Alain Chartrand

Photo by/par Benoit Rousseau

Coup de cœur francophone célèbre ses trente ans cette année. Une centaine de prestations sont au programme durant onze jours dans treize salles montréalaises jusqu’au 13 novembre 2016. Trente ans de créations et de découvertes qui ont fait du rendez-vous automnal un vecteur incontournable du paysage musical québécois.

Le 12 septembre dernier au Gala de la SOCAN à Montréal, son directeur et cofondateur Alain Chartrand recevait le prix Hommage décerné par ses pairs pour sa contribution à l’essor de notre culture par le biais de Coup de cœur francophone. « Je suis bien sûr honoré, surtout lorsqu’on regarde la liste des prestigieux récipiendaires du passé comme Guy Latraverse ou Donald Tarlton, j’ai été un peu intimidé parce que c’est la reconnaissance d’un travail d’artisan qui est reconnu par l’institution qui gère les droits d’auteur des auteurs-compositeurs. Je suis fier de ce prix parce que la SOCAN reconnaît le travail des passeurs et des diffuseurs du spectacle vivant dans la grande chaîne, dont nous sommes l’un des maillons ».

« Au milieu des années 80, on a constaté assez vite qu’il y avait un intérêt pour la nouvelle chanson française, les Arthur H (qui a joué pour la première fois à Coup de cœur en première partie de Luc de Larochelière), Dominique A., Arno, etc. Il y avait des artistes à découvrir et un festival, ça sert à ça », se rappelle Chartrand.

Ses concerts marquants des trois décennies passées ? « C’est une question cruelle !  Alain Bashung en 1995 a été une vitrine magnifique, le timing était bon. Richard Desjardins Symphonique qui, incidemment, a fait ses débuts à Coup de cœur en 1988 en première partie d’Isabelle Mayereau, c’était la première fois que Richard jouait devant six cents personnes ». Desjardins a joué sept fois à Coup de cœur en trente ans.

“« Je pense aussi à Danse Lhasa Danse créé lors du 25e en 2011 et qui selon moi a marqué Coup de cœur d’une pierre blanche. Avec Pierre-Paul Savoie aux chorégraphies, treize danseurs, six chanteurs et cinq musiciens. La première fois que tout le monde était ensemble pour répéter, c’était le jour du spectacle !?»

Il y a aussi Diane Dufresne dans les souvenirs du directeur artistique. « Je m’en souviens parce que c’était (feu) Allain Leprest qui faisait sa première partie et il avait remercié Les Francofolies sur scène ! »

Danse Lhasa Danse

Danse Lhasa Danse. Photo by/par Jean-François Leblanc

Mais Coup de cœur a dû, à un certain moment, sortir des cadres de la chanson avec des artistes plus corrosifs comme Massilia Sound System, No One Is Innocent, Vulgaires Machins et WD-40 : « C’est sûr qu’à un moment donné il a fallu communiquer autre chose que : amis de la chanson bonsoir ! »

Quelle observation fait-il de l’écosystème musical aujourd’hui ? « On pose souvent la question à savoir si la chanson est en crise. Sur trente ans de Coup de cœur francophone, je peux te dire qu’il n’y a jamais eu de crise au niveau de l’effervescence de la création. Bien sûr, la façon de consommer la musique a transformé le portrait, la difficulté pour un artiste aujourd’hui c’est : comment tu te rends au public ? Aux débuts du Coup de cœur, l’enjeu récurrent c’était la frilosité des radios, c’était l’unique canal pour y arriver ».

Optimiste, Alain Chartrand ? « Il y a toujours des cycles de nouveautés, des nouveaux visages qui surgissent. Aujourd’hui, on pourrait faire deux ou trois programmations. Mais est-ce que ces nouveaux vont avoir la capacité de développer constamment un public ? Prends Sylvie Paquette (qui présente son spectacle-hommage à la poétesse Anne Hébert le 8 novembre). Elle est la première artiste qui a foulé les planches de Coup de cœur. Elle est une persévérante même si elle n’a jamais eu des ventes de disques faramineuses. Et elle a développé son public ».

Ce un secret de Polichinelle, Chartrand a une relation particulière avec les auteurs de chansons. « C’est plus une relation avec la chanson au départ, précise-t-il. Je m’intéresse à la chanson parce qu’elle s’intéresse à moi. C’est un intérêt partagé. Avec les musiciens, il y a une relation de confiance aussi dans la rétribution des droits d’auteurs. Il y a toujours eu un travail pour mettre à jour toutes les règles qui régissent le droit d’auteur. Je ne suis pas un spécialiste, mais avec le chambardement actuel, ce que je pense c’est qu’il faut régler le problème de façon légale, il faut que les pouvoirs des gouvernements puissent être utilisés envers les fournisseurs de services. Il faut aussi mieux positionner la chanson francophone afin d’obtenir une meilleure rétribution. Mais c’est une problématique planétaire ».

Coup de cœur, on l’oublie, est un projet de partenariat. Quarante-cinq villes canadiennes y sont désormais associées avec plus de deux cents spectacles à l’affiche. « Notre terrain de jeu, c’est six fuseaux-horaires. Plutôt que de développer verticalement, nous on a développé horizontalement ! »

Parmi les musts de la cuvée 2016, Alain Chartrand a hâte aux spectacles de Philippe Brach (qui présente les chansons de son nouveau disque Enfant-Ville), la création Corps, amour et anarchie, Klô Pelgag et le retour des Goules.

www.coupdecoeur.ca
Du 3 au 13 novembre 2016