À Sotchi, Eric Radford et Meagan Duhamel ont offert une solide performance. Ils obtiennent la septième position en patinage en couple et contribuent à l’obtention de la médaille d’argent lors de la première épreuve en équipe pour le Canada en patinage artistique. Ce qui retient dès lors l’attention, c’est le programme court du couple Radford et Duhamel. Pour une première fois dans l’histoire de ce sport, un athlète est également le créateur de la pièce musicale sur laquelle il patine. Radford a composé « Tribute », une pièce instrumentale classique et lyrique, appuyée par l’Orchestre symphonique de Longueuil et la chanteuse Jenifer Aubry. « Il y a un Ukrainien qui aurait écrit dans les années 90 une pièce techno pour une de ses performances dans un contexte non compétitif. Et le compositeur Edvin Marton est également connu pour ses pièces créées sur mesure pour des patineurs et patineuses russes. Mais encore là, ce n’est pas tout à fait ma démarche. »

La démarche d’Eric Radford est en effet unique en soi. En 2006, le patineur compose une pièce au piano, une composition simple et poignante qui traduisait la peine et la gratitude qu’il éprouvait pour son entraîneur Paul Wirtz, mort d’un cancer à l’âge de 47 ans. L’histoire aurait pu se terminer là. « La musique est dans ma vie depuis l’âge de huit ans. Dès que je trouve un piano dans un hôtel, je m’assois et je joue. Combien de fois les gens du milieu m’ont suggéré de patiner sur l’une de mes compositions… » Il y a deux ans, Radford décide d’exaucer ce désir. Secrètement, sans en parler à sa partenaire de patinage Meagan Duhamel et son entraîneuse Julie Marcotte, il réalise une recherche internet avec les mots clefs « compositeur », « musique » et « Montréal ». Il tombe sur Louis Babin dont il apprécie les extraits musicaux sur son site internet. Sans hésiter, Radford contacte Babin. Le compositeur est de prime abord sceptique. « Ce n’est pas la première fois que l’on me contacte pour ce genre d’expérience. Je me méfiais un peu… » 

« La musique est dans ma vie depuis l’âge de huit ans.» – Eric Radford

Mais dès la première rencontre, le courant passe. Louis Babin confirme. « Je réalise qu’Eric a réellement du talent et que sa pièce se tient. Il travaillait également sur Logic Pro, un logiciel de musique que j’enseigne. J’ai alors compris le sérieux de l’affaire et son besoin de faire de cette pièce une aventure qui fonctionne. » Rien n’était pourtant gagné d’avance. Premièrement, il y avait Meagan Duhamel et Julie Marcotte à convaincre. Et puis la Fédération de patinage artistique. « Maintenant, je sais que Meagan et Julie n’étaient pas convaincues, admet Radford. À l’écoute du démo réalisé par un synthétiseur avec des sons échantillonnés, elles n’y croyaient pas. À un certain point, je leur ai promis que si ça ne fonctionnait pas, je n’en serais pas offusqué. L’important pour moi, c’était d’aller au bout d’un processus. »

Babin et Radford travaillent pendant plusieurs mois à l’instrumentation de « Tribute », dont Babin a aujourd’hui 10% des droits. Ils se rencontrent, mais surtout s’envoient des courriels. Babin encourage Radford à obtenir les services de l’Orchestre symphonique de Longueuil. Une dépense qui s’avéra payante. « Je crois que c’est là que je fus complètement époustouflé par cette aventure, confie Radford. Wow! Quand j’ai entendu les premiers coups d’archet des instruments à corde, on se regardait Meagan, Julie et moi, et je voyais que tout cela serait possible. C’est l’un des moments les plus importants de ma vie. Quand on est athlète, on recherche les marches du podium, un moment très court à travers toutes ces années d’entraînement. Et là, avec cette chanson, j’ai vécu des émotions tout aussi intenses. Quel cadeau! »

Il en est de même pour Babin qui voit de nombreux parallèles entre le travail de précision que demande la pièce « Tribute » et celui de la composition pour le petit et le grand écran. « Il a été très important d’écouter les commentaires de Julie Marcotte, qui avait des besoins très spécifiques afin que la musique suive la chorégraphie. Et jusqu’à la fin, on a fait, Eric et moi, des ajustements. Nous avions quatre secondes à couper avant d’envoyer le tout en mixage sonore final. » Babin s’est même déplacé à Boisbriand afin de voir la première vie de cette pièce, la première exécution du programme court d’Eric Radford et de Meagan Duhamel.

Babin, emballé part cette rencontre, est ému par le courage de Radford. « Il a mis sa tête sur le billot. Tout cela aurait pu se transformer en une somme supplémentaire de stress, mais Eric l’a vécu autrement. » Radford rend aujourd’hui accessible « Tribute » sur l’Internet et partage la moitié des profits avec la Société canadienne du cancer. Mais surtout, il se promet de poursuivre cette nouvelle collaboration avec Louis Babin. « J’aimerais me retrouver dans cet univers musical-là après le patinage artistique. Est-ce que ce sera dans deux ans, dans quatre ans, je ne sais pas… Là, je me prépare à composer la musique de notre prochain programme long. Je ne peux plus retourner en arrière. »

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