Sa voix chaude, grave et profonde charmera sans doute les mélomanes en quête de nouveauté. Alejandra Ribera, Montréalaise d’adoption, a sorti en février son deuxième album, La Boca, où elle chante en anglais, en espagnol et en français. Elle a pondu des textes évocateurs, juste assez mystérieux pour que l’auditeur en tire bien ce qu’il veut. Des textes qui vous ensorcèlent, vous hantent et s’incrustent dans votre cerveau pendant des jours.

Pour La Boca, Alejandra Ribera s’est entourée d’une équipe de rêve, qui a rehaussé avec grâce ses compositions : le réalisateur Jean Massicotte, bien connu pour son travail avec Pierre Lapointe, Lhasa de Sela et Jean Leloup, et les musiciens expérimentés Yves Desrosiers et Mario Légaré. En plus, elle a recruté Arthur H pour un sulfureux duo, Un cygne la nuit. En fait, tous les astres sont alignés pour que son nom soit sur toutes les lèvres au cours des prochains mois.

Née d’un père argentin et d’une mère écossaise, Alejandra Ribera est originaire de Toronto, où elle a appris le violon et le violoncelle toute  jeune. En 2009, elle lance un premier disque, NavigatorNavigateher, enregistré en cinq jours seulement. Cet album a connu un succès inespéré pour la jeune femme. Elle ne cherchait qu’une façon d’amasser de l’argent pour payer ses musiciens lorsqu’elle jouait dans les bars, finalement ses chansons se sont retrouvées sur les ondes de la CBC. Elle a écumé par la suite les routes du Canada mais aussi du Québec. Elle a même visité à quelques reprises le plateau de l’émission Belle et Bum, à Télé-Québec. 

« Je ne raconte pas d’histoires dans mes chansons, je ne suis pas une raconteuse

Incroyable coup de chance : Alejandra Ribera a pu rendre hommage à la grande Lhasa de Sela, décédée trop rapidement en janvier 2010, tout d’abord lors d’un concert au Théâtre Rialto et par la suite en participant à Danse Lhasa Danse, un spectacle mélangeant musique et danse qui s’est promené un peu partout.

Il serait facile de comparer les deux artistes, qui dégagent toutes les deux une passion brûlante et se démarquent grâce à leur signature unique. Alejandra Ribera accepte le compliment du bout des lèvres, presque avec gêne. « Lhasa a pris une place particulière dans ma vie, explique-t-elle. Il y a une connexion, c’est certain. J’ai tellement de respect pour elle. »

Les hasards de la vie ont aussi permis à Alejandra de croiser l’un des membres importants de l’entourage de Lhasa : Jean Massicotte. Et c’est à cause de lui qu’elle est déménagée à Montréal. « Jean est un véritable artiste. Tes chansons, c’est comme tes bébés. Tu es attachée à chacune d’entre elles. Travailler avec quelqu’un comme Jean, c’est comme les envoyer à la meilleure université, » lance la chanteuse, qui ne tarit pas d’éloges pour le réalisateur. Pour elle, Jean Massicotte aura été un mentor, un professeur qui l’aura portée beaucoup plus loin qu’elle ne le pensait.

Malgré les pressions de l’industrie, qui voulait qu’elle sorte rapidement un nouvel album, Alejandra a pris son temps pour offrir La Boca. Il est impossible, pour la chanteuse, d’écrire sur commande, elle compose en dilettante, et complète souvent des idées couchées sur papier trois ans auparavant. Une démarche impressionniste, où elle se fie totalement à son instinct. « Quand tout te pousse à aller d’un côté, mais que ta petite voix intérieure te dit de faire autre chose, il faut la suivre, » affirme-t-elle.

Alejandra trouve l’inspiration dans des images, des mythes, des personnages historiques… Pour la pièce-titre de son disque, c’est un article sur le lac Vostok, découvert en Antarctique par des scientifiques russes, qui a piqué sa curiosité. « Je me suis mise à penser aux créatures sous-marines, à la bioluminescence, à l’éclairage si particulier que tu retrouves au fond des mers. » Elle pensait trouver dans ce matériel quelque chose de magique, et elle a réussi à merveille.

« Je ne raconte pas d’histoires dans mes chansons, je ne suis pas une « raconteuse », avoue-t-elle sans ambages. Je ne veux pas parler d’une relation et dire que c’était extraordinaire et après quelques années, c’était terrible. Il y a des gens meilleurs que moi pour écrire ce genre d’histoires. Je préfère évoquer des choses, et laisser le soin à ceux qui écoutent mes compositions de les interpréter comme bon leur semble. »

Plus qu’une question esthétique ou de sonorité, écrire en espagnol lui permet de créer justement une distance lorsqu’elle veut traiter de sujets trop personnels, trop sensibles pour elle. « Pourtant, je ne suis pas aussi à l’aise en espagnol qu’en anglais, je l’ai perdu un peu. Mais ça me donne plus d’espace lorsque le sujet est difficile à aborder. »

Avec La Boca, Alejandra Ribera espère maintenant se promener aux quatre coins de la planète. Elle s’est rendue à New York récemment pour y interpréter quelques-unes de ses nouvelles pièces lors d’un événement réservé à l’industrie. La chanteuse veut se faire connaître au Québec, certes, mais aussi présenter prochainement des spectacles en Europe. Et pourquoi pas au Palau Musica de Barcelone, son rêve ultime? Gageons que la magie qui se dégage de La Boca saura lui porter chance…