. Impossible de résister à l’allitération en « L » de la phrase-mantra du refrain : on jubile. Dans cet hommage à la poitrine féminine, il contourne habilement le piège de la vulgarité :


Le poids de ma noix quand l’vert jaunit
Dans l’creux d’tes mains que l’ciel est gris
À snoozes-tu ben au p’tit matin
Ma belle grande face entre tes deux seins

« Quand j’ai dit aux gars ce que je voulais faire, ils ont trouvé ça un peu risqué… Je ne pense pas avoir offusqué personne avec ça, c’est la plus politically correct de l’album! » Cette chanson s’est hissée jusque dans le 6 à 6 de CKOI. Est-ce que Bernard Adamus souhaite élargir son public, gagner de nouveaux auditeurs? « Le but, c’est de ne jamais faire de compromis. Je fais mes affaires et advienne que pourra. C’est très cool qu’Hola les lolos soit rentrée à CKOI, c’est un beau cadeau. En pop, on voit souvent des albums avec deux, trois bonnes tounes et le reste est fade. Moi je préfère développer une relation intime à long terme avec mes fans que d’avoir un hit radio, mais de pas être capable de remplir ma salle à Trois-Rivières, d’autant plus que j’aime ça, moi, partir en tournée et faire des shows. »

Avant même que son album soit lancé, Adamus avait déjà une vingtaine de spectacles bookés à l’automne. C’est d’ailleurs sur la route qu’il a écrit et composé les chansons de Sorel Soviet So What. Il a mangé de l’asphalte, fait de nombreuses rencontres… « Il y a beaucoup de mouvement, l’album reflète bien mes trois dernières années passées en tournée. »

Entre légendes locales et autofiction, Adamus brosse la peinture d’un petit monde intrigant, ça grouille et c’est plein de couleur. Il pose un regard tendre, mais non complaisant sur les hurluberlus sympathiques qui traversent ses chansons avant de repartir sur une « chire »… « J’ai laissé une partie de mon spleen de côté. C’est encore moi, ma perspective, une chronique de mes jours, mais je parle aussi des autres. Un peu moins de mes états d’âme. »