Presque tout le monde sans exception qui pénètre dans la boutique Fiore Botanica est immédiatement frappé par la même impression : ça sent incroyablement bon. « La première chose que tout le monde dit en entrant est “Mon dieu ! Comme ça sent bon !” », explique Kathleen Quinlan, diplômée en aromathérapie et copropriétaire, avec Phaedra Charlton-Huskins, de cette entreprise de produits de soins personnels et domestiques située à Lunenburg, en Nouvelle-Écosse.

Toutefois, Quinlan souligne que très rapidement après avoir commencé à prendre connaissance des diverses crèmes et potions fabriquées à la main qui sont sur les tablettes de sa boutique, les clients remarquent immédiatement la musique qui les berce.

« La musique est extrêmement importante pour l’expérience client », explique-t-elle. « Tout le monde nous en parle. Il est très rare que les gens ne nous disent pas “J’ai adoré la musique, j’ai adoré magasiner ici”. »

C’est pour cette raison que Fiore Botanica arbore fièrement un autocollant Autorisé à vous divertir dans sa vitrine, histoire de faire savoir à ses clients et aux passants que ce commerce est parmi les plus de 30 000 commerces, bars et restaurants au pays qui soutiennent les créateurs canadiens de musique.

« La musique est extrêmement importante pour l’expérience client. »

« C’est quelque chose de vraiment important pour nous », explique Quinlan. « Et quand d’autres commerçants me demandent de quoi il s’agit, je suis très fière de leur expliquer. Certains me disent, “mais est-ce vraiment si important ?” Je leur explique alors en détail et je leur demande, “Eh ! bien, est-ce important pour vous de vous faire payer lorsque quelqu’un part avec un de vos produits ?” »

Bien que Kathleen Quinlan, qui fabrique elle-même tous les produits Fiore Botanica sur place, ait lancé sa gamme de produits en 1997, après avoir reçu son certificat d’aromathérapeute, il a fallu attendre jusqu’en 2009 avant qu’ils soient offerts au grand public, et même à ce moment, ils ne l’étaient qu’en ligne (Quinlan habitait alors Montréal).

« Je suis consciente du long processus d’apprentissage durant toutes ces années pour apprendre le processus de fabrication d’un produit », confie Quinlan. « Je suis consciente de toutes les heures que j’y ai passées. »

Cela explique pourquoi elle est si passionnée par le soutien aux créateurs de musique, qu’elle voit comme des gens qui vivent aussi de leur créativité. « Ça me fait penser au processus de ces créateurs lorsqu’ils composent une mélodie ou écrivent des paroles de chanson », poursuit-elle. « J’apprécie et j’ai besoin de me faire payer pour mes créations et je crois que c’est très important de payer pour la musique que nous utilisons. »

Elle estime que cet amour de la musique et son désir de soutenir les musiciens lui viennent de son enfance et de sa famille qui compte plusieurs musiciens — les membres du groupe The Good Brothers sont ses cousins, tout comme Dallas et Travis Good du groupe The Sadies. Elle a grandi à Douro, un petit village de l’Ontario près de Peterborough où pratiquement chaque habitant joue d’un instrument. Kathleen a même joué du violon dans un groupe composé de membres de sa famille. « Il y avait toujours plein d’instruments ici et là dans ma famille », se souvient-elle. « Et s’il en manquait un, un l’empruntait à un voisin. »

Cela fait également partie des raisons qu’elle aime tant sa ville adoptive de Lunenburg et sa vibrante communauté artistique et musicale. Après deux années à Liverpool, sur la côte sud de la Nouvelle-Écosse, Quinlan et Charlton-Huskins ont décidé de déménager leur boutique à la turquoise devanture sur la rue principale de Lunenberg.

Et les affaires vont très bien chez Fiore Botanica : en plus d’avoir récemment conclut des ententes de fourniture de produits de beauté pour des hôtels, Quinlan est particulièrement fière du fait que ses produits étaient inclus dans les sacs-cadeaux remis aux vedettes lors de l’édition 2016 des Golden Globes ainsi que lors des MTV Movie Awards. La gamme de produits pour bébés de l’entreprise a également récemment été offerte en cadeau à 21 mères célèbres de Los Angeles, dont Alanis Morissette. « C’était très excitant ! », lance-t-elle en riant.

Mais afficher un autocollant Autorisé à vous divertir à vous divertir n’est pas la seule manière dont Quinlan et Charlton-Huskins soutiennent les membres de la SOCAN. Fiore Botanica a offert ses produits aux artistes qui participaient à la deuxième édition du Kenekt Song Camp qui a eu lien en mai 2016 aux Shobac Cottages, en Nouvelle-Écosse. « Nous étions très fières de contribuer de la sorte », affirme Quinlan. « Nous continuerons de poser de tels gestes pour exprimer notre soutien à la création musicale. »

Car après tout, la musique est une composante essentielle de la vie de Kathleen Quinlan et au succès de Fiore Botanica auprès de ses clients. « La boutique n’est jamais silencieuse quand nous y sommes », conclut-elle en toute simplicité. « C’est un élément intrinsèque de l’expérience en magasin pour nous. »

Voilà qui explique sa passion pour convaincre les autres entrepreneurs de se procurer une licence SOCAN. « J’espère que tous les détaillants qui allument la radio en ont une », dit-elle, « car si vous utilisez la musique pour mousser vos affaires, vous devriez avoir votre autocollant Autorisé à vous divertir. »



Dessiner le parcours professionnel de l’éditrice Diane Pinet, fondatrice des Éditions Bloc-Notes Musique, c’est accepter d’avance les trous et les oublis d’une telle entreprise. Il y a longtemps que cette fonceuse et passionnée œuvre dans l’univers musical à sa façon.

Dès la polyvalente, la jeune femme organise des spectacles, de Jean-Pierre Ferland à Harmonium. « À l’époque, je ne pensais même pas qu’on pouvait gagner sa vie de cette façon. » Lorsque le cégep de St-Laurent où elle étudie tombe en grève, le tourneur Alain Paré l’approche pour travailler avec lui. Elle accepte tout en poursuivant des études universitaires qui la mèneront ensuite dans le monde du droit d’auteur, au sein de SDE/PRO, ancêtre de la SOCAN. Le jour où elle flirte avec l’idée de changer de boulot et de travailler dans le milieu publicitaire, ses amis musiciens, auteurs et compositeurs, l’encouragent plutôt à créer sa propre maison d’édition. Et c’est ce qu’elle fait en 1985 avec la création des Éditions Bloc-Notes Musique.

« À cette époque, les droits étaient très petits. J’étais frustrée par le très peu d’argent que les auteurs et compositeurs récoltaient. Même pour les artistes qui avaient un numéro un, certains vivaient souvent sous le seuil de la pauvreté. J’avais beaucoup de difficulté avec cette situation-là. »

Dès ses débuts, les Éditions Bloc-Notes Musique se distinguent par le caractère international de son catalogue. Pinet passe beaucoup de temps en France afin d’obtenir des ententes. Pour gagner en crédibilité dans ce milieu masculin, elle raconte alors qu’elle avait un patron. « On me trouvait très efficace puisque mon patron « virtuel » m’envoyait  aussi souvent en voyage… » Elle signe alors en sous-édition tout le catalogue de Virgin France.

Ce lien privilégié avec la France existe toujours puisque Éditions Bloc-Notes Musique est sous-éditeur du prestigieux catalogue de Warner Chappell France. Pour Pinet, cette idée qu’une chanson se doit de voyager, au-delà de son territoire d’origine, est une chose évidente et voire même, essentielle. « Il n’y a pas de frontières à une bonne chanson. Je crois que cela me vient de mon éducation. J’ai changé beaucoup de fois de pays quand j’étais jeune. J’ai vécu en France et en Angleterre. Mon père travaillait dans l’aviation canadienne. Pour moi, peu importe où l’on se trouve, il y a des choses fantastiques à faire. » Cela lui a visiblement servi comme le révèle son travail ou ses collaborations auprès d’auteurs, compositeurs  et interprètes tel que Céline Dion, Luc Plamondon, Patrick Bruel, Gerry Boulet, Gipsy Kings, le Cirque du Soleil (René Dupéré), Marie-Mai, et avec des auteurs-compositeurs ayant tous obtenu des disques d’or, platines et des Prix No. 1 SOCAN, comme Tino Izzo, Diane Cadieux, Bobby John, Fred St-Gelais, Bobby Bazini, Sally Folk et Stéphane Dufour, pour ne nommer que ceux-là.

« Ce qui compte pour moi, c’est d’avoir un frisson en écoutant une chanson. On ne peut faire aussi longtemps ce métier sans aimer profondément la musique. »

Encore aujourd’hui, Diane Pinet construit et entretient des liens sur toute la planète. Quelques jours avant notre discussion, la femme d’affaires venait d’officialiser une entente avec Warner Chappell US, une négociation d’une durée de plusieurs mois dont elle était particulièrement fière.  « Il n’y a pas une façon de faire des affaires, mais des façons de faire des affaires. Le marché québécois n’a rien à voir avec le marché canadien. Tout comme le marché américain n’a rien à voir avec le marché français ou japonais. Je ne fais pas ici de la politique. Pas du tout. Quand on travaille à l’échelle de la planète, ce qui compte, c’est une forme de disponibilité. Cette capacité à réagir promptement et à s’adapter. Je me dois d’être capable de revoir mon plan d’affaires en l’espace de 24 heures. Pour moi, cette rapidité et cette flexibilité font appel à notre créativité. »

Mais que ces ententes se réalisent avec des joueurs d’envergure ou des indépendants, la donne ne change pas pour Diane Pinet qui affectionne également la proximité avec les auteurs et compositeurs qu’elle représente. « Ce qui compte pour moi, c’est d’avoir un frisson en écoutant une chanson. On ne peut faire aussi longtemps ce métier sans aimer profondément la musique. Je suis toujours aussi excitée d’entendre de nouvelles chansons, de voir des auteurs-compositeurs entrer dans mon bureau pour me faire entendre une pièce. C’est un cadeau. »

Son lien avec les auteurs et compositeurs est si précieux et privilégié que cette « manager de chansons » accompagne leurs parcours, proposant des ateliers d’écriture, au Canada, aux États-Unis et en Europe. « J’ai encouragé l’auteur Bobby John à participer à un camp d’écriture à Toronto avec 40 créateurs pour les jeux panaméricains. Sa chanson, Together We Are One, qu’il a coécrite avec Jasmine Denham et Murray Daigle, a finalement été sélectionnée pour être la chanson thème des jeux. Et c’est Serena Ryder qui a interprétée la chanson qui a obtenu un No. 1 SOCAN. Reste que le parcours d’un auteur ou compositeur est toujours unique et particulier à chacun. Ce qui est bon pour Betty Bonifassi, ne convient pas nécessairement à Fred St-Gelais. »

Celle qui a vu son métier se transformer perçoit positivement les grands défis auxquels doivent faire face créateurs et éditeurs. Elle attend d’ailleurs avec impatience la révision juridique de la loi sur les droits d’auteur prévue en 2017, qui, espère-t-elle, verra la durée de la protection des droits d’auteur passer de 50 à 70 ans pour les ayants droit – comme cela est le cas en France, en Italie et au Brésil. « J’espère aussi que cette révision nous donnera les outils nécessaires afin que nos auteurs, compositeurs et créateurs  puissent être mieux représentés à l’égard de l’utilisation de leurs œuvres, et de manière d’autant plus urgente avec tous les changements technologiques de ce monde. »

Dans la tourmente, Diane Pinet embrasse le défi comme une opportunité de rassembler les nombreux acteurs musicaux, des créateurs aux différentes associations à travers le pays, autour d’une même cause.  « Le reflet de notre culture représente qui nous sommes. »



Avant de pouvoir gagner leur vie avec leur art, la plupart des artistes vivent une période de flottement étrange, durant laquelle ils peuvent passer, parfois dans la même journée, des feux de la rampe à la dure réalité d’un métier plus terre à terre. Lorsqu’on la joint au téléphone, la chanteuse Marcie se trouve exactement à ce point. Elle prend une pause de son travail, une tâche de moine qui consiste à sous-titrer des émissions pour les malentendants, pour nous parler de ses aventures d’il y a quelques semaines, alors qu’elle sillonnait la France en première partie des vétérans Mickey 3D.

Pour l’heure, elle s’accommode très bien de cet équilibre : « Je suis contente parce que j’ai un horaire flexible, qui me permet de partir en tournée et c’est très sécurisant. J’aime ma job et j’aime faire de la musique ; pour l’instant, c’est un équilibre qui me convient tout à fait. » Depuis son passage en finale des Francouvertes en 2013 (aux côtés des Hay Babies et des Dead Obies), Marcie alterne les périodes de création et les moments où elle se contente de vivre « pour accumuler des émotions qui vont finir par alimenter les chansons, que je fais plutôt par grosses bourrées que par petites touches », explique-t-elle.

Après un premier disque, paru en 2013 et réalisé par Ludo Pin, elle vient de lancer un mini album sur lequel elle explore de nouvelles textures. Réalisé avec l’aide de Dany Placard et Louis Philippe Gingras, ce mini album de quatre titres, plus brut, contient une reprise de Françoise Hardy (la magnifique Ma Jeunesse Fout l’Camp) et une chanson frappante, Puisque, dans laquelle elle annonce « je serai chanteuse populaire ou j’entrerai au monastère », une phrase amusante qui tient plus de la boutade que de la menace.

« J’ai écouté beaucoup de musique religieuse ces deniers temps et il faut croire que ç’a m’a influencée, explique Marcie. Je ne suis pas croyante moi-même, mais je trouve quelque chose de si pur dans les sentiments qu’on retrouve dans ces chansons. » En plus de la musique de John Littleton, Louisianais d’origine qui a popularisé les negro spirituals en France, elle a aussi allumé sur la musique d’un duo québécois des années 1960 : Les Messagères de Joie.

« Mon amie Marianne a trouvé le premier album des Messagères de Joie dans une brocante et elle a simplement flashé sur la pochette qui montre deux religieuses, la première avec un énorme crucifix au cou et l’autre avec une guitare. On s’attendait à rire un bon coup en l’écoutant, mais au contraire, j’ai trouvé l’écriture magnifique. Oui, ça parle de Jésus, mais c’est plus que ça… j’ai trouvé quelque chose de poétique, en particulier la chanson Je sais que tu es beau, qui m’a beaucoup émue. » Marcie a été touchée au point d’entrer en contact avec l’auteure et compositrice des Messagères, Nanette Bilodeau (autrefois connue sous le nom de Sœur Wilfrid Marie) et de reprendre sa chanson. Aujourd’hui, elle entretient une relation d’amitié étonnante avec cette fringante octogénaire, qu’elle revoit régulièrement.

Si elle n’a pas l’intention de se mettre elle-même à la musique religieuse, elle souhaite quand même que l’inspiration divine soit au rendez-vous pour la suite. Elle a déjà quelques chansons en banque et espère nous offrir un prochain album à l’automne prochain, si Dieu le veut. De notre côté on ira à l’oratoire pour allumer un cierge en espérant qu’elle ne finisse pas au monastère.