La première fois que j’ai vu Patrick Watson sur scène, c’était en 2009, et je portais un costume de père Noël.
Nous étions à quelques heures de noël et la veille, Watson, armé d’un verre de Jameson de trop, avait sournoisement réussi à me convaincre de présenter son groupe déguisé en père noël lors de leur prestation des fêtes sur la scène du Métropolis, à Montréal. Jusqu’alors, Watson n’était qu’un compagnon de la dive bouteille (il l’est toujours), mais je n’avais jamais auparavant entendu son jeu au piano ou son falsetto fildefériste.
Ce soir-là, sa confiance sur scène, son sens du dramatique et du magnifique et cette impression d’intimité qui se rendaient jusqu’à moi, au fond de la salle, m’ont complètement renversé. Watson et ses comparses musicaux possédaient tous le pouvoir de captiver chacun des membres de l’auditoire et de liquéfier chacun d’eux, même le plus endurci.
Peu après, j’ai exploré sa discographie, mais rien de ce que j’y ai trouvé n’arrivait à la cheville de cette intensité que Watson et sa bande m’avaient fait ressentir en concert.
Je ne veux évidemment pas dire que le talent du groupe n’avait pas adéquatement été capté par ces sillons : il suffit de se souvenir que Close to Paradise a gagné le Prix Polaris en 2007 et que Wooden Arms était finaliste sur la liste courte pour ce même prix deux ans plus tard. Il y avait néanmoins un gouffre entre le « live » et le studio. Nous voici trois ans plus tard, et voilà que son plus récent opus Adventures in Your Own Backyard vient faire le pont entre ces deux univers.
« Ça a commencé à transparaître sur notre quatrième album et je savais que ce disque serait très important pour nous », explique Watson. « Nous n’avions jamais réussi à capter l’énergie de nos prestations sur scène en studio, et c’est le défi que nous nous étions lancé cette fois-ci. Nous voulions faire un album qui donnerait la chair de poule aux gens, un point c’est tout. »
Adventures in Your Own Backyard est la preuve que c’est mission : accomplie. Le disque dégage une immédiateté tout en maintenant un arc mélodique finement élaboré. C’est indéniablement une aventure musicale de passer de la pièce d’ouverture, la douce « Lighthouse » aux entraînantes « Into Giants » pour terminer avec l’instrumentale qui n’est pas sans rappeler Angelo Badalamenti, « Swimming Pools ». Les personnages qui vivent dans les chansons de Patrick Watson sont vivants, sympathiques et invitants.
« Je suis loin d’être un grand parolier, et c’est en fait ce que je trouve le plus difficile à faire », confie l’artiste. « Mais pour ce disque, je voulais écrire des mots que les gens puissent toucher et de proposer à monsieur et madame tout le monde des aventures qui soient à leur portée. Je n’ai aucune envie d’être le sujet de ma propre écriture. Lorsque j’entends des auteurs-compositeurs raconter les histoires des autres de manière très personnelle, je trouve ça plus intéressant et moins ennuyeux. »
Même si c’est le nom de Patrick Watson qui est sur la marquise, l’apport de son groupe — Simon Angell à la guitare, Robbie Kuster à la batterie et Mishka Stein à la basse — est d’une valeur inestimable. Angell, Kuster et Stein participent à la création des chansons, connaissent leur place dans chacune d’elles et à quel moment prendre l’avant-scène pour le démontrer. Amis depuis leur rencontre à l’école de musique, le groupe n’a pas changé d’un iota depuis sa création il y a plus de 10 ans. Watson s’empresse de souligner que sa musique est tout sauf un projet solo et que bien qu’il en soit la locomotive musicale, la forme finale d’une chanson est bel et bien façonnée à huit mains.
« Beaucoup de gens croient à tort que ce groupe est en fait un truc d’auteur-compositeur, et ça m’irrite sérieusement », poursuit-il. « C’est vraiment important pour nous que chacun d’entre nous puisse contribuer musicalement au groupe. En fin de compte, nous ne pouvons choisir que les 12 meilleures chansons que nous avons à offrir aux gens, et rendu là, ça n’a aucune importance qui en a eu l’idée originale. »
« Je suis vraiment fier du fait que notre formation n’a changé aucun membre depuis sa formation. Nous sommes souvent en tournée et nous parvenons toujours à vivre au moins une aventure qui nous fait rire et nous unit en tant qu’amis et pas seulement en tant que musiciens dans un groupe. Nous avons toujours pris soin de préserver cela et je crois que c’est ce qui a assuré notre longévité. »